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[ 22 janvier 2014 ] Imprimer

Droit des sûretés et de la publicité foncière

L’aval n’est pas un cautionnement

Mots-clefs : Aval, Caution, Droit cambiaire, Droit du cautionnement, Distinction

En ce qu'il garantit le paiement d'un titre dont la régularité n'est pas discutée, l'aval constitue un engagement cambiaire gouverné par les règles du droit de change, de sorte que l’avaliste n’est pas fondé à en invoquer la disproportion manifeste à ses biens et revenus telle qu’elle est sanctionnée par l’article L. 341-4 du Code de la consommation.

Une personne avait avalisé un billet à ordre pour garantir la dette d'une société envers un établissement de crédit. Assignée en paiement à la suite de la défaillance de la société, l'avaliste, estimant disposer des mêmes moyens de défense que ceux accordés à une caution, opposa à la société, pour échapper au paiement, la disproportion manifeste de son engagement à ses biens et revenus.

La cour d’appel lui donna raison, et débouta la société de sa demande en paiement au motif que l’article L. 341-4 du Code de la consommationqui sanctionne une telle disproportion lorsqu’elle atteint un engagement de caution, avait vocation à s’appliquer à l’avaliste d’un billet à ordre dès lors que la disposition précitée visait « l’engagement » d’une personne physique sans distinction.

Cette position de la Cour est censurée par la première chambre civile : « l'aval, en ce qu'il garantit le paiement d'un titre dont la régularité n'est pas discutée, constitue un engagement cambiaire gouverné par les règles du droit de change, de sorte que l’avaliste n’est pas fondé à en invoquer la disproportion manifeste à ses biens et revenus en application des règles propres au cautionnement ».

La chambre commerciale avait déjà jugé dans le même sens, et selon le même attendu de principe, pour en déduire « que l'avaliste n'est pas fondé à rechercher la responsabilité de la banque pour manquement au devoir de mise en garde ni pour violation de l'article L. 341-4 du Code de consommation » (Com. 30 oct. 2012).

Il est important de noter que dans la décision rapportée, comme dans celle rendue l’année précédente par la chambre commerciale, la Cour prend soin de préciser qu'en l'espèce, la régularité du titre dont l'aval garantissait le paiement n’était « pas discutée ». On peut donc penser que la décision aurait été différente en présence d'un billet à ordre irrégulier, et ce d'autant plus si l'on se réfère à un autre arrêt récent de la chambre commerciale ayant énoncé que « l'aval porté sur un billet à ordre irrégulier au sens des articles L. 512-1 et L. 512-2 du Code de commerce peut constituer un cautionnement » et, qu'à défaut de répondre aux prescriptions des articles L. 341-2 et L. 341-3 du Code de la consommation, un tel cautionnement est nul (Com. 5 juin 2012).

Ces décisions, dont celle ici commentée, peuvent être utilement rapprochées car elles procèdent d'une même logique. En effet, ainsi qu'il a été observé (v. Legeais, note RD banc. et fin.), la Cour de cassation considère que « seul le droit cambiaire déroge au droit commun du cautionnement et c'est pour cette raison que le formalisme de l'aval se distingue de celui du cautionnement. Mais, dès lors que le cautionnement retrouve son empire, il n'existe plus de raison de le soumettre à un régime dérogatoire. La règle serait la même pour l'aval porté sur une lettre de change irrégulière ».

Si la requalification de l’aval d’un billet à ordre en cautionnement est possible, encore faut-il pouvoir la motiver (V. Com. 5 juin 2012), ce qu’en l’espèce, la cour d’appel avait omis de faire en se contentant d’affirmer que l’article L. 341-4 du Code de la consommation s’appliquait à l’avaliste, sans expliquer les raisons pour lesquelles l’aval du billet à ordre litigieux constituait un cautionnement.

Or, dans ce type de contentieux, la qualification de l’acte est déterminante car d’elle dépend l’applicabilité ou non du texte de l’article L. 341-4 du Code de la consommation, lequel, contrairement à l’interprétation faite par les juges du fond, n’a vocation à s’appliquer qu’à la caution et non, par extension, à l’avaliste.

