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Contrats spéciaux
L’articulation du terme et de la condition en matière de promesse de vente
Mots-clefs : Promesse synallagmatique de vente, Perfection de la vente, Date de régularisation, Terme suspensif, Conditions suspensives, Absence de délai
Le terme prévu pour la régularisation du compromis ne doit pas être confondu avec le délai de réalisation des conditions suspensives.
Par acte sous seing privé du 29 octobre 2001, un propriétaire a promis de vendre un immeuble sous trois conditions suspensives, stipulées dans l'intérêt exclusif des acquéreurs. La vente devait être réitérée par acte authentique au plus tard le 31 décembre 2004. Ce ne fut pas le cas. Le vendeur étant décédé le 6 février 2005, les acquéreurs ont alors mis en demeure, le 14 juin 2007, ses héritiers de régulariser la vente sous la forme authentique motif pris de la réalisation des conditions suspensives. La mise en demeure étant restée infructueuse, les acheteurs ont finalement décidé d’assigner les héritiers en réalisation judiciaire de la vente. La cour d’appel fit droit à leur demande, déclarant la vente parfaite. Les héritiers formèrent un pourvoi en cassation, invoquant la caducité de la promesse. Elle aurait d’abord résulté de l’absence de prorogation des délais prévus pour lever les conditions suspensives ; ensuite, du défaut de renonciation par les acquéreurs, avant la date prévue pour la régularisation de la vente, à se prévaloir de ces conditions pour échapper à la caducité de la promesse ; enfin, de l’impossibilité d’étendre les effets suspensifs du terme prévu pour régulariser l’acte à la réalisation des conditions suspensives.
Toutefois, la Haute cour rend un arrêt de rejet : « ayant constaté que la vente devait être réitérée par acte authentique au plus tard le 31 décembre 2004 et relevé que cette date n'était pas extinctive mais constitutive du point de départ à partir duquel l'une des parties pourrait obliger l'autre à s'exécuter, la cour d'appel, en l'absence d'une date fixée pour la réalisation des conditions suspensives, a retenu à bon droit que la vente intervenue le 29 octobre 2001 était parfaite dès la réalisation de ces conditions ».
En matière immobilière, la réitération de la promesse synallagmatique par acte authentique est une obligation pesant sur les deux parties. Il est d'usage d'affecter cette obligation d'un terme. En général, la promesse prévoit que la vente doit être régularisée ou réitérée au plus tard à une date donnée choisie d'un commun accord par les deux parties. La validité de cette stipulation n’est plus discutée. Encore faut-il pouvoir qualifier le terme ainsi prévu.
On peut hésiter entre terme suspensif et terme extinctif. En vérité, contrairement à ce que soutenaient les héritiers, le terme ne peut être extinctif. En effet, le terme extinctif met fin à l'obligation qui en est l'objet. Il est généralement stipulé dans les contrats à exécution successive. L'obligation de signer un acte authentique de vente ne peut donc pas être considérée comme affectée d'un terme extinctif puisque la vente est un contrat à exécution instantanée. De surcroît, cette signature est nécessaire à la perfection de la vente à l'égard des tiers ; par conséquent, considérer que l'obligation de signer l'acte authentique s'éteint à compter de l'échéance convenue reviendrait à rendre la vente inopposable aux tiers, tout en la maintenant dans son existence. Il s'agit donc d'un terme suspensif. Cela étant, il ne suspend pas l'obligation de signer l'acte authentique car les parties sont déjà irrévocablement engagées, avant l'échéance du terme, à effectuer cette formalité. L'obligation de régulariser la vente est d'ores et déjà exigible. En réalité, l'objet du terme est la sanction de l'obligation de signer l'acte authentique.
Ce n'est donc qu'à compter de la date prévue au contrat comme échéance que l'une des parties pourra contraindre l'autre partie à signer l'acte authentique ; en l’espèce, la date fixée au 31 décembre 2004 était ainsi constitutive du point de départ à partir duquel les acquéreurs pouvaient obliger le vendeur à s'exécuter, ce qu’ils firent en 2007. Aussi, selon la Cour, ce terme ne doit pas être confondu avec le délai de réalisation des conditions suspensives. Contrairement à ce qu’elle décide pour sa renonciation, la réalisation de la condition peut valablement intervenir après la date de la réitération. À défaut de date fixée par les parties, ce délai de levée de la condition court jusqu’à ce que sa non-réalisation devienne certaine (C. civ., art. 1176). En l’espèce, la vente, sans délai prévu, devint parfaite dès la réalisation des conditions et rétroactivement, depuis le jour de sa conclusion, d’où l’absence d’incidence du décès du vendeur, entre-temps, sur l’efficacité de la vente (Civ. 3e, 12 avr. 1995).
Civ. 3e, 21 nov. 2012, n°11-23.382
Références
Article 1176
« Lorsqu'une obligation est contractée sous la condition qu'un événement arrivera dans un temps fixe, cette condition est censée défaillie lorsque le temps est expiré sans que l'événement soit arrivé. S'il n'y a point de temps fixe, la condition peut toujours être accomplie ; et elle n'est censée défaillie que lorsqu'il est devenu certain que l'événement n'arrivera pas. »
Article 1589
« La promesse de vente vaut vente, lorsqu'il y a consentement réciproque des deux parties sur la chose et sur le prix.
Si cette promesse s'applique à des terrains déjà lotis ou à lotir, son acceptation et la convention qui en résultera s'établiront par le paiement d'un acompte sur le prix, quel que soit le nom donné à cet acompte, et par la prise de possession du terrain.
La date de la convention, même régularisée ultérieurement, sera celle du versement du premier acompte. »
■ Civ. 3e, 12 avr. 1995, n°93-10.097.
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