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Procédure pénale
L’accès au dossier d’instruction sans l’intermédiaire de l’avocat
Mots-clefs : Dossier d’instruction, Plainte avec constitution de partie civile, Accès au dossier
La Cour de cassation a posé, à travers un arrêt de revirement, que l’accès au dossier d’instruction au cours d’une procédure pénale est ouvert, devant la chambre de l’instruction, aux parties même et non plus à leurs seuls avocats.
L’arrêt commenté traite de l’accès au dossier d’instruction par la partie civile lorsque celle-ci n’est pas assistée par un avocat. Cette décision intervenait après qu’une plainte avec constitution de partie civile ait été déposée par celui qui s’estimait victime d’une infraction.
Tout d’abord, la plainte avec constitution de partie civile est adressée au juge d’instruction du tribunal de grande instance du lieu de l'infraction ou du domicile de l'auteur de l'infraction (C. pr. pén., art. 52).
Cette plainte est ensuite transmise par le juge d'instruction au procureur de la République, lequel prend des réquisitions afin de demander à ce juge de recourir à des mesures d’instruction ou de ne pas tenir compte de la plainte (C. pr. pén., art. 86).
Selon que le juge d'instruction décide de suivre, ou non, les réquisitions du procureur de la République, il peut :
– rendre une ordonnance de refus d'informer (pas d'infraction pénale ou faits manifestement non commis). Le plaignant a alors la possibilité de saisir la chambre de l'instruction pour contester cette décision (C. pr. pén., art. 186) ;
– ouvrir une information judiciaire.
En l’espèce, une plainte avec constitution de partie civile avait été déposée à la suite de laquelle le juge d’instruction avait rendu une ordonnance de refus d’informer.
N’ayant pas eu accès au réquisitoire définitif du procureur de la République, la partie civile, qui avait décidé de se défendre sans avocat, en a fait la demande devant la chambre de l’instruction. Pour refuser à cette dernière la communication du réquisitoire, les juges énoncent qu'en application de l'article 197 du Code de procédure pénale, le dossier d’instruction est à la seule disposition des avocats des parties.
Estimant que le principe du contradictoire n’avait pas été respecté, la partie civile s’est pourvue en cassation soulevant la violation des articles préliminaire et 197 du Code de procédure pénale ainsi que l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme.
Revenait à la Cour de cassation de trancher le point de savoir si la partie civile, non assistée par un avocat, pouvait réclamer, devant la chambre de l’instruction, l’accès au dossier d’instruction et au réquisitoire définitif du procureur de la République qu’il contient.
Par un arrêt de revirement, la Cour de cassation énonce que « le respect des principes du contradictoire et de l'équilibre des droits des parties interdit à la chambre de l'instruction de statuer sur l'appel d'une ordonnance de refus d'informer du juge d'instruction sans que la partie civile qui a choisi de se défendre sans avocat ait été mise en mesure d'obtenir la délivrance , si elle en a fait la demande, d'une copie du réquisitoire définitif du procureur de la République. »
Jusque-là, la Cour de cassation avait une lecture stricte de la lettre de l’article 197 du Code de procédure pénale, réservant l’accès au dossier d’instruction aux seuls avocats des parties (Crim. 22 janv. 2002). Cette interprétation restrictive était justifiée par le respect du secret de l’instruction.
Dans l’arrêt commenté, les Hauts magistrats visent l’article préliminaire du Code de procédure pénale et l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme (tous deux relatifs au droit de la défense et au respect du contradictoire) afin d’élargir cet accès aux parties elles-mêmes. Les articles invoqués sont pourtant ceux qu’elle avait, auparavant, estimés insuffisants pour justifier la remise en cause de la restriction de la délivrance du dossier d’instruction aux seuls avocats.
La récente loi n° 2014-535 du 27 mai 2014 portant transposition de la directive 2012/13/UE du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2012, relative au droit à l'information dans le cadre des procédures pénales, explique sans doute la nouvelle lecture, par les juges de cassation, de l’article 197 du Code de procédure pénale.
