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Droit des obligations
L’aléa thérapeutique ne se déduit pas automatiquement de l’absence de faute du praticien
Mots-clefs : Aléa thérapeutique, Faute, Responsabilité médicale, Code de la santé publique, Risque (acte médical, maîtrise)
Si aucune faute médicale ne peut être retenue à l’égard du praticien, l’indemnisation du patient pour les conséquences anormales de l’acte médical nécessite de caractériser l’existence d’un aléa thérapeutique, qui consiste en un risque inhérent à cet acte et qui ne pouvait être maîtrisé.
En l’espèce, le requérant était un patient qui avait subi une lésion dentaire au cours d’une anesthésie générale. Il avait recherché la responsabilité de l’anesthésiste, sur le fondement de l’article L. 1142-1 I du Code de la santé publique, qui prévoit un régime de responsabilité pour faute des professionnels de santé.
En matière médicale, le juge saisi d’une action en responsabilité qui ne constate aucune faute imputable au personnel de santé concerné, peut malgré tout accorder une indemnisation au patient, lorsque le préjudice, qui présente un caractère anormal au regard de l’état de santé du patient, est la conséquence directe de l’acte médical concerné (art. 1145-1, II CSP).
Ainsi, les professionnels de santé disposent d’une cause d’exonération lorsque le dommage peut être attribué à l’aléa thérapeutique inhérent à tout acte médical. Dans ce domaine, la doctrine avait appelé le législateur à faire une différenciation entre les dommages résultant de l’échec des soins et les accidents médicaux proprement dits, ces derniers étant les seuls à se voir imposer cette cause d’exonération (v. Précis Dalloz p. 1013). Lors du vote de la loi du 9 août 2004, la Parlement n’a pas retenu cette option, et a généralisé le principe de la responsabilité pour faute, appliquée à tous les actes médicaux. Dans la même loi, le législateur a confié l’indemnisation des risques sanitaires (accidents médicaux, infections nosocomiales, infections iatrogènes) à l’Organisme national d’indemnisation des accidents médicaux (ONIAM), au titre de la solidarité nationale, sous certaines conditions strictes de gravité du préjudice.
Dès lors, la tension est forte autour de la notion d’aléa thérapeutique, qui permet au praticien de s’exonérer totalement des conséquences préjudiciables d’un acte médical qu’il a réalisé. La Cour de cassation a donc précisé les conditions dans lesquelles cet aléa pouvait être retenu. Elle impose deux conditions cumulatives aux juges du fond. Il doit s’agir d’un « risque accidentel inhérent à l'acte médical et qui ne pouvait être maîtrisé ». (Civ. 1re, 22 nov. 2007).
En l’espèce, les juges du fond, qui se sont bornés à constater que « le praticien avait respecté les règles de bonne pratique clinique » et qu’il n’avait commis aucune faute, ont eu tort d’en déduire que le dommage causé relevait nécessairement d’un aléa thérapeutique. La première chambre civile exige dès lors des juges du fond qu’ils caractérisent l’existence du risque, et l’impossibilité de le maîtriser.
Civ. 1e, 20 janv. 2011, 10-17.357
Références
« Événement dommageable survenant à la suite d’un acte de prévention, de diagnostic ou de soins, non imputable à faute à un professionnel ou à un établissement de santé. »
■ Organisme national d’indemnisation des accidents médicaux (ONIAM)
« Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, établissement public à caractère administratif de l’État, chargé de l’indemnisation au titre de la solidarité nationale des préjudices subis par le patient qui, 1° ne mettent pas en cause la responsabilité d’un professionnel ou d’un établissement de santé ; 2° sont directement imputables à un acte de prévention, de diagnostic ou de soins ; 3° entraînent pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé ; 4° dépassent un certain seuil de gravité fixée par décret. »
« Terme générique désignant l’accident médical, l’affection iatrogène ou l’infection nosocomiale dont les conséquences préjudiciables pour le patient sont réparées au titre de la solidarité nationale, à condition d’entraîner un taux d’incapacité permanente d’une certaine gravité. »
Sources : Lexique des termes juridiques 2011, 18e éd., Dalloz, 2010.
■ Article L. 1142-1 du Code de la santé publique
« I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute.
Les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère.
II. - Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, de la durée de l'arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire.
Ouvre droit à réparation des préjudices au titre de la solidarité nationale un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique supérieur à un pourcentage d'un barème spécifique fixé par décret ; ce pourcentage, au plus égal à 25 %, est déterminé par ledit décret. »
■ Civ. 1e, 22 nov. 2007 ; D. 2008. 816, note Bacache ; RCA 2008. Comm. 31, obs. Hocquet-Berg ; JCP 2008. II. 10069, note Copart ; Médecine et droit 2008. 132, obs. Corgas-Bernard.
■ Lequette Y., Terré F., Simler P., Droit civil. Les obligations, 10e éd., Dalloz, coll. « Précis », 2009, p. 1012 s.
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