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Droit des obligations
Le caractère déterminant du dol : une exigence réaffirmée
Mots-clefs : Contrat, Théorie des vices du consentement, Dol, Réticence dolosive, Éléments constitutifs, Caractère déterminant (non)
Le dol, dont le caractère déterminant fait défaut, ne peut être retenu en l’absence de preuve des manœuvres de la venderesse et de l’incidence d'un fait caché, par cette dernière, sur le consentement des acquéreurs.
Un couple avait acquis un véhicule qui présenta, dans les mois suivant la vente, plusieurs dysfonctionnements, en dépit d'interventions d'un garagiste et du constructeur. Un rapport d'expertise avait notamment révélé que le véhicule présentait un état d'usure très prononcé et qu'outre une fuite d'huile provenant de la boîte de vitesses, mentionnée au contrôle technique, il présentait aussi des fuites externes d'huile moteur pourtant relevées sur la facture d'intervention d'un garagiste, adressée à la venderesse un mois avant la vente. Le couple d’acquéreurs assigna alors la venderesse en nullité de la vente pour dol.
Pour rejeter leur demande, la cour d’appel retint l’absence d’influence de la dissimulation de la facture relevant les travaux à prévoir sur le moteur sur le consentement des acheteurs dans la mesure où ces derniers ayant décidé d’acquérir le véhicule en connaissance de la fuite relevée dans le rapport du contrôle technique, leur ignorance de la seconde fuite ne pouvait pas être considérée comme déterminante de leur consentement.
Le couple forma un pourvoi en cassation pour soutenir a contrario que la fuite externe révélée après la vente par la facture ne concernait pas la même partie du véhicule et était d’une gravité bien supérieure à celle dont ils avaient pu prendre connaissance avant d’acheter, de telle sorte que s’ils en avaient eu connaissance, ils n’auraient effectivement pas contracté.
Leur pourvoi est rejeté par la Cour de cassation au motif que la cour d’appel a souverainement estimé que les manœuvres imputées à la venderesse n’étaient pas démontrées et qu’il n’était pas évident que si les demandeurs avaient été informés du dysfonctionnement caché, ils n’auraient pas consenti à la vente.
Selon l’article 1109 du Code civil, un consentement surpris par dol n’est pas valable et justifie l’annulation de la convention. Défini à l’article 1116 du même code, le dol se présente, en effet, comme une cause de nullité du contrat lorsque les manœuvres pratiquées par l’une des parties sont telles qu’il est évident qu’elles ont conduit, indûment, l’autre partie à contracter. L’illicéité du dol repose sur cette idée simple : si sa victime avait eu connaissance de la vérité, elle n’aurait pas contracté ou bien elle aurait contracté, mais à d’autres conditions.
Plus précisément, le dol comporte deux aspects et se définit par la réunion de quatre éléments.
D’une part, le dol présente un aspect délictuel, qui vise l’acte de déloyauté, de malhonnêteté lors de la conclusion du contrat, et un aspect psychologique, signifiant que l’acte délictuel a dû provoquer chez la victime une erreur déterminante de son consentement.
Il doit, d’autre part, réunir quatre éléments, cumulatifs : un élément personnel, un élément matériel, un élément intentionnel, enfin, un élément déterminant.
Or, en l’espèce, c’est en l’absence de son double aspect et de ses trois derniers éléments que le dol a dû être écarté.
Tout d’abord, les éléments intentionnel comme matériel, tous deux relevant de l’aspect délictuel du dol, faisaient défaut. Rappelons ici que si l’article 1116 du Code évoque des manœuvres dolosives, c’est-à-dire l’emploi de procédés (machinations, artifices, stratagèmes, mensonges) visant à tromper l’autre partie, la jurisprudence, dans une politique protectrice, a étendu la notion à un acte négatif, l’élément matériel du dol pouvant ainsi être caractérisé par le silence (depuis Civ. 3e, 15 janv. 1971), appelé réticence dolosive. Et dans cette hypothèse, les éléments matériel et intentionnel se confondent : pour être dolosif, le silence doit être intentionnel, la rétention d’information, volontaire et pour être fautif, l’auteur du dol doit avoir manqué à une obligation préalable de renseigner son partenaire. Or celle-ci dépend de la pertinence de l’information et de l’illégitimité de son ignorance par l’autre partie.
Autrement dit, le silence n’est répréhensible que si celui qui s’est tu détenait une information pertinente pour celui qui se prétend créancier de cette obligation et si ce dernier ignorait légitimement le fait caché, concrètement, s’il était dans l’impossibilité ou la difficulté sérieuse de le découvrir alors que son partenaire y avait accès.
En l’espèce, le fait que les époux aient eu connaissance, au moment de la vente, de certains dysfonctionnements affectant le véhicule, notamment parce qu’ils avaient eu la possibilité de le conduire avant l’achat, excluait la faute dolosive de la venderesse : la fuite d’huile litigieuse aurait pu être découverte par les acheteurs – l’élément n’était pas inaccessible
Aussi l’élément intentionnel ne pouvait-il pas davantage être caractérisé. En effet, le dol, même s’il a perdu son caractère pénal originel, demeure un acte illicite volontaire. Le dol n’existe que lorsque son auteur est manifestement de mauvaise foi. Le dol innocent n’existe pas. La victime du dol doit alors démontrer la « conscience » de la tromperie. Cette preuve est connue pour être difficile à rapporter, comme en témoigne l’espèce rapportée, les acquéreurs n’étant pas parvenus à prouver l’intentionnalité du silence.
C’est enfin et surtout l’absence du caractère déterminant, relevant de l’aspect psychologique du dol, qui permet d’expliquer la solution. Il implique de prouver que, sans les manœuvres pratiquées par l’auteur du dol, sa victime n’aurait pas contracté. Autrement dit, le dol doit avoir effectivement influencé le consentement de sa victime, selon sa faculté à réagir au mensonge ou à l’entreprise de dissimulation de son cocontractant, d’où l’appréciation in concreto à laquelle se livrent les juges.
En l’espèce, les juges ont assez naturellement déduit de la connaissance, par les époux, de plusieurs désordres affectant le véhicule et, notamment, d’une fuite d’huile provenant de la boîte de vitesses dont ils avaient été informés au moment de la vente, l’absence d’influence sur le consentement des époux de l’existence d’une fuite externe, découverte après la vente.
Civ. 1re, 1er oct. 2014, n°13-22.446
Références
■ Civ. 3e, 15 janv. 1971, n° 69-12.180, Bull. civ. III, n° 38.
■ Code civil
« Il n'y a point de consentement valable si le consentement n'a été donné que par erreur ou s'il a été extorqué par violence ou surpris par dol. »
« Le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manœuvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans ces manœuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté.
Il ne se présume pas et doit être prouvé. »
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