La solution peut sembler sévère pour l’avaliste mais elle a le mérite de marquer une limite au domaine d’application, régulièrement étendu par la jurisprudence, des articles L. 341-2 et suivants du Code de la consommation, lesquels peuvent se révéler être de véritables pièges à créanciers comme l’a montré, à plusieurs reprises, la Cour de cassation en donnant, par exemple, une définition large de la notion de créancier professionnel (Com. 10 janv. 2012) ou encore en soumettant les transactions à ces dispositions (Civ. 1re, 8 mars 2012). Après la chambre commerciale, la première chambre civile semble aussi vouloir marquer un frein, avec cet arrêt de principe, à cette évolution exagérément défavorable aux créanciers.

Civ. 1re, 19 déc. 2013, n°12-25.888

Références

 Aval

« Garantie donnée sur un effet de commerce par une personne appelée « donneur d’aval » ou « avaliste » ou « avaliseur », qui s’engage à payer tout ou partie de son montant à l’échéance, si le ou les signataires pour lesquels l’aval a été donné, appelés les « avalisés », ne le font pas. »

Source : Guinchard, Debard, Lexique des termes juridiques 2014, 21e éd., 2013.

 Billet à ordre

« Titre négociable par lequel une personne, le souscripteur, s’engage à payer à une époque déterminée une somme d’argent à un bénéficiaire ou à son ordre. Ce titre n’est pas commercial par la forme, à la différence de la lettre de change. »

Source : Guinchard, Debard, Lexique des termes juridiques 2014, 21e éd., 2013.

■ Com. 30 oct. 2012, n°11-23.519, RTD com. 2013. 214, note Legeais.

■ Com. 5 juin 2012, n° 11-19.627 ; RD banc. et fin. 2012, comm. 117, note Legeais ; RTD com. 2012. 603, note Legeais.

■ Com. 10 janv. 2012, n°10-26.630.

■ Civ. 1re, 8 mars 2012, n°09.12.246.

■ Code de la consommation

Article L. 341-2

Toute personne physique qui s'engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante, et uniquement de celle-ci : "En me portant caution de X..., dans la limite de la somme de ... couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de ..., je m'engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X... n'y satisfait pas lui-même."

Article L. 341-3

« Lorsque le créancier professionnel demande un cautionnement solidaire, la personne physique qui se porte caution doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante : "En renonçant au bénéfice de discussion défini à l'article 2298 du code civil et en m'obligeant solidairement avec X..., je m'engage à rembourser le créancier sans pouvoir exiger qu'il poursuive préalablement X...". »

Article L. 341-4

« Un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation. »

■ Code de commerce

Article L. 512-1

« I. - Le billet à ordre contient ; 

1° La clause à ordre ou la dénomination du titre insérée dans le texte même et exprimée dans la langue employée pour la rédaction de ce titre ; 

2° La promesse pure et simple de payer une somme déterminée ; 

3° L'indication de l'échéance ; 

4° Celle du lieu où le paiement doit s'effectuer ; 

5° Le nom de celui auquel ou à l'ordre duquel le paiement doit être fait ; 

6° L'indication de la date et du lieu où le billet est souscrit ; 

7° La signature de celui qui émet le titre dénommé souscripteur. 

II. - Le billet à ordre dont l'échéance n'est pas indiquée est considéré comme payable à vue. 

III. - A défaut d'indication spéciale le lieu de création du titre est réputé être le lieu de paiement et, en même temps, le lieu du domicile du souscripteur. 

IV. - Le billet à ordre n'indiquant pas le lieu de sa création est considéré comme souscrit dans le lieu désigné à côté du nom du souscripteur. »

Article L. 512-2

« Le titre dans lequel une des énonciations indiquées au I de l'article L. 512-1 fait défaut ne vaut pas comme billet à ordre, sauf dans les cas déterminés aux II à IV de l'article L. 512-1. »

 

 

Auteur :M. H.


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