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Procédure pénale
L’audition, sous conditions, d’un suspect en réanimation
Mots-clefs : Suspect, Audition, Contrainte, Hospitalisation, Réanimation, Autorisation médicale préalable, Convention européenne des droits de l’homme, Traitement inhumain ou dégradant, Garde à vue, Droit à un procès équitable, Droits de la défense, Liberté d’aller et venir (privation)
L’audition d’un suspect hospitalisé dans un service de réanimation à la suite d’une blessure intervenue au cours de son interpellation viole l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme s’il n’est pas établi que les policiers ont agi avec l’autorisation préalable d’un médecin.
Par un arrêt du 25 octobre 2011, la chambre criminelle précise, au regard des dispositions de la Convention européenne des droits de l’homme, prohibant la torture et les traitements inhumains et dégradants notamment, les conditions dans lesquelles l’audition d’un suspect se trouvant en réanimation est possible. En l’espèce, un individu surpris dans l’enceinte d’une résidence par un habitant qu’il aurait roué de coups, fut blessé à l’abdomen par le tir d’un policier lors de son interpellation. Transporté à l’hôpital, il fut admis dans un service d’anesthésie et de réanimation et le médecin de garde constata qu’il n’était pas apte à être entendu le jour même. Le lendemain, un officier de police judiciaire contacta une infirmière qui lui indiqua que le patient était audible. Celui-ci décida d’entendre le suspect sur les faits et sur l’interpellation, après avoir constaté que l’intéressé, alité et intubé, n’était plus sous assistance respiratoire. À la suite de cette audition, le suspect fut mis en examen pour dégradations volontaires, violences volontaires n’ayant pas entraîné une incapacité totale de travail supérieure à huit jours et violences volontaires avec arme sur personne dépositaire de l’autorité publique. Son avocat déposa une requête en nullité invoquant :
– d’une part, que son client aurait dû être placé en garde à vue avant d’être entendu ;
– d’autre part, que l’absence de certificat médical l’ayant déclaré apte à être entendu lui faisait grief.
La chambre de l’instruction rejeta cette requête, en énonçant notamment que, pour s’assurer de la compatibilité de l’état de santé du suspect avec une audition, les enquêteurs avaient reçu une réponse transmise par une infirmière qui, selon toute vraisemblance, s'était adressée au préalable au médecin traitant pour solliciter son avis et, partant, cette autorisation.
La Haute cour casse cet arrêt au visa de l’article 593 du Code de procédure pénale (insuffisance de motifs), estimant qu’« en statuant ainsi, par des motifs hypothétiques et sans rechercher si un médecin avait lui-même constaté que l'état de santé de cette personne hospitalisée était compatible avec son audition et si celle-ci pouvait ainsi se dérouler dans des conditions respectant les exigences résultant de l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme, la chambre de l'instruction n'a pas justifié sa décision ».
La chambre criminelle se prononce sur le seul défaut de certificat médical, en se plaçant sur le terrain de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme prohibant les traitements inhumains ou dégradants. Elle occulte la question, pourtant posée par le pourvoi (fondée sur l’art. 6 Conv. EDH), du bénéfice de la garde à vue (et des droits de la défense afférents) pour le suspect privé de sa liberté d’aller et venir en raison de circonstances de fait telles qu’une hospitalisation (v. Dalloz actualité 10 nov. 2011).
Crim. 25 oct. 2011, no 11-82.780
Références
■ Convention européenne des droits de l’homme
Article 3 - Interdiction de la torture
« Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. »
Article 6 - Droit à un procès équitable
« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. Le jugement doit être rendu publiquement, mais l'accès de la salle d'audience peut être interdit à la presse et au public pendant la totalité ou une partie du procès dans l'intérêt de la moralité, de l'ordre public ou de la sécurité nationale dans une société démocratique, lorsque les intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée des parties au procès l'exigent, ou dans la mesure jugée strictement nécessaire par le tribunal, lorsque dans des circonstances spéciales la publicité serait de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice.
2. Toute personne accusée d'une infraction est présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été légalement établie.
3. Tout accusé a droit notamment à :
a) être informé, dans le plus court délai, dans une langue qu'il comprend et d'une manière détaillée, de la nature et de la cause de l'accusation portée contre lui ;
b) disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense ;
c) se défendre lui-même ou avoir l'assistance d'un défenseur de son choix et, s'il n'a pas les moyens de rémunérer un défenseur, pouvoir être assisté gratuitement par un avocat d'office, lorsque les intérêts de la justice l'exigent ;
d) interroger ou faire interroger les témoins à charge et obtenir la convocation et l'interrogation des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge ;
e) se faire assister gratuitement d'un interprète, s'il ne comprend pas ou ne parle pas la langue employée à l'audience. »
■ Article 593 du Code de procédure
« Les arrêts de la chambre de l'instruction, ainsi que les arrêts et jugements en dernier ressort sont déclarés nuls s'ils ne contiennent pas des motifs ou si leurs motifs sont insuffisants et ne permettent pas à la Cour de cassation d'exercer son contrôle et de reconnaître si la loi a été respectée dans le dispositif.
Il en est de même lorsqu'il a été omis ou refusé de prononcer soit sur une ou plusieurs demandes des parties, soit sur une ou plusieurs réquisitions du ministère public. »
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