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Droit de la responsabilité civile
La victime éjectée de son véhicule conserve la qualité de conducteur
Mots-clefs : Circulation, Accident, Véhicule terrestre à moteur, Conducteur, Victime (faute), Préjudice corporel, Réparation (Non)
La personne éjectée de son véhicule à la suite d'un accident ne perd pas la qualité de conducteur à l'instant où elle est percutée par un autre véhicule. Sa faute peut donc réduire ou exclure son droit à indemnisation.
La conductrice d'un cyclomoteur qui n'avait pas respecté un « céder le passage » fut percutée par une voiture et éjectée sur la chaussée, avant qu'un second véhicule la percute à son tour. Elle assigna le conducteur du second véhicule en indemnisation de son préjudice corporel, considérant qu'elle avait, lors de ce second accident, perdu la qualité de conducteur. L'enjeu de se voir reconnaître la qualité de victime non conductrice était de pouvoir bénéficier d'une protection accrue : seule une faute volontaire inexcusable et cause exclusive de l'accident – très rarement reconnue – peut exclure son droit à indemnisation des dommages résultant d'une atteinte à la personne (art. 3 L. n° 85-677 du 5 juill. 1985 ; pour le conducteur, en revanche, une simple faute suffit ; art. 4 L. préc.)
La Cour de cassation répond, dans un premier attendu, à cette question de la qualité de la victime. Analysant la situation accidentelle complexe (impliquant plusieurs véhicules) en un accident unique, elle estime, à la suite de la cour d'appel et conformément à sa jurisprudence antérieure (v. Civ. 2e, 28 janv. 1998, RCA 1998, comm. 154 ; Civ. 2e, 21 déc. 2006, RCA 2007, comm. 87, obs. Groutel), que « Mme P. n'avait pas perdu la qualité de conducteur à l'instant où elle a été percutée par le [second] véhicule conduit par M. A. ». En cas d'éjection de la victime concomitante au choc avec un autre véhicule, la victime conserve donc sa qualité de conducteur.
Dans un second attendu, la Cour se prononce sur son droit à indemnisation. Refusant un contrôle de droit de l'effet limitatif ou exclusif de la faute de la victime sur son indemnisation, elle estime que « la cour d'appel a, par un arrêt motivé, décidé que la faute commise par Mme P. avait pour effet d'exclure son droit à indemnisation ». Elle répond ainsi au pourvoi qui contestait le fait que le refus de priorité commis par la victime constituait une faute de nature à exclure son droit à indemnisation. Or, il est de jurisprudence constante depuis un arrêt de chambre mixte de 1997 que la faute du conducteur ayant contribué à la réalisation de son préjudice peut réduire ou exclure son droit à indemnisation et qu'il appartient au juge d'apprécier souverainement si cette faute a pour effet de limiter l'indemnisation ou de l'exclure (Ch. mixte 28 mars 1997 ; Civ. 2e, 6 mai 1997 ; Civ. 2e, 18 mars 2004).
Civ. 2e, 8 oct. 2009, FS-P+B, no 08-16.915
Références
■ Loi n° 85-677 du 5 juillet 1985
Article 3
« Les victimes, hormis les conducteurs de véhicules terrestres à moteur, sont indemnisées des dommages résultant des atteintes à leur personne qu'elles ont subis, sans que puisse leur être opposée leur propre faute à l'exception de leur faute inexcusable si elle a été la cause exclusive de l'accident.
Les victimes désignées à l'alinéa précédent, lorsqu'elles sont âgées de moins de seize ans ou de plus de soixante-dix ans, ou lorsque, quel que soit leur âge, elles sont titulaires, au moment de l'accident, d'un titre leur reconnaissant un taux d'incapacité permanente ou d'invalidité au moins égal à 80 p. 100, sont, dans tous les cas, indemnisées des dommages résultant des atteintes à leur personne qu'elles ont subis.
Toutefois, dans les cas visés aux deux alinéas précédents, la victime n'est pas indemnisée par l'auteur de l'accident des dommages résultant des atteintes à sa personne lorsqu'elle a volontairement recherché le dommage qu'elle a subi. »
« La faute commise par le conducteur du véhicule terrestre à moteur a pour effet de limiter ou d'exclure l'indemnisation des dommages qu'il a subis. »
■ Jurisprudence
Ch. mixte 28 mars 1997, Bull. civ. n° 1 ; D. 1997. 294, note Groutel ; RTD civ. 1997. 681, obs. Jourdain.
Civ. 2e, 6 mai 1997, Bull. civ. II, n° 127 ; D. 1997. 503, note Groutel.
Civ. 2e, 18 mars 2004, Bull. civ. II n° 127 ; RCA 2007, comm. 182, note Groutel.
■ Rép. civ. Dalloz, V° « Responsabilité. Régime des accidents de la circulation », par M.-C. Lambert-Piéri, n° 251.
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