Ce texte, en modifiant l’article 114 du Code de procédure pénale, a ouvert l’accès au dossier, devant le juge d’instruction, aux parties et non plus à leurs seuls avocats. L’article 197, qui régit les droits des parties devant la chambre de l’instruction, n’avait fait l’objet d’aucune modification à l’adoption de la loi ; il semble pourtant que, par l’effet de la jurisprudence, la consultation du dossier d’instruction ne soit plus limitée non plus aux avocats durant cette partie de la procédure.
Crim. 19 nov. 2014, n°13-87.965
Références
■ Crim. 22 janv. 2002, n° 00-82.215.
■ Code de procédure pénale
« I.-La procédure pénale doit être équitable et contradictoire et préserver l'équilibre des droits des parties.
Elle doit garantir la séparation des autorités chargées de l'action publique et des autorités de jugement.
Les personnes se trouvant dans des conditions semblables et poursuivies pour les mêmes infractions doivent être jugées selon les mêmes règles.
II.-L'autorité judiciaire veille à l'information et à la garantie des droits des victimes au cours de toute procédure pénale.
III.-Toute personne suspectée ou poursuivie est présumée innocente tant que sa culpabilité n'a pas été établie. Les atteintes à sa présomption d'innocence sont prévenues, réparées et réprimées dans les conditions prévues par la loi.
Elle a le droit d'être informée des charges retenues contre elle et d'être assistée d'un défenseur.
Si la personne suspectée ou poursuivie ne comprend pas la langue française, elle a droit, dans une langue qu'elle comprend et jusqu'au terme de la procédure, à l'assistance d'un interprète, y compris pour les entretiens avec son avocat ayant un lien direct avec tout interrogatoire ou toute audience, et, sauf renonciation expresse et éclairée de sa part, à la traduction des pièces essentielles à l'exercice de sa défense et à la garantie du caractère équitable du procès qui doivent, à ce titre, lui être remises ou notifiées en application du présent code.
Les mesures de contraintes dont la personne suspectée ou poursuivie peut faire l'objet sont prises sur décision ou sous le contrôle effectif de l'autorité judiciaire. Elles doivent être strictement limitées aux nécessités de la procédure, proportionnées à la gravité de l'infraction reprochée et ne pas porter atteinte à la dignité de la personne.
Il doit être définitivement statué sur l'accusation dont cette personne fait l'objet dans un délai raisonnable.
Toute personne condamnée a le droit de faire examiner sa condamnation par une autre juridiction.
En matière criminelle et correctionnelle, aucune condamnation ne peut être prononcée contre une personne sur le seul fondement de déclarations qu'elle a faites sans avoir pu s'entretenir avec un avocat et être assistée par lui. »
« Sont compétents le juge d'instruction du lieu de l'infraction, celui de la résidence de l'une des personnes soupçonnées d'avoir participé à l'infraction, celui du lieu d'arrestation d'une de ces personnes, même lorsque cette arrestation a été opérée pour une autre cause et celui du lieu de détention d'une de ces personnes, même lorsque cette détention est effectuée pour une autre cause. »
« Le juge d'instruction ordonne communication de la plainte au procureur de la République pour que ce magistrat prenne ses réquisitions.
Le réquisitoire peut être pris contre personne dénommée ou non dénommée.
Lorsque la plainte n'est pas suffisamment motivée ou justifiée, le procureur de la République peut, avant de prendre ses réquisitions et s'il n'y a pas été procédé d'office par le juge d'instruction, demander à ce magistrat d'entendre la partie civile et, le cas échéant, d'inviter cette dernière à produire toute pièce utile à l'appui de sa plainte.
Le procureur de la République ne peut saisir le juge d'instruction de réquisitions de non informer que si, pour des causes affectant l'action publique elle-même, les faits ne peuvent légalement comporter une poursuite ou si, à supposer ces faits démontrés, ils ne peuvent admettre aucune qualification pénale. Le procureur de la République peut également prendre des réquisitions de non-lieu dans le cas où il est établi de façon manifeste, le cas échéant au vu des investigations qui ont pu être réalisées à la suite du dépôt de la plainte ou en application du troisième alinéa, que les faits dénoncés par la partie civile n'ont pas été commis. Dans le cas où le juge d'instruction passe outre, il doit statuer par une ordonnance motivée.
