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Contrats spéciaux
L’action indemnitaire de l’acheteur d’une chose affectée d’un vice caché
Mots-clefs : Vente, Garantie, Vice caché, Indemnisation, Autonomie de l’action
La recevabilité de l'action en réparation du préjudice éventuellement subi du fait d'un vice caché n'est pas subordonnée à l'exercice d'une action rédhibitoire ou estimatoire de sorte que cette action peut être engagée de manière autonome.
Un navire d'occasion a été acquis moyennant un prix de 230 000 euros. Pour débouter l'acquéreur de ses demandes en paiement de dommages-intérêts et en remboursement du coût de réparation du moteur bâbord, fondées sur la garantie des vices cachés, l'arrêt attaqué énonce d’abord :
– qu'il appartenait à l’acquéreur, quel que soit son niveau de qualification, de faire procéder aux essais nécessaires et de prendre toute initiative utile pour s'assurer de l'absence de vice affectant les moteurs : seule une sortie en mer, en présence de techniciens, était de nature à établir ces vices, ce qui, compte tenu du prix du navire, constituait une précaution élémentaire ;
– que les vendeurs sont donc fondés à prétendre que les vices affectant le moteur bâbord n'étaient pas cachés, mais apparents, dès lors qu'il appartenait à l'acquéreur d'essayer le navire acheté ;
– que la notion de vice caché ne peut en soi fonder une action propre en dommages-intérêts laquelle n'est que l'accessoire d'une demande en résolution de la vente, lorsqu'elle est exercée avec succès, l'article 1645 du Code civil ne fondant pas un régime spécifique et autonome de responsabilité pour vice caché, indépendamment de toute action résolutoire ou estimatoire ;
Il retient, ensuite, la renonciation de l’acheteur à se prévaloir de la garantie des vices cachés du fait de son acceptation de la levée des conditions suspensives prévues.
L’acheteur se pourvoit en cassation. En sa deuxième branche du moyen, apparaît la question de l’autonomie de l’action en réparation du préjudice éventuel causé par le vice caché de la chose vendue. La Cour de cassation y répond sans équivoque : « (…) en statuant ainsi, alors que l'action en réparation du préjudice éventuellement subi du fait d'un vice caché n'est pas subordonnée à l'exercice d'une action rédhibitoire ou estimatoire et, par suite, peut être engagée de manière autonome, la cour d'appel a violé [l'article] 1645 susvisé ».
Cette solution a le mérite et l’intérêt de clarifier une question complexe, celle des voies offertes à l’acheteur déçu par la chose remise, ou en éprouvant un dommage. Sur cette question, on a pu reprocher à la jurisprudence, « désorientée par une doctrine contradictoire », la confusion et la variabilité des solutions qu’elle y a apportées (V. Ph. Malaurie et L. Aynès, n° 280). En l’espèce, la cour d'appel observait que le demandeur avait entendu placer son action sur le seul terrain indemnitaire, pour échapper au choix de l'une ou l'autre des deux actions prévues par l'article 1644 du Code civil : rédhibitoire (résolution du contrat) ou estimatoire (diminution du prix) ; elle a alors considéré qu'une telle action devait être rejetée car elle ne présente qu'un caractère complémentaire et accessoire aux actions précitées. La Cour de cassation consacre, au contraire, l'existence d'une action indemnitaire autonome en matière de garantie des vices cachés. La netteté de son attendu est remarquable tant la question du cumul des actions ouvertes à l’acheteur d’une chose affectée d’un vice caché est depuis longtemps apparue, en jurisprudence, problématique. D’ailleurs, l'interprétation littérale de l'article 1645 du Code civil aurait pu, a priori, donner ici raison à la cour d'appel : « Si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu, outre la restitution du prix qu'il en a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l'acheteur ». Ce « outre la restitution du prix » semble faire de l'indemnisation le complément de l'option ouverte par l'article précédent. Certes, la doctrine affirme de longue date que l'action indemnitaire peut être exercée de manière indépendante par l'acheteur (en ce sens, v. not. O. Barret ; Ph. Malaurie et L. Aynès, n° 411 : « Comme en droit commun des obligations, l'acheteur victime d'un vice de la chose peut ne demander que des dommages-intérêts, sans vouloir résoudre le contrat »). Observons toutefois que, pour affirmer cela, la doctrine se référait, jusqu’à peu, à une jurisprudence peu fournie (Com. 25 févr. 1981 ; Civ. 1re, 24 févr. 1998) que l’arrêt rapporté, prolongeant une récente jurisprudence commerciale (Com. 19 juin 2012) permet de compléter, de façon plus explicite, en affirmant clairement le caractère autonome de l'action fondée sur l'article 1645 du Code civil, ce qui revient donc à dire, avec prudence toutefois, que l'option ne se limite pas aux deux branches prévues par l'article 1644, mais qu'elle constitue, désormais, une option à trois branches : rédhibitoire, estimatoire ou indemnitaire, étant précisé que la première et la deuxième peuvent se combiner avec la troisième, ainsi que l'a voulu le législateur.
Civ. 1re, 26 sept. 2012, n°11-22.399
Références
[Droit civil/Procédure civile]
« Action en justice par laquelle l’acheteur demande la résolution de la vente en raison des vices cachés de la chose. »
[Droit civil]
« Action en justice par laquelle l’acquéreur d’une chose demande une diminution du prix en raison de vices cachés qui altèrent la valeur de cette chose. »
Source : S. Guinchard, T. Debard, Lexique des termes juridiques 2013, 20e éd., Dalloz, 2013.
■ Code civil
Dans le cas des articles 1641 et 1643, l'acheteur a le choix de rendre la chose et de se faire restituer le prix, ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix, telle qu'elle sera arbitrée par experts.
Si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu, outre la restitution du prix qu'il en a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l'acheteur.
■ Ph. Malaurie et L. Aynès, Les contrats spéciaux, 4e éd., Defrénois, 2009.
■ O. Barret, V° « Vente », Rép. civ. Dalloz, n° 612 et 631.
■ Com. 25 févr. 1981, n° 79-13.851.
■ Civ. 1re, 24 févr. 1998, n° 95-20.725.
■ Com. 19 juin 2012, n° 11-13.176.
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