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[ 29 mai 2012 ] Imprimer

Droit du travail - relations individuelles

L’annulation du licenciement d’un salarié gréviste

Mots-clefs : Licenciement, Salarié, Grève, Conditions, Faute lourde, Intention de nuire

Seule la faute lourde du salarié gréviste peut justifier son licenciement.

Seule la faute lourde, caractérisée par l'intention de nuire peut justifier le licenciement d'un salarié gréviste, comme le rappelle la Cour de cassation dans cet arrêt du 9 mai 2012.

Un manutentionnaire ayant participé à un mouvement de grève avait été licencié pour faute grave pour avoir, notamment, porté atteinte à la réputation de l'entreprise qui l’employait en distribuant, à la clientèle, des tracts dénonçant les conditions de travail et de sécurité au sein de cette entreprise. Il saisit alors la juridiction prud'homale aux fins de faire déclarer son licenciement nul. Les premiers juges le déboutent. Les juges d’appel également ; pour dire le licenciement pour faute grave justifié, ces derniers retiennent, d'une part, que le mouvement de grève a débuté après la notification au salarié de sa convocation à l'entretien préalable à son licenciement et qu'il n'a donc pas été licencié alors qu'il était en grève et, d'autre part, que la distribution de tracts à l’ensemble des clients de l’entreprise, réalisée à l’entrée même de ses locaux, caractérisait la faute lourde du salarié.

Dans quelle mesure un salarié peut-il être licencié en raison d’un fait commis à l’occasion d’une grève à laquelle il participe ?

À condition de commettre une faute d’une particulière gravité, répond la chambre sociale de la Cour de cassation qui, en conséquence d’une telle affirmation, casse l’arrêt de la cour d'appel pour violation de la loi : au visa de l’article L. 2511-1 alinéa 1er du Code du travail, elle affirme que la nullité du licenciement d'un salarié n'est pas limitée au cas où le licenciement est prononcé en raison de sa participation à une grève mais qu'elle s'étend à tout licenciement prononcé à raison d'un fait commis au cours de la grève s’il ne peut être qualifié de faute lourde.

Il ressort, en effet, des dispositions de l’article L. 2511-1 alinéa 1er du Code du travail, que l'exercice du droit de grève ne peut justifier la rupture du contrat de travail, sauf faute lourde imputable au salarié. Selon la jurisprudence, sont notamment constitutifs d'une telle faute les actes de violence, la privation de liberté de cadres ou dirigeants de l'entreprise, l'occupation des locaux en dépit d'une ordonnance d'expulsion, ou encore les atteintes à la liberté du travail. En toute occurrence, le fait reproché doit s'analyser en une faute caractérisée, d'une gravité particulière, qui révèle la volonté du salarié de nuire à l'employeur, ce qu'impose la Cour de cassation, ainsi qu'en témoigne l'arrêt rapporté (V. égal. Soc. 8 févr. 2012). À défaut, le licenciement prononcé est nul de plein droit (art. L. 2511-1, al. 2 C. trav.).

Or, de façon générale, la gravité de la faute semble être entendue par les juges de façon extrêmement restrictive. Ainsi, dans un arrêt du 19 novembre 2008 particulièrement significatif de la Cour de cassation, le gréviste en cause, licencié après avoir « participé activement » à la distribution de tracts au contenu agressif, au point d’être pénalement condamné pour délit d'injures publiques envers son employeur, avait finalement obtenu des juges du fond, écartant la faute lourde, la nullité de son licenciement. Le pourvoi, qui invoquait une atteinte au principe de l'autorité de la chose jugée au pénal sur le civil, fut néanmoins rejeté au motif que « si le délit d'injures publiques comporte un élément intentionnel, celui-ci n'implique pas en lui-même, l'intention de nuire à l'employeur ». Pourtant, il est de jurisprudence (pénale) constante que, contrairement au droit commun des infractions intentionnelles, le délit d'injures publiques suppose une intention de nuire ; en effet, l'injure étant une atteinte aux droits de la personnalité, elle ne peut se concevoir sans volonté de nuire à la personne visée. Ainsi la chambre sociale, en autorisant le juge du travail à « resituer dans leur contexte » les termes jugés injurieux par le juge pénal, lui permit d’écarter à tort, selon nous, la qualification de faute lourde, en plus de méconnaître l'autorité de la chose jugée au pénal sur le civil. L’arrêt commenté confirme la réticence des juges à retenir la faute lourde du salarié gréviste, dont l’intention de nuire, érigée en condition de constitution d’une telle faute, se révèle très rarement reconnue.

En somme, en période de grève, le droit de critique du salarié semble pouvoir s’exercer de façon quasiment illimitée.

Soc. 9 mai 2012, n°10-24.307

Références

■ Article L. 2511-1 du Code du travail

« L'exercice du droit de grève ne peut justifier la rupture du contrat de travail, sauf faute lourde imputable au salarié. 

Son exercice ne peut donner lieu à aucune mesure discriminatoire telle que mentionnée à l'article L. 1132-2, notamment en matière de rémunérations et d'avantages sociaux. 

Tout licenciement prononcé en absence de faute lourde est nul de plein droit. »

■ Soc. 8 févr. 2012, n°10-14.083.

 Soc. 19 nov. 2008, n°07-44.182.

 

Auteur :M. H.

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