Lorsque le juge d'instruction rend une ordonnance de refus d'informer, il peut faire application des dispositions des articles 177-2 et 177-3. »
« Les parties ne peuvent être entendues, interrogées ou confrontées, à moins qu'elles n'y renoncent expressément, qu'en présence de leurs avocats ou ces derniers dûment appelés.
Les avocats sont convoqués au plus tard cinq jours ouvrables avant l'interrogatoire ou l'audition de la partie qu'ils assistent par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, télécopie avec récépissé ou verbalement avec émargement au dossier de la procédure.
Le dossier de la procédure est mis à leur disposition quatre jours ouvrables au plus tard avant chaque interrogatoire de la personne mise en examen ou chaque audition de la partie civile. Après la première comparution de la personne mise en examen ou la première audition de la partie civile, le dossier est également mis à tout moment à la disposition des avocats durant les jours ouvrables, sous réserve des exigences du bon fonctionnement du cabinet d'instruction.
Après la première comparution ou la première audition, les avocats des parties ou, si elles n'ont pas d'avocat, les parties peuvent se faire délivrer copie de tout ou partie des pièces et actes du dossier. La délivrance de cette copie doit intervenir dans le mois qui suit la demande. Si le dossier a fait l'objet d'une numérisation, cette copie est remise sous forme numérisée, le cas échéant par un moyen de télécommunication selon les modalités prévues à l'article 803-1. La délivrance de la première copie de chaque pièce ou acte du dossier est gratuite.
Lorsque la copie a été directement demandée par la partie, celle-ci doit attester par écrit avoir pris connaissance des dispositions du sixième alinéa du présent article et de l'article 114-1. Lorsque la copie a été demandée par les avocats, ceux-ci peuvent en transmettre une reproduction à leur client, à condition que celui-ci leur fournisse au préalable cette attestation.
Seules les copies des rapports d'expertise peuvent être communiquées par les parties ou leurs avocats à des tiers pour les besoins de la défense.
Lorsque la copie a été demandée par l'avocat, celui-ci doit, le cas échéant, donner connaissance au juge d'instruction, par déclaration à son greffier ou par lettre ayant ce seul objet et adressée en recommandé avec accusé de réception, de la liste des pièces ou actes dont il souhaite remettre une reproduction à son client.
Le juge d'instruction dispose d'un délai de cinq jours ouvrables à compter de la réception de la demande pour s'opposer à la remise aux parties de tout ou partie des copies demandées ou de leurs reproductions par une ordonnance spécialement motivée au regard des risques de pression sur les victimes, les personnes mises en examen, leurs avocats, les témoins, les enquêteurs, les experts ou toute autre personne concourant à la procédure.
Cette décision est notifiée par tout moyen et sans délai aux parties ou à leurs avocats, qui peuvent, dans les deux jours de sa notification, déférer la décision du juge d'instruction au président de la chambre de l'instruction, qui statue dans un délai de cinq jours ouvrables par une décision écrite et motivée, non susceptible de recours. Lorsque la copie a été demandée par l'avocat, à défaut de réponse notifiée dans le délai imparti, l'avocat peut communiquer à son client la reproduction des pièces ou actes mentionnés sur la liste.
Les modalités selon lesquelles les copies sont remises à une personne détenue et les conditions dans lesquelles cette personne peut détenir ces documents sont déterminées par décret en Conseil d'Etat.
Par dérogation aux dispositions des huitième et neuvième alinéas, l'avocat d'une partie civile dont la recevabilité fait l'objet d'une contestation ne peut transmettre à son client une reproduction des pièces ou actes du dossier sans l'autorisation préalable du juge d'instruction, qui peut lui être notifiée par tout moyen. En cas de refus du juge d'instruction ou à défaut de réponse de ce dernier dans les cinq jours ouvrables, l'avocat peut saisir le président de la chambre de l'instruction, qui statue dans un délai de cinq jours ouvrables, par une décision écrite et motivée non susceptible de recours. En l'absence d'autorisation préalable du président de la chambre de l'instruction, l'avocat ne peut transmettre la reproduction de pièces ou actes du dossier à son client. »
« Le droit d'appel appartient à la personne mise en examen contre les ordonnances et décisions prévues par les articles 80-1-1,87, 139,140,137-3,142-6,142-7,145-1,145-2,148,167, quatrième alinéa, 179, troisième alinéa, et 181.
