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Droit civil
L’absence de responsabilité du stipulant dans les contrats de groupe signés en vertu d’une stipulation pour autrui
Mots-clefs : Stipulation pour autrui, Tiers, Stipulant, Promettant
Les contrats de groupe, signés en vertu d’une stipulation pour autrui, ne créent de liens contractuels qu’entre le promettant et le tiers bénéficiaire, à l’exclusion de la responsabilité du stipulant.
Dans cette affaire, une personne avait adhéré à un contrat d’assurance de groupe — en l’espèce, une assurance-vie —, souscrit par La Poste auprès d’une société d’assurances. En effet, les banques proposent fréquemment à leur client des assurances qu’elles négocient elles-mêmes avec des assureurs, et ce afin de proposer des tarifs avantageux et de fidéliser leurs clients. Ce type de contrat est appelé stipulation pour autrui, c'est-à-dire que la banque, le stipulant, obtient des assurances, le promettant, qu’elle exécute une prestation au profit d’une troisième partie, le tiers bénéficiaire. Ce mécanisme est prévu à l’article 1121 du Code civil.
En l’espèce, le tiers bénéficiaire s’engageait à régler les mensualités dues au titre de son assurance-vie, tandis que la société d’assurances s’engageait à verser une somme d’argent à une échéance donnée, au bénéficiaire ou aux personnes de son choix en cas de décès. Or, le tiers bénéficiaire avait effectué plusieurs versements supplémentaires de son compte bancaire, domicilié à La Poste, vers son compte d’assurance-vie.
Après son décès, ses enfants, qui n’étaient pas parmi les bénéficiaires de l’assurance-vie, avaient attaqué La Poste, au motif que ces versements, réalisés dans des conditions obscures (falsification possible de la signature du titulaire du compte), auraient dû éveiller les soupçons des banquiers. Sur le fondement de l’article 1134 du Code civil, ils souhaitaient engager la responsabilité de La Poste, en qualité de cocontractant du défunt dans le cadre du compte bancaire et dans celui de l’assurance-vie.
La chambre commerciale, qui rejette le moyen — et ordonne sa publication au recueil —, tire les conséquences d’une jurisprudence qui a profondément renouvelé le concept de stipulation pour autrui.
Dans un arrêt de 1997, la première chambre civile avait considéré que « l'établissement de crédit, qui a souscrit à une assurance de groupe à laquelle adhère un emprunteur […] est un tiers par rapport au contrat d'assurance liant l'assureur à l'adhérent assuré ». Cette décision avait marqué la mise à l’écart du stipulant pour autrui dans les rapports contractuels.
Dans un arrêt plus remarqué du 22 mai 2008, la première chambre civile avait jugé que l’adhésion « au contrat d'assurance de groupe, bien que conséquence d'une stipulation pour autrui, n'en crée pas moins, entre l'adhérent et l'assureur, qui l'agrée, un lien contractuel direct, de nature synallagmatique ». La Haute cour avait pu dès lors appliquer à ce contrat la législation sur les clauses abusives, et, d’office, interprété en faveur du tiers contractant une clause du contrat.
Dès lors, la chambre commerciale a pu décider ici que La Poste « n’était pas débitrice des prestations convenues », en raison du « lien contractuel direct entre l’adhérent et l’assureur » résultant de la stipulation pour autrui. On est donc passé, selon l’expression de D. R. Martin, d’une stipulation pour autrui à un concept de « stipulation de contrat pour autrui ». En d’autres termes, le contrat de groupe tel qu’il était question en l’espèce ne forme qu’un « contrat cadre » définissant les conditions dans lesquelles le promettant va mettre en œuvre la multitude de « sous-contrats » qu’il passera avec chaque tiers bénéficiaire de la stipulation.
Com. 13 avril 2010, R 09-13.712, F-P+B sur le quatrième moyen
Références
« Contrat par lequel une personne, appelée stipulant, obtient d’une autre, le promettant, qu’elle exécute une prestation au profit d’une troisième appelée tiers bénéficiaire. La stipulation devient irrévocable par l’acceptation du bénéficiaire qui dispose à partir de ce moment d’un droit direct contre le promettant (dans l’assurance sur la vie, l’acceptation est faite par un avenant signé de l’entreprise d’assurance, du stipulant et du bénéficiaire). »
■ Contrat d’assurance de groupe
« Contrat souscrit par une personne morale ou un chef d’entreprise en vue de l’adhésion d’un ensemble de personnes répondant à des conditions définies au contrat, pour la couverture des risques dépendant de la durée de la vie humaine, des risques portant atteinte à l’intégrité physique de la personne ou liés à la maternité, des risques d’incapacité de travail ou d’invalidité ou du risque chômage. »
Source : Lexique des termes juridiques 2010, 17e éd., Dalloz, 2009.
■ Code civil
« On peut pareillement stipuler au profit d'un tiers lorsque telle est la condition d'une stipulation que l'on fait pour soi-même ou d'une donation que l'on fait à un autre. Celui qui a fait cette stipulation ne peut plus la révoquer si le tiers a déclaré vouloir en profiter. »
« Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.
Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise.
Elles doivent être exécutées de bonne foi. »
■ Civ. 1e, 22 mai 2008, n° 05-21.822, Bull. civ. I n° 145, D. 2008 Chron. 2447 Goldie-Génicon.
■ Civ. 1e, 25 nov. 1997, n° 95-20.780, Bull. civ. 1997 n° 324.
■ D. R. Martin, « La stipulation de contrat pour autrui », D. 1994 p. 145.
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