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Droit des régimes matrimoniaux
La souscription injustifiée et frauduleuse de prêts à la consommation par un conjoint est une faute de gestion
Mots-clefs : Régime matrimonial, Gestion, Emprunts, Divorce, Dissolution, Passif personnel
Doit figurer au passif personnel de l’époux, la dette résultant d’une multitude de prêts à la consommation souscrits sans le consentement exprès du conjoint dès lors qu’il n’est pas établi que ces engagements ont été contractés dans l’intérêt de la communauté.
En matière d’emprunt, l’étendue du gage des créanciers peut être amenée à être révisée à la baisse une fois le débiteur divorcé… Au cours de son mariage, une femme a souscrit 25 prêts à la consommation. À la suite du prononcé du divorce aux torts partagés des époux, des difficultés sont nées au cours des opérations de liquidation et de partage de la communauté, et plus spécifiquement quant à la question de la contribution à la dette et savoir si les 25 prêts devaient figurer au passif de la communauté ou au passif personnel de l’épouse. La seconde solution ayant été retenue par les juges du fond, l’épouse s’est pourvue en cassation.
On rappellera brièvement :
– tout d’abord, que si l’article 220 du Code civil institue un pouvoir autonome pour chacun des époux de contacter seul, pendant le mariage, des dettes ménagères qui ont pour effet d’engager solidairement le couple à l’égard des tiers (v. les exceptions : al. 2 et 3 dudit art.), le recours à un crédit par un seul des époux oblige solidairement l’autre conjoint au remboursement uniquement si les sommes empruntées sont modestes et nécessaires aux besoins de la vie courante (al. 3 in fine) ;
– ensuite, qu’en vertu de l’article 1415 du Code civil, l’époux commun en biens peut souscrire un emprunt engageant ses biens propres et ceux de la communauté à la condition toutefois que son conjoint ait expressément donné son consentement (Civ. 1re, 4 juin 1996 ; v. pour la non-application des conditions de la mention manuscrite de l’art. 1326 C. civ. : Civ. 1re, 13 nov. 1996) ;
– enfin, que selon l’article 1409 du Code civil la communauté se compose passivement, à titre définitif ou sauf récompense, des dettes nées pendant la communauté et que la dette résultant d’un emprunt contracté par un époux sans le consentement exprès de son conjoint doit figurer au passif définitif de la communauté dès lors qu’il n’est pas établi que cet engagement a été souscrit dans son intérêt personnel (Civ. 1re, 19 sept. 2007).
En l’espèce, l’époux rapporte la preuve que sa femme a souscrit seule les prêts, à son insu. En effet, cette dernière a apposé aux différents contrats sa signature, imitée celle de son mari (art. 1316-4 C. civ. ; v. pour peine pénale encourue en cas de faux : art. 441-1 C. pén.) et fait domicilier ces prêts à l’adresse de sa mère, de sorte que l’époux était dans l’ignorance de cet endettement croissant (art. 1415 C. civ.). En outre, l’épouse n’ayant apporté aucune explication quant à l’objet de ces prêts, les juges du fond conclurent que les emprunts n’ont pu être souscrits dans l’intérêt de la communauté mais dans l’intérêt personnel de cette dernière. Ils écartent ainsi la présomption de communauté déduite des articles 1409 et 1416 du Code civil tout en inversant la charge de la preuve (art. 1315 C. civ.) Ainsi, au regard de ces circonstances de faits cumulées, la Haute cour approuve les juges du fond d’avoir caractérisé la faute de gestion commise par l’épouse justifiant l’inscription des prêts au passif personnel de celle-ci et rejette le pourvoi.
