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Procédure pénale
L’absence d’enregistrement de l’interrogatoire ne fait pas toujours grief…
Mots-clefs : Interrogatoire (Enregistrement audiovisuel), Instruction, Impossibilité technique, Nullité, Procès-verbal
L’interrogatoire mené par le juge d’instruction, qui n’a pas fait l’objet d’un enregistrement en raison d’un incident technique, n’est pas nul lorsqu’il n’a pas été détecté et mentionné dans le procès-verbal avant la fin de l’interrogatoire.
Une personne avait été mise en examen pour des faits relevant d’une qualification criminelle, à l’issue d’un interrogatoire mené dans le cabinet du juge d’instruction. Conformément aux dispositions de l’article 116-1 du Code de procédure pénale, cet interrogatoire devait être enregistré sur un support audiovisuel.
L’enregistrement des interrogatoires réalisés dans le cadre d’une instruction est obligatoire depuis la loi du 5 mars 2007. Il n’est consultable par les juges de jugement qu’en cas de « contestation sur la portée des déclarations recueillies » (art. 116-1 al. 2 C. pr. pén.).
Dans cette affaire, le greffier avait, par erreur, pressé par deux fois la touche permettant le démarrage de l’enregistrement, ce qui l’avait annulé. Le juge d’instruction ne constata le problème qu’après la clôture de l’interrogatoire.
La chambre de l’instruction prononça la nullité dudit interrogatoire. Elle refusait en effet d’assimiler l’erreur humaine à une « impossibilité technique », qui est une exception au principe d’enregistrement de l’interrogatoire en matière criminelle, prévue à l’alinéa 6 de l’article 116-1 du Code de procédure pénale.
Dès lors, les juges du fond étaient en phase avec la jurisprudence de la Cour de cassation, qui a posé le principe selon lequel « le défaut d'enregistrement audiovisuel, en matière criminelle, […] d'une personne mise en examen, hors les cas où l'article 116-1 du Code de procédure pénale l'autorise, porte nécessairement atteinte aux intérêts de la personne concernée » (Crim. 3 mars 2010).
C’était sans compter l’interprétation littérale que la chambre criminelle fait des dispositions visées, conformément au principe d’interprétation stricte de la loi pénale. Rattachant l’erreur humaine à la notion d’impossibilité technique prévue à l’article 116-1, elle estime néanmoins que « si l’impossibilité technique ayant fait obstacle à l’enregistrement d’un interrogatoire, en matière criminelle, dans le cabinet du juge d’instruction, doit être mentionnée dans le procès-verbal d’interrogatoire qui en précise la nature, c’est à la condition qu’elle soit apparue avant la clôture de celui-ci ».
Dans le cas inverse, le défaut d’enregistrement ne fait pas nécessairement grief — c’est-à-dire lorsque personne n’a pu détecter le problème. Cette jurisprudence devrait faciliter le travail des magistrats instructeurs en empêchant les personnes mises en examen de demander la nullité des interrogatoires dont l’enregistrement n’a pu être réalisé pour des raisons techniques indépendantes de la volonté des magistrats.
Crim. 4 nov. 2010, n° 10-85.280
Références
■ Interprétation stricte de la loi pénale
« Principe dérivé de la légalité pénale, selon lequel les lois d’incrimination et de pénalité doivent être appliquées sans extension ni restriction. »
« Phase de l’instance pénale constituant une sorte d’avant-procès, qui permet d’établir l’existence d’une infraction et de déterminer si les charges relevées à l’encontre des personnes poursuivies sont suffisantes pour qu’une juridiction de jugement soit saisie. Cette phase, facultative en matière de délit, sauf dispositions spéciales, obligatoire en matière de crime, est conduite par le juge d’instruction sous le contrôle de la chambre de l’instruction. »
« Formation de la cour d'appel, qui s'est substituée, depuis la loi no 2000-516 du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes, à l'ancienne chambre d'accusation, et statuant : sur appel des ordonnances ou décisions rendues dans le cadre d'une instruction;
1ocomme juridiction disciplinaire des officiers et agents de police judiciaire;
2oen matière d'extradition, de réhabilitation judiciaire, de contentieux de l'amnistie, de règlement de juges... »
Lexique des termes juridiques 2011, 18e éd., Dalloz, 2010.
■ Article 116-1du Code de procédure pénale
« En matière criminelle, les interrogatoires des personnes mises en examen réalisés dans le cabinet du juge d'instruction, y compris l'interrogatoire de première comparution et les confrontations, font l'objet d'un enregistrement audiovisuel.
L'enregistrement ne peut être consulté, au cours de l'instruction ou devant la juridiction de jugement, qu'en cas de contestation sur la portée des déclarations recueillies, sur décision du juge d'instruction ou de la juridiction de jugement, à la demande du ministère public ou d'une des parties. Les huit derniers alinéas de l'article 114 ne sont pas applicables. Lorsqu'une partie demande la consultation de l'enregistrement, cette demande est formée et le juge d'instruction statue conformément aux deux premiers alinéas de l'article 82-1.
Le fait, pour toute personne, de diffuser un enregistrement réalisé en application du présent article est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende.
À l'expiration d'un délai de cinq ans à compter de la date de l'extinction de l'action publique, l'enregistrement est détruit dans le délai d'un mois.
Lorsque le nombre de personnes mises en examen devant être simultanément interrogées, au cours de la même procédure ou de procédures distinctes, fait obstacle à l'enregistrement de tous les interrogatoires, le juge d'instruction décide, au regard des nécessités de l'investigation, quels interrogatoires ne seront pas enregistrés.
Lorsque l'enregistrement ne peut être effectué en raison d'une impossibilité technique, il en est fait mention dans le procès-verbal d'interrogatoire qui précise la nature de cette impossibilité.
Le présent article n'est pas applicable lorsque l'information concerne un crime mentionné à l'article 706-73 du présent code ou prévu par les titres Ier et II du livre IV du code pénal, sauf si le juge d'instruction décide de procéder à l'enregistrement.
Un décret précise en tant que de besoin les modalités d'application du présent article. »
■ Crim. 3 mars 2010, Bull. crim. n° 47 ; D. 2010. 1688.
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