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Droit des obligations
La vérification d’écriture, une obligation pour le juge
Mots-clefs : Contestation d’un acte, Vérification d’écriture, Juge, Obligation
En cas de contestation d’un acte, le juge est tenu de procéder à sa vérification.
Une banque consent à un particulier un prêt de 90 000 euros pour le paiement duquel la mère et la sœur de l'emprunteur se portent cautions. Trois ans plus tard, la banque prononce la déchéance du terme et obtient la condamnation de l'emprunteur et des cautions au paiement du prêt dont les mensualités n'étaient plus réglées. En appel, les juges condamnent la mère, solidairement avec l'emprunteur, à payer cette somme à la banque en sa qualité de caution. Ils soutiennent que la procédure de vérification d'écriture ne doit être enclenchée par le juge qu’à la condition qu’il ne dispose pas d'emblée d'éléments lui permettant de rejeter la contestation. Or, la cour retient qu'en l'espèce, l'acte de caution dont la mère conteste la validité comporte une mention manuscrite, suivie de sa signature, répondant aux prescriptions du Code de la consommation ; par ailleurs, si la mère affirme ne pas savoir lire et écrire, elle ne produit aucun document permettant d'asseoir cette affirmation qui, dès lors, ne repose sur aucun élément concret. Régulier, l’écrit n'avait donc pas, selon les juges du fond, à être complété par un élément de preuve extrinsèque. Mais la Haute cour les censure : « En statuant ainsi alors qu'il lui appartenait, avant de trancher la contestation, de vérifier l'acte contesté dont elle a tenu compte, la cour d'appel a violé l'article 1324 du Code civil, et les articles 287 et 288 du Code de procédure civile ».
En cas de contestation de l'écriture et de la signature d’un acte, il convient de recourir à la vérification d'écriture. Cela étant, la procédure de vérification d'écriture n'est admissible que si les écrits sont des actes sous seing privé ; il résulte de l’article 1319 du Code civil que la pleine foi de la convention constatée par un acte authentique ne peut être combattue que par l'inscription de faux. La contestation suppose que celui auquel l'acte est opposé dénie sa propre signature, ou affirme ne pas reconnaître celle de son auteur. Cette dénégation ruine l'efficacité probatoire de l'acte.
L'établissement de la sincérité ou de la fausseté de l'acte doit se faire en justice. La règle est posée par l'article 1324 du Code civil : « Dans le cas où la partie désavoue son écriture ou sa signature, et dans le cas où ses héritiers ou ayants cause déclarent ne les point connaître, la vérification en est ordonnée en justice ». Il ne s'agit pas de vérifier la validité de l'acte ni la portée ou le sens de ses clauses, mais seulement l'attribution à une personne de l'écriture ou de la signature (Civ., 8 janv. 1936). En revanche, le juge y serait tenu. L’article 1324 du Code l’imposerait.
Pourtant, selon les termes de l’article 287 du Code de procédure civile, le juge vérifie l'écrit « à moins qu'il ne puisse statuer sans en tenir compte » (Civ. 1re, 3 nov. 1999). En principe, et selon une jurisprudence traditionnelle, le juge amené à statuer devrait être souverain dans son appréciation des éléments de preuve qui lui sont soumis. Ainsi, le juge n'est-il pas tenu de recourir à la procédure de vérification d'écriture s'il trouve dans la cause des éléments de conviction suffisants (Civ. 2e, 4 nov. 2010). Il doit également pouvoir écarter une demande de vérification constituant une pure manœuvre dilatoire (Civ. 1re, 27 déc. 1961) ou refuser la vérification et se déterminer au vu des expertises déjà réalisées en première instance (Civ. 2e, 9 avr. 1973). En somme, malgré la formule péremptoire de l'article 1324 du Code civil, le juge devrait pouvoir statuer sans vérification lorsque sa conviction est déjà établie.
Cependant, la Cour de cassation, a adopté, depuis quelques années, une position plus sévère. Dès lors que l'écriture ou la signature est déniée par son prétendu auteur, le juge a l'obligation de procéder ou de faire procéder à sa vérification (Civ. 1re, 10 janv. 1995 ; Civ. 1re, 3 nov. 1999, préc. – Civ. 3e, 9 mars 2005 – Civ. 1re, 20 févr. 2007). Il doit y procéder ou l'ordonner d'office (Civ. 1re, 4 nov. 2003 ; Civ. 1re, 28 mars 2008). Autrement dit, même si formellement, la Cour de cassation vise les deux textes sans distinction, elle semble de plus en plus faire prévaloir le texte du Code civil et son ton péremptoire (C. civ., art.1324 : « la vérification en est ordonnée ») sur celui du Code de procédure civile, qui laisse au juge une marge de liberté (C. pr. civ., art. 287 : « à moins qu'il ne puisse statuer sans en tenir compte »).
Civ. 1re, 28 nov. 2012, n°10-28.372
Références
■ Rép. pr. civ., V° « Vérification d'écriture », par D. Cholet.
■ Code civil
« L'acte authentique fait pleine foi de la convention qu'il renferme entre les parties contractantes et leurs héritiers ou ayants cause.
Néanmoins, en cas de plaintes en faux principal, l'exécution de l'acte argué de faux sera suspendue par la mise en accusation ; et, en cas d'inscription de faux faite incidemment, les tribunaux pourront, suivant les circonstances, suspendre provisoirement l'exécution de l'acte. »
« Dans le cas où la partie désavoue son écriture ou sa signature, et dans le cas où ses héritiers ou ayants cause déclarent ne les point connaître, la vérification en est ordonnée en justice. »
■ Code de procédure pénale
« Si l'une des parties dénie l'écriture qui lui est attribuée ou déclare ne pas reconnaître celle qui est attribuée à son auteur, le juge vérifie l'écrit contesté à moins qu'il ne puisse statuer sans en tenir compte. Si l'écrit contesté n'est relatif qu'à certains chefs de la demande, il peut être statué sur les autres.
Si la dénégation ou le refus de reconnaissance porte sur un écrit ou une signature électroniques, le juge vérifie si les conditions, mises par les articles 1316-1 et 1316-4 du code civil à la validité de l'écrit ou de la signature électroniques, sont satisfaites. »
« Il appartient au juge de procéder à la vérification d'écriture au vu des éléments dont il dispose après avoir, s'il y a lieu, enjoint aux parties de produire tous documents à lui comparer et fait composer, sous sa dictée, des échantillons d'écriture.
Dans la détermination des pièces de comparaison, le juge peut retenir tous documents utiles provenant de l'une des parties, qu'ils aient été émis ou non à l'occasion de l'acte litigieux. »
■ Civ., 8 janv. 1936, DH 1936, p. 97.
■ Civ. 1re, 3 nov. 1999, n° 98-22.308.
■ Civ. 2e, 4 nov. 2010, n° 09-16.702.
■ Civ. 1re, 27 déc. 1961, Bull. civ. I, n°554.
■ Civ. 2e, 9 avr. 1973, Bull. civ. II, n° 143, D. 1973. Somm. 120.
■ Civ. 1re, 10 janv. 1995, n° 92-17.234.
■ Civ. 3e, 9 mars 2005, n° 03-14.686.
■ Civ. 1re, 20 févr. 2007, n° 06-14.278.
■ Civ. 1re, 4 nov. 2003, n° 00-22.030.
■ Civ. 1re, 28 mars 2008, n° 06-18.226.
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