La partie civile peut interjeter appel des ordonnances de non-informer, de non-lieu et des ordonnances faisant grief à ses intérêts civils. Toutefois, son appel ne peut, en aucun cas, porter sur une ordonnance ou sur la disposition d'une ordonnance relative à la détention de la personne mise en examen ou au contrôle judiciaire.
Les parties peuvent aussi interjeter appel de l'ordonnance par laquelle le juge a, d'office ou sur déclinatoire, statué sur sa compétence.
L'appel des parties ainsi que la requête prévue par le cinquième alinéa de l'article 99 doivent être formés dans les conditions et selon les modalités prévues par les articles 502 et 503, dans les dix jours qui suivent la notification ou la signification de la décision.
Le dossier de l'information ou sa copie établie conformément à l'article 81 est transmis, avec l'avis motivé du procureur de la République, au procureur général, qui procède ainsi qu'il est dit aux articles 194 et suivants.
Si le président de la chambre de l'instruction constate qu'il a été fait appel d'une ordonnance non visée aux alinéas 1 à 3 du présent article, il rend d'office une ordonnance de non-admission de l'appel qui n'est pas susceptible de voies de recours. Il en est de même lorsque l'appel a été formé après l'expiration du délai prévu au quatrième alinéa ou lorsque l'appel est devenu sans objet. Le président de la chambre de l'instruction est également compétent pour constater le désistement de l'appel formé par l'appelant. »
NOTA : Dans sa décision n° 2011-153 QPC du 13 juillet 2011 (NOR : CSCX1119560S), le Conseil constitutionnel a déclaré, sous la réserve énoncée au considérant 7, l'article 186 du code de procédure pénale conforme à la Constitution.
« Le procureur général notifie par lettre recommandée à chacune des parties et à son avocat la date à laquelle l'affaire sera appelée à l'audience. La notification est faite à la personne détenue par les soins du chef de l'établissement pénitentiaire qui adresse, sans délai, au procureur général l'original ou la copie du récépissé signé par la personne. La notification à toute personne non détenue, à la partie civile ou au requérant mentionné au cinquième alinéa de l'article 99 est faite à la dernière adresse déclarée tant que le juge d'instruction n'a pas clôturé son information.
Un délai minimum de quarante-huit heures en matière de détention provisoire, et de cinq jours en toute autre matière, doit être observé entre la date d'envoi de la lettre recommandée et celle de l'audience.
Pendant ce délai, le dossier est déposé au greffe de la chambre de l'instruction et tenu à la disposition des avocats des personnes mises en examen et des parties civiles dont la constitution n'a pas été contestée ou, en cas de contestation, lorsque celle-ci n'a pas été retenue.
Copie leur en est délivrée sans délai, à leurs frais, sur simple requête écrite. Ces copies ne peuvent être rendues publiques. »
■ Article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme - Droit à un procès équitable
« 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. Le jugement doit être rendu publiquement, mais l’accès de la salle d’audience peut être interdit à la presse et au public pendant la totalité ou une partie du procès dans l’intérêt de la moralité, de l’ordre public ou de la sécurité nationale dans une société démocratique, lorsque les intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée des parties au procès l’exigent, ou dans la mesure jugée strictement nécessaire par le tribunal, lorsque dans des circonstances spéciales la publicité serait de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice.
2. Toute personne accusée d’une infraction est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie.
3. Tout accusé a droit notamment à :
a) être informé, dans le plus court délai, dans une langue qu’il comprend et d’une manière détaillée, de la nature et de la cause de l’accusation portée contre lui ;
b) disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense ;
c) se défendre lui-même ou avoir l’assistance d’un défenseur de son choix et, s’il n’a pas les moyens de rémunérer un défenseur, pouvoir être assisté gratuitement par un avocat d’office, lorsque les intérêts de la justice l’exigent ;
d) interroger ou faire interroger les témoins à charge et obtenir la convocation et l’interrogation des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge ;
e) se faire assister gratuitement d’un interprète, s’il ne comprend pas ou ne parle pas la langue employée à l’audience. »
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