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[ 26 octobre 2022 ] Imprimer

Procédure pénale

La transcription de l’échange téléphonique entre un avocat et la compagne de son client est-elle possible ?

La Cour de cassation valide la transcription des échanges téléphoniques entre un avocat et la compagne de son client au motif que ces échanges, interceptés dans le cadre d’une surveillance, n’ont été transcrits que pour justifier la localisation du véhicule et l’installation du dispositif de géolocalisation et qu’ils ne pouvaient relever de l’exercice des droits de la défense, la femme surveillée n’étant ni gardée à vue au moment de l’interception ni partie à la procédure au moment où la chambre de l’instruction a statué.

Crim. 13 septembre 2022, n° 21-87.452 B

Plusieurs personnes mises en examen pour infractions à la législation sur les stupéfiants, association de malfaiteurs et blanchiment ont formé des demandes d’annulation d’actes de la procédure devant la chambre criminelle après que ces demandes aient été rejetées par la chambre de l’instruction.

Concernant en premier lieu la transcription d’un échange téléphonique entre l’avocat et la compagne de l’un des suspects, le pourvoi invoque une violation de l’article 100-5 du Code de procédure pénale qui prévoit que « à peine de nullité, ne peuvent être transcrites les correspondances avec un avocat relevant de l'exercice des droits de la défense et couvertes par le secret professionnel de la défense et du conseil ». La formulation actuelle est issue de la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance en l’institution judiciaire qui a eu pour objet de renforcer la protection du secret professionnel de l’avocat (v. C. pr. pén., art. prélim.). L’article 100 pose désormais explicitement pour principe qu’aucune interception ne peut porter sur une ligne dépendant du cabinet d'un avocat ou de son domicile (« sauf s'il existe des raisons plausibles de le soupçonner d'avoir commis ou tenté de commettre, en tant qu'auteur ou complice, l'infraction qui fait l'objet de la procédure ou une infraction connexe (…) et à la condition que la mesure soit proportionnée au regard de la nature et de la gravité des faits »).

Conformément à la jurisprudence relative à l’article 100-5, lorsque l’interception porte sur la ligne d’un suspect, la retranscription d'une conversation téléphonique entre l’avocat et son client doit être annulée si son contenu n'apparaît pas de nature à faire présumer la participation de cet avocat à une infraction (Crim. 17 sept. 2008, n° 08-85.229). Bien que ces dispositions ne visent aucunement les échanges entre l’avocat et les proches de son client, la Cour de cassation a eu l’occasion de reconnaître la confidentialité de tels échanges (Crim. 18 janv. 2006, n° 05-86.447). Ce revirement salué par la doctrine avait vocation à garantir le libre exercice des droits de la défense et le droit au procès équitable.

Pour autant, l’affaire d’espèce apparaît différente en ce que l’échange intervenu entre l’avocat et la compagne de son client ne consistait qu’en une information du défèrement du suspect et en une prise de rendez-vous au tribunal. L’échange, somme toute banal sur le fond, avait fait l’objet d’une transcription en ce qu’il permettait d’expliquer comment le véhicule de la compagne (elle-même objet d’une surveillance) avait été localisé afin d’installer un dispositif de géolocalisation. La chambre de l’instruction, pour rejeter la demande d’annulation, avait relevé que le procès-verbal litigieux ne consistait pas en une retranscription d’une conversation téléphonique au sens de l’article 101 du Code de procédure pénale, que l’échange téléphonique ne concernait pas la défense du suspect et qu’aucun élément ne permettait d’établir que l’avocat concerné assurait également la défense de la compagne du client. La Cour de cassation valide le raisonnement estimant que la conversation concernée ne pouvait relever de l’exercice des droits de la défense.

Concernant en second lieu les perquisitions nocturnes opérées dans les lieux d’habitation des suspects, le pourvoi invoque une violation des articles 706-91 et 706-92 qui prévoient les conditions et modalités des perquisitions en dehors des heures légales. En particulier, le Code prévoit que l’autorisation est donnée à peine de nullité pour des perquisitions données par une ordonnance écrite précisant la qualification de l'infraction dont la preuve est recherchée ainsi que l'adresse des lieux dans lesquels les visites, perquisitions et saisies peuvent être faites. Cette ordonnance doit en outre être motivée par référence aux éléments de fait et de droit justifiant que ces opérations sont nécessaires et qu'elles ne peuvent être réalisées pendant les heures légales.

En l’espèce, le juge d’instruction avait d’abord donné une autorisation verbale aux officiers de police judiciaire dans la soirée et ensuite transmis une autorisation par une ordonnance écrite et motivée dans les heures suivant la perquisition. La chambre de l’instruction, pour rejeter les demandes de nullité, avait retenu que l’existence de l’ordonnance écrite n’était pas discutée et qu’elle était bien motivée par référence à des éléments de fait et de droit justifiant que ces opérations aient lieu en dehors des heures légales. La Cour de cassation n’a sur ce point pas suivi le raisonnement et a estimé que l’autorisation verbale donnée avant la mise en œuvre des perquisitions ne répondait pas aux conditions légales fixées par l’article 706-92 et que sa régularisation ultérieure ne pouvait couvrir la nullité compte tenu de l’importance de cette ordonnance pour justifier et contrôler une atteinte importante à la vie privée. Conformément à sa jurisprudence antérieure, la Cour rappelle que le défaut d’ordonnance écrite et motivée cause nécessairement grief à la personne concernée (Crim. 8 juill. 2015, n° 15-81.731).

Références :

■ Crim. 17 sept. 2008, n° 08-85.229 P : AJ pénal 2008. 467, obs. S. Lavric ; RSC 2009. 897, obs. J. Buisson.

■ Crim. 18 janv. 2006, n° 05-86.447 P : D. 2006. 392, obs. C. Girault ; AJ pénal 2006. 126, obs. C. Girault ; ibid. 254, note P. Dourneau-Josette ; RSC 2006. 413, obs. J. Buisson.

■ Crim. 8 juill. 2015, n° 15-81.731 P : D. actu., 24 juill. 2015, obs. Fucini ; D. 2015. 1542 ; AJ pénal 2016. 44, obs. L. Ascensi ; RTD eur. 2016. 374-35, obs. B. Thellier de Poncheville.

 

Auteur :Catherine Ménabé


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