Si cette affaire sanctionne la faute de gestion d’un conjoint de fait de l’objet personnel des prêts, on peut toutefois s’interroger sur le défaut de vigilance des établissements de crédits lors de la conclusion de ces multiples contrats…
Civ. 1re, 14 mars 2012, n°11-15.369, FS-P+B+I
Références
[Droit civil]
« Règlement final intervenant, une fois le créancier satisfait (obligation à la dette), entre l’auteur du paiement et le véritable débiteur ou entre l’auteur du paiement et ses coobligés. Marque le deuxième stade dans la procédure de règlement de certains passifs : après le passif provisoire, acquitté en tout ou partie par un répondant, vient le compte définitif qui fait assumer le poids de la dette à celui ou à ceux qui en sont réellement tenus. (…) »
Source : Lexique des termes juridiques 2012, 19e éd., Dalloz, 2011.
■ Code civil
« Chacun des époux a pouvoir pour passer seul les contrats qui ont pour objet l'entretien du ménage ou l'éducation des enfants : toute dette ainsi contractée par l'un oblige l'autre solidairement.
La solidarité n'a pas lieu, néanmoins, pour des dépenses manifestement excessives, eu égard au train de vie du ménage, à l'utilité ou à l'inutilité de l'opération, à la bonne ou mauvaise foi du tiers contractant.
Elle n'a pas lieu non plus, s'ils n'ont été conclus du consentement des deux époux, pour les achats à tempérament ni pour les emprunts à moins que ces derniers ne portent sur des sommes modestes nécessaires aux besoins de la vie courante. »
« Celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.
Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation. »
« La signature nécessaire à la perfection d'un acte juridique identifie celui qui l'appose. Elle manifeste le consentement des parties aux obligations qui découlent de cet acte. Quand elle est apposée par un officier public, elle confère l'authenticité à l'acte.
Lorsqu'elle est électronique, elle consiste en l'usage d'un procédé fiable d'identification garantissant son lien avec l'acte auquel elle s'attache. La fiabilité de ce procédé est présumée, jusqu'à preuve contraire, lorsque la signature électronique est créée, l'identité du signataire assurée et l'intégrité de l'acte garantie, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État. »
« L'acte juridique par lequel une seule partie s'engage envers une autre à lui payer une somme d'argent ou à lui livrer un bien fongible doit être constaté dans un titre qui comporte la signature de celui qui souscrit cet engagement ainsi que la mention, écrite par lui-même, de la somme ou de la quantité en toutes lettres et en chiffres. En cas de différence, l'acte sous seing privé vaut pour la somme écrite en toutes lettres. »
« La communauté se compose passivement :
-à titre définitif, des aliments dus par les époux et des dettes contractées par eux pour l'entretien du ménage et l'éducation des enfants, conformément à l'article 220 ;
-à titre définitif ou sauf récompense, selon les cas, des autres dettes nées pendant la communauté. »
« Chacun des époux ne peut engager que ses biens propres et ses revenus, par un cautionnement ou un emprunt, à moins que ceux-ci n'aient été contractés avec le consentement exprès de l'autre conjoint qui, dans ce cas, n'engage pas ses biens propres. »
« La communauté qui a acquitté une dette pour laquelle elle pouvait être poursuivie en vertu des articles précédents a droit néanmoins à récompense, toutes les fois que cet engagement avait été contracté dans l'intérêt personnel de l'un des époux, ainsi pour l'acquisition, la conservation ou l'amélioration d'un bien propre. »
« Constitue un faux toute altération frauduleuse de la vérité, de nature à causer un préjudice et accomplie par quelque moyen que ce soit, dans un écrit ou tout autre support d'expression de la pensée qui a pour objet ou qui peut avoir pour effet d'établir la preuve d'un droit ou d'un fait ayant des conséquences juridiques.
Le faux et l'usage de faux sont punis de trois ans d'emprisonnement et de 45000 euros d'amende. »
■ Civ. 1re, 4 juin 1996, Bull. civ. I, n°235.
■ Civ. 1re, 13 nov. 1996, n° 94-12.304, D. 1997. 163 ; RTD civ. 1997. 729.
■ Civ. 1re, 19 sept. 2007, Bull. civ. I, n°278 ; D. 2007. 3112 ; AJ fam. 2007. 438.
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