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Droit sanitaire, médical et hospitalier
La solidarité nationale appelée à jouer un plus grand rôle dans l’indemnisation des accidents médicaux
Mots-clefs : Obligation d’information, Perte de chance, Risque, Faute (absence de), Indemnisation, Solidarité nationale
Le médecin qui manque à son devoir d’information ne commet pas une faute susceptible d’écarter une indemnisation par l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux du patient victime d’un accident médical.
Dans cette affaire, un patient avait été opéré d’une hernie discale, sans que son médecin ne lui délivre aucune information sur les risques que comportait l’opération. Jugeant qu’il y avait urgence (ce que le rapport d’expert présenté au tribunal contredisait), le médecin avait en effet opéré 12 jours seulement après la première consultation. À la suite de l’opération, le patient avait présenté une hémiplégie.
Ce dernier avait alors demandé la réparation du dommage au chirurgien et à son assureur. Il avait également demandé réparation à l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux (ONIAM). La cour d’appel d'Aix-en-Provence avait condamné le médecin et l’assureur à payer in solidum les dommages-intérêts au plaignant. Selon l’arrêt attaqué, le chirurgien avait bien manqué à son devoir d’information, ce qui avait privé le patient d’une chance de voir le dommage ne pas se réaliser. En d’autres termes, la cour d’appel reconnaissait que, mieux informé, le patient aurait pu refuser l’opération en raison des dangers qu’elle présentait.
Cependant, la cour d’appel excluait l’indemnisation par l’ONIAM, en relevant que la solidarité nationale n’avait pas à intervenir dans l’hypothèse d’un accident médical provoqué par une faute médicale, « quelle qu’elle soit » (en l’espèce, l’absence d’information).
A contrario, les Hauts magistrats jugent que les articles 1142-1 et 1142-18 du Code de la santé publique n’excluent pas la « réparation au titre de la solidarité nationale des préjudices, non indemnisés, ayant pour seule origine un accident non fautif ». Aux termes de ces articles, la responsabilité des établissements de soins et des professionnels de santé ne peut être recherchée, en principe, qu’en cas de faute. Mais le deuxième alinéa de l’article 1142-1 prévoit une indemnisation si l’acte médical à eu, directement, des « conséquences anormales au regard de son état de santé [le patient] ».
La Cour de cassation étend donc le domaine des accidents médicaux pour lesquels l’ONIAM pourra être amené à indemniser les victimes. C’est la conséquence logique de sa jurisprudence sur le devoir d’information qui incombe à chaque médecin, et qui ne fait pas du manquement à ce devoir une faute susceptible d’engager la seule responsabilité du médecin. L’ONIAM, qui avait vu le nombre de demandes d’indemnisations se stabiliser en 2009, risque de voir son activité augmenter du fait de cet arrêt, qui ouvre de nouvelles possibilités d’indemnisations pour les patients.
Lors du vote de la loi sur la responsabilité civile médicale de 2002, la doctrine avait résumé la création de l’ONIAM ainsi : « Le législateur a ainsi ostensiblement manifesté sa volonté de clarifier le régime contentieux des accidents consécutifs à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins : la responsabilité pour la faute et la solidarité pour l'aléa thérapeutique ». Cependant, en mettant à la charge de l’ONIAM l’indemnisation — même partielle — des accidents médicaux provoqués par un manquement du médecin, la Cour se dirige vers une « socialisation du risque, qui porte en elle-même un germe de déresponsabilisation des patients et des professionnels » (v. T. Olson).
Civ. 1re, 11 mars 2010, n° 09-11.270
Références
« Sigle désignant l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, établissement public à caractère administratif de l’État, chargé de l’indemnisation au titre de la solidarité nationale des préjudices subis par le patient qui, 1°) ne mettent pas en cause la responsabilité d’un professionnel ou d’un établissement de santé ; 2°) sont directement imputables à un acte de prévention, de diagnostic ou de soins ; 3°) entraînent pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé ; 4°) dépassent un certain seuil de gravité fixée par décret. »
Obligations de plusieurs personnes tenues chacune pour le tout envers le créancier, alors qu’il n’existe entre elles aucun lien de représentation. L’obligation in solidum créée par la jurisprudence, a permis en particulier à la victime d’un dommage d’obtenir réparation de l’intégralité du préjudice en poursuivant l’un quelconque des coauteurs ; sous cet aspect elle constitue une garantie de solvabilité.
« Préjudice résultant de la disparition, due au fait d’un tiers, de la probabilité d’un événement favorable et donnant lieu à une réparation partielle, mesurée sur la valeur de la chance perdue déterminée par un calcul de probabilités. »
Source : Lexique des termes juridiques 2010, 17e éd., Dalloz, 2009.
Article 1142-1
« I. Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute.
Les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère.
II. Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, de la durée de l'arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire.
Ouvre droit à réparation des préjudices au titre de la solidarité nationale un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique supérieur à un pourcentage d'un barème spécifique fixé par décret ; ce pourcentage, au plus égal à 25 %, est déterminé par ledit décret. »
Article 1142-18
« Lorsque la commission estime qu'un accident médical n'est que pour partie la conséquence d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins engageant la responsabilité d'un professionnel ou d'un établissement de santé, elle détermine la part de préjudice imputable à la responsabilité et celle relevant d'une indemnisation au titre de l'office. »
■ S. Boussard, « Les vicissitudes de la perte de chance dans le droit de la responsabilité hospitalière », RFDA 2008. 1023.
■ S. Porchy, « Redéfinition par la Cour de cassation des critères de l’information médicale », D. 1999. 145.
■ ONIAM, Rapport d’activité, 1er semestre 2009, p. 5.
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