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Libertés fondamentales - droits de l'homme
L’accès aux locaux professionnels par la CNIL : une ingérence excessive
Mots-clefs : Droit au respect des biens, Vie privée, Local professionnel, Convention européenne des droits de l’homme, Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), Pouvoirs
La possibilité pour la CNIL d'accéder à des locaux professionnels sans que les responsables de ces locaux aient été informés de leur faculté de s'opposer à cette visite constitue une atteinte excessive au respect du domicile protégé par la Convention européenne des droits de l'homme, a jugé le Conseil d'État dans un arrêt du 6 novembre 2009.
L’article 44 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, dans sa rédaction issue de la loi n° 2004-801 du 6 août 2004, prévoit au profit des membres de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) et de ses agents habilités un droit d’accès aux lieux, locaux, enceintes ou établissements servant à la mise en œuvre d’un traitement de données à caractère personnel et qui sont à usage professionnel, à l’exclusion des parties de ceux-ci affectées au domicile privé. Le procureur de la République territorialement compétent est préalablement informé et en cas d’opposition du responsable des lieux la visite ne peut se dérouler qu’avec l’autorisation et sous le contrôle du président du tribunal de grande instance dans le ressort duquel sont situés les locaux à visiter.
Or, en l’espèce, à la suite de plaintes émanant de particuliers faisant état de l'absence de prise en compte, par la société Inter Confort, de leurs demandes de ne plus faire l'objet de démarchage téléphonique, des membres de la CNIL ont usé du pouvoir que leur confère cette disposition. Après cette visite, la CNIL a infligé à la société Inter Confort une sanction financière.
Invité à examiner la proportionnalité de ce pouvoir de visite et de contrôle détenu par la CNIL au regard du droit au respect du domicile protégé par l'article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, le Conseil d'État juge la procédure irrégulière. Il précise que le caractère proportionné de cette ingérence dépend de l’information préalable du responsable des locaux sur sa faculté de s’opposer à la visite, qui, s’il l’exerce, implique que la visite envisagée soit soumise à l’autorisation et au contrôle de l’autorité judiciaire. En effet, « en raison tant de l'ampleur de ces pouvoirs de visite des locaux professionnels et d'accès aux documents de toute nature qui s'y trouvent que de l'imprécision des dispositions qui les encadrent, cette ingérence ne pourrait être regardée comme proportionnée aux buts en vue desquelles elle a été exercée qu'à la condition d'être préalablement autorisée par un juge ; que, toutefois, la faculté du responsable des locaux de s'opposer à la visite, laquelle ne peut alors avoir lieu qu'avec l'autorisation et sous le contrôle du juge judiciaire, offre une garantie équivalente à l'autorisation préalable du juge ; qu'une telle garantie ne présente néanmoins un caractère effectif que si le responsable des locaux ou le représentant qu'il a désigné à cette fin a été préalablement informé de son droit de s'opposer à la visite et mis à même de l'exercer ». Or, le Conseil d'État estime que « la seule mention que le contrôle était effectué en application de l'article 44 de la loi du 6 janvier 1978 modifiée ne saurait tenir lieu de l'information requise ».
CE, Sect., 6 novembre 2009, SARL Inter Confort, n° 304300
Références
■ Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL)
« Une loi du 6 janvier 1978 a, dans le but de garantir la vie privée et les libertés, réglementé la tenue des fichiers publics et privés, informatisés ou non, et organisé un droit d’accès et de rectification au profit des intéressés. Une Commission nationale de l’informatique et des libertés veille au respect de la loi. »
■ Procureur de la République
« Magistrat placé à la tête du ministère public prés le tribunal de grande instance.
En toutes matières, le ministère public est exercé devant les juridictions du premier degré du ressort du tribunal de grande instance par le procureur de la République. »
Source : Lexique des termes juridiques 2010, 17e éd., Dalloz, 2009.
■ Article 44 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés
« I. – Les membres de la Commission nationale de l'informatique et des libertés ainsi que les agents de ses services habilités dans les conditions définies au dernier alinéa de l'article 19 ont accès, de 6 heures à 21 heures, pour l'exercice de leurs missions, aux lieux, locaux, enceintes, installations ou établissements servant à la mise en œuvre d'un traitement de données à caractère personnel et qui sont à usage professionnel, à l'exclusion des parties de ceux-ci affectées au domicile privé.
Le procureur de la République territorialement compétent en est préalablement informé.
II. – En cas d'opposition du responsable des lieux, la visite ne peut se dérouler qu'avec l'autorisation du président du tribunal de grande instance dans le ressort duquel sont situés les locaux à visiter ou du juge délégué par lui.
Ce magistrat est saisi à la requête du président de la commission. Il statue par une ordonnance motivée, conformément aux dispositions prévues aux articles 493 à 498 du code de procédure civile. La procédure est sans représentation obligatoire.
La visite s'effectue sous l'autorité et le contrôle du juge qui l'a autorisée. Celui-ci peut se rendre dans les locaux durant l'intervention. A tout moment, il peut décider l'arrêt ou la suspension de la visite.
III. — Les membres de la commission et les agents mentionnés au premier alinéa du I peuvent demander communication de tous documents nécessaires à l'accomplissement de leur mission, quel qu'en soit le support, et en prendre copie; ils peuvent recueillir, sur place ou sur convocation, tout renseignement et toute justification utiles; ils peuvent accéder aux programmes informatiques et aux données, ainsi qu'en demander la transcription par tout traitement approprié dans des documents directement utilisables pour les besoins du contrôle.
Ils peuvent, à la demande du président de la commission, être assistés par des experts désignés par l'autorité dont ceux-ci dépendent.
Seul un médecin peut requérir la communication de données médicales individuelles incluses dans un traitement nécessaire aux fins de la médecine préventive, de la recherche médicale, des diagnostics médicaux, de l'administration de soins ou de traitements, ou à la gestion de service de santé, et qui est mis en œuvre par un membre d'une profession de santé.
Il est dressé contradictoirement procès-verbal des vérifications et visites menées en application du présent article.
IV. – Pour les traitements intéressant la sûreté de l'État et qui sont dispensés de la publication de l'acte réglementaire qui les autorise en application du III de l'article 26, le décret en Conseil d'État qui prévoit cette dispense peut également prévoir que le traitement n'est pas soumis aux dispositions du présent article. »
■ Article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales
« 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.
2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. »
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