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[ 1 juin 2012 ] Imprimer

Droit des sûretés et de la publicité foncière

Le cautionnement solidaire souscrit en violation du formalisme légal reste valable comme cautionnement simple

Mots-clefs : Cautionnement, Solidaire, Formation, Omission de la mention manuscrite relative à la solidarité avec le débiteur principal, Conséquence, Nullité du cautionnement (non), Perte du caractère solidaire du cautionnement souscrit, Effet du cautionnement simple (oui)

L'engagement de caution solidaire, souscrit dans le respect des dispositions de l'article L. 341-2 du Code de la consommation mais ne comportant pas la mention manuscrite exigée par l'article L. 341-3 du Code de la consommation, demeure valable en tant que cautionnement simple.

Ceux qui craignaient une interprétation trop formaliste des dispositions protectrices de la caution figurant dans le Code de la consommation (art. L 341-1 et s.) peuvent être rassurés. La Cour de cassation adopte une interprétation plutôt libre de ces textes. Elle nous avait déjà fourni plusieurs exemples de cette liberté récemment. Elle avait d’abord jugé que l’apposition d’une virgule entre la formule caractérisant l’engagement de caution et celle visant la solidarité n’affectait pas la portée des engagements pris (Com. 5 avr. 2011 Com. 27 mars 2012) et que ces formules n'avaient donc pas besoin d'être séparées par un point et une signature. Elle avait ensuite également précisé, ce que confirme l’arrêt commenté, que le défaut de mention de la solidarité avait pour conséquence de transformer le cautionnement solidaire en cautionnement simple (Com. 8 mars 2011) ; ainsi renforçait-elle la portée de l’arrêt précité du 5 avril 2011, selon lequel il ne doit être tenu compte des erreurs de rédaction sans portée. Pourtant, la Cour de cassation refusa longtemps d’analyser véritablement les conséquences des omissions ou inexactitudes des mentions requises sur la portée du consentement ; le non-respect des mentions manuscrites semblait donc conserver une certaine portée. L'arrêt rapporté confirme la fausseté de cette impression.

En l'espèce, une caution avait omis de préciser, comme le requiert, à peine de nullité, l’article L. 341-3 du Code de la consommation, le caractère solidaire de son engagement ; la mention manuscrite relative à la solidarité ne figurait pas dans l’acte, alors qu'elle aurait dû s'y trouver. Puis la banque assigna en paiement la caution, laquelle lui opposa, notamment, la nullité de son engagement, compte tenu de l’irrégularité formelle de la mention manuscrite litigieuse. Condamnée en appel, la caution fit alors valoir, auprès des juges de cassation, que si l’omission de la mention manuscrite relative à la solidarité avec le débiteur principal avait pour conséquence naturelle la perte du caractère solidaire du cautionnement souscrit, l’acte devait néanmoins échapper à l’annulation pour produire l’effet d’un cautionnement simple. La chambre commerciale devait donc répondre à la question de savoir si un cautionnement dont la solidarité doit, par principe, être mentionnée dans l’acte, peut échapper à la nullité que la loi impose pour être requalifié en cautionnement simple. À cette question, la Haute cour répond par l’affirmative : selon elle, l'engagement de caution solidaire, souscrit dans le respect des dispositions de l'article L. 341-2 du Code de la consommation, quoique ne comportant pas la mention manuscrite exigée par l’article L. 341-3 du même code, demeure valable comme cautionnement simple.

Loin des interprétations classiques, qui ignoraient les seules erreurs vénielles, un pas semble donc bien, depuis peu, avoir été franchi. Il n’est plus question de virgules, d'erreurs de frappe ou portant sur le numéro de l'article du Code de la consommation ; le terme solidaire a une véritable portée juridique. Certes, le formalisme exigé par la loi est un moyen de protéger la caution et a pour avantage de lui conférer une certaine sécurité juridique. C’est pour cette raison que la Cour continue d'exiger que la mention soit écrite de la main de la caution (Com. 13 mars 2012). En admettant des assouplissements de plus en plus nombreux (v. égal., Civ. 1re, 5 avr. 2012), la Cour fragilise néanmoins la sécurité de la caution. Les créanciers sont désormais incités à plaider pour montrer que le non-respect scrupuleux de la mention a été sans conséquence. La Cour de cassation va-t-elle accepter par exemple que le mot prêt ne figure pas si le cautionnement ne garantit pas un tel engagement ? Alors que le contentieux relatif au formalisme avait quitté les prétoires, son retour en force paraît désormais promis. Au-delà de la solution rendue, cette décision illustre les deux courants contradictoires auquel est confronté le droit du cautionnement. D'un côté, le législateur a tendance à surprotéger la caution. De l’autre, la Cour de cassation, dans ses derniers arrêts, semble vouloir restaurer l'efficacité perdue de cette garantie. Face à ces deux évolutions, il est légitime de se poser la question suivante : quelle protection pour la caution ?

Com. 10 mai 2012, n°11-17.671

Références

■ « Quelle protection pour la caution », colloque du 24 mai 2012 organisé par le Mastère de droit des obligations civiles et commerciales de l'Université Paris Descartes (Paris V) sous la présidence d'Yves Gérard : http://www.droit.parisdescartes.fr/IMG/File/programme.pdf

 Com. 5 avr. 2011, n°10-16.426.

■ Com. 27 mars 2012, n°10-24.698.

■ Com. 8 mars 2011, n°10-10.699, D. 2011. 1193, note Picod RTD civ. 2011. 375, note Crocq RTD com. 2011. 402, note Legeais.

■ Com. 13 mars 2012, n° 10-27.814.

■ Civ. 1re, 5 avr. 2012, n° 11-12.515.

■ Code de la consommation

Article L. 341-1

« Sans préjudice des dispositions particulières, toute personne physique qui s'est portée caution est informée par le créancier professionnel de la défaillance du débiteur principal dès le premier incident de paiement non régularisé dans le mois de l'exigibilité de ce paiement. Si le créancier ne se conforme pas à cette obligation, la caution ne saurait être tenue au paiement des pénalités ou intérêts de retards échus entre la date de ce premier incident et celle à laquelle elle en a été informée. »

Article L. 341-2

« Toute personne physique qui s'engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante, et uniquement de celle-ci : "En me portant caution de X..., dans la limite de la somme de ... couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de ..., je m'engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X... n'y satisfait pas lui-même." »

Article L. 341-3

« Lorsque le créancier professionnel demande un cautionnement solidaire, la personne physique qui se porte caution doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante : "En renonçant au bénéfice de discussion défini à l'article 2298 du code civil et en m'obligeant solidairement avec X..., je m'engage à rembourser le créancier sans pouvoir exiger qu'il poursuive préalablement X...". »

 

Auteur :M. H.

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