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[ 13 novembre 2025 ] Imprimer

Droit des obligations

L'action en nullité d'une transaction est soumise à la prescription quinquennale de droit commun

Il résulte de la combinaison des articles 2224 du Code civil et L. 1471-1, alinéa 1er, du Code du travail que l'action aux fins de nullité d'une transaction ayant mis fin à un litige relatif à l'exécution ou à la rupture du contrat de travail revêt le caractère d'une action personnelle et relève de la prescription de l'article 2224 du Code civil.

Soc. 8 oct. 2025, n° 23-23.501

On se souvient que la réforme de la prescription opérée par la loi du 17 juin 2008 a considérablement modifié les règles applicables à la prescription extinctive : le délai de prescription de droit commun a été ramené de 30 à 5 ans, avec un point de départ glissant défini par l'article 2224 du Code civil comme le "jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer". Ce délai de droit commun coexiste avec des délais plus courts, prévus en droit spécial. Il en va ainsi de la prescription biennale instaurée par le Code du travail. L'article L. 1471-1, dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce, prévoyait "que toute action portant sur l'exécution ou la rupture d'un contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit". La décision rapportée vient préciser l’articulation de ce texte spécial avec la disposition générale de l’article 2224, à propos d’un protocole d’accord transactionnel dont l’objet résidait dans l’exécution du contrat de travail du salarié signataire. La particularité de l’objet de la transaction, contrat relevant par ailleurs du droit commun contractuel et soumis en conséquence aux règles généralement applicables à tout contrat (conditions de validité, exécution, sanctions, etc.), commande-t-elle de soumettre l’action en nullité de la transaction au délai spécial de prescription prévu en droit du travail plutôt qu’à la prescription quinquennale de droit commun ? Telle était, dans la décision rapportée, la question posée à la chambre sociale de la Cour de cassation qui répond, en faveur du droit commun de la prescription, qu’indépendamment de l’objet de la transaction, l’action en nullité du contrat de transaction est soumise à la prescription quinquennale de droit commun.

Au cas d'espèce, le 29 mai 2015, une salariée de Pôle Emploi conclut avec son employeur une transaction aux termes de laquelle ce dernier consent à lui verser une certaine somme en réparation du préjudice professionnel, psychologique et moral que lui ont causé ses conditions de travail et les modalités d'exécution de son contrat de travail. Le 8 juin 2018, la salariée saisit la juridiction prud'homale aux fins d'annulation de la transaction et d’indemnisation pour harcèlement moral, manquement à l'obligation de sécurité et exécution déloyale de son contrat de travail.

La cour d'appel lui oppose la prescription biennale de l'article L. 1471-1 précité pour déclarer irrecevable comme prescrite sa demande en nullité de la transaction. Les juges du fond estiment devoir écarter le droit commun de la prescription eu égard à la spécificité de l’objet de la transaction, à savoir l'exécution d'un contrat de travail. En conséquence, ils retiennent qu’en l’espèce, la salariée, qui disposait d'un délai de deux ans pour agir en nullité de la transaction, délai ayant expiré le 29 mai 2017 alors qu’elle avait saisi le conseil de prud’hommes d'une demande d’annulation le 8 juin 2018, se trouve prescrite en sa demande.

La décision est cassée par la Cour de cassation. En application de l’adage «Lex specialia generalibus derogant », elle juge que la cour d'appel a méconnu les articles 2224 du Code civil et L. 1471-1, alinéa 1er du Code du travail, le second dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, textes dont il résulte que l'action aux fins de nullité d'une transaction ayant mis fin à un litige relatif à l'exécution ou à la rupture du contrat de travail revêt le caractère d'une action personnelle (car découlant d’un droit de créance) et pour cette raison, relève de la prescription quinquennale de l'article 2224 du Code civil.  

Pour la Haute juridiction, peu importe donc la particularité de l'objet de la transaction : l'action en nullité du contrat de transaction est soumise au droit commun de la prescription, s'agissant d'une action personnelle au sens de l'article 2224. 

La solution n’est pas nouvelle (v. déjà, Soc. 14 janv. 2003, n° 00-41.880 ; Soc. 16 nov. 2004, n° 02-43.427) mais en considération de la réforme de la prescription civile ainsi que des modifications successives de la prescription en droit du travail (L. n° 2013-504 de sécurisation de l’emploi, 14 juin 2013 ; Ord. n° 2017-1387, 22 sept. 2017, préc.), sa confirmation était attendue. Maintenu sur le fondement des nouvelles dispositions légales, le régime de droit commun de la prescription applicable à l’action en nullité de la transaction conduit en l’espèce à retenir que la salariée pouvait, eu égard au délai quinquennal de prescription, agir jusqu'au 29 mai 2020. Ayant saisi la juridiction prud'homale le 8 juin 2018, elle était donc parfaitement dans les temps pour demander l’annulation de la transaction.

Références :

■ Soc. 14 janv. 2003, n° 00-41.880 Dr. soc. 2003. 441, obs. J. Mouly

■ Soc. 16 nov. 2004, n° 02-43.427 

 

Auteur :Merryl Hervieu


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