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[ 30 octobre 2014 ] Imprimer

Introduction au droit

Le commencement de preuve par écrit : une preuve qui peut être parfaite !

Mots-clefs : Preuve, Modes de preuve, Reconnaissance de dette, Mention manuscrite, Non-respect, Requalification de l’acte, Commencement de preuve par écrit, Conditions, Témoignages, Identification des témoins, Compléments de preuve (oui)

Une reconnaissance de dette ne comportant pas la mention manuscrite requise par l’article 1326 du Code civil vaut comme commencement de preuve par écrit, à compléter par des preuves extrinsèques que constituent valablement les signatures apposées par les témoins présents lors de la passation de l’acte.

Invoquant une reconnaissance de dette souscrite au titre d’un prêt qu’elle avait consenti à son bénéficiaire et un chèque émis à son profit par sa mère en remboursement partiel de ce prêt et au paiement duquel celle-ci avait fait opposition, une femme se prétendant ainsi créancière les assigna en paiement.

Pour rejeter sa demande, la cour d’appel retint que la reconnaissance de dette, qui ne respectait pas les dispositions de l’article 1326 du Code civil, constituait un simple commencement de preuve par écrit. Elle précisa que la prétendue créancière ne produisait aucun élément tendant à prouver la réalité de la convention dont elle poursuivait l’exécution alors qu’il lui appartenait, notamment, dès lors qu’elle avait pris la précaution de faire contresigner l’acte par des personnes présentes, de produire le témoignage de ces personnes, sur l’identité desquelles aucune précision n’était pourtant fournie.

Au visa des articles 1326 et 1347 du Code civil, cette décision est cassée par la Haute cour au motif que les signatures apposées par les témoins sur la reconnaissance de dette constituaient des éléments extrinsèques à l’acte dont il appartenait aux juges du fond d’apprécier souverainement s’ils étaient de nature à compléter le commencement de preuve par écrit produit devant eux.

En principe, l’acte sous seing privé, dès lors qu’il est signé, n’est soumis à aucune condition de forme ; il peut même être dressé au crayon, et la mention « lu et approuvé » est inutile. Seuls certains actes sous seing privé sont soumis à des formalités spéciales (v. F. Terré). C’est le cas, notamment, de la reconnaissance de dette.

En effet, selon l’article 1326 du Code civil, l’acte sous seing privé qui constate une promesse unilatérale de payer une somme d’argent (ou, aussi, de livrer une chose fongible) doit comporter une mention particulière, écrite « par lui-même », celle, par celui qui s’engage, « de la somme ou de la quantité en toutes lettres et en chiffres ». Cette exigence vise à protéger la personne en lui faisant prendre conscience de l’importance de son engagement et à écarter les risques d’abus liés aux engagements souscrits « en blanc » (v. F. Terré, n°633).

En l’espèce, dans l’acte produit, la somme indiquée n’était pas rédigée en lettres, et une rature affectait l’un des chiffres. En conséquence, cette pièce ne pouvait être considérée comme une preuve par écrit de l’obligation alléguée. Elle constituait, néanmoins, un commencement de preuve par écrit, ce dernier rendant vraisemblable l’existence de la dette.

En effet, le principe selon lequel la preuve d’un acte juridique ne peut être, en vertu du système de la preuve légale, rapportée que par des modes de preuves limitativement énumérés par la loi supporte des exceptions, dont le commencement de preuve par écrit fait partie. Ce dernier est défini à l’article 1347, alinéa 2, du Code civil comme «  (…) tout acte par écrit qui est émané de celui contre lequel la demande est formée, ou de celui qu’il représente, et qui rend vraisemblable le fait allégué ».

Ainsi, même s’il ne respecte pas les exigences légales, comme celles ici requises par l’article 1326 du Code civil, l’écrit peut servir de preuve dès lors qu’il rend vraisemblable la dette ou la créance allégué, ce qui relève de l’appréciation souveraine des juges du fond.

Toutefois, même dans cette hypothèse, le commencement de preuve par écrit ne fait pas pleinement preuve de l’acte juridique. Le demandeur doit pouvoir compléter ce commencement de preuve. La preuve est libre, de telle sorte que des modes de preuve imparfaits, tels des témoignages ou des présomptions, sont recevables, l’essentiel étant, pour qu’ils puissent efficacement servir de compléments, que les preuves apportées soient extérieures au commencement de preuve par écrit.

En l’espèce, la discussion portait précisément sur cette condition d’extériorité. Les juges du fond la contestaient au même titre que le contreseing de l’acte par des témoins présents lors de sa conclusion, contradiction qu’ils justifièrent par l’impossibilité d’identifier précisément les contresignataires de l’acte.

Logiquement, la Cour de cassation censure l'analyse en affirmant que ces témoignages constituaient bien des éléments extrinsèques à la reconnaissance de dette litigieuse, reprochant en ce sens à la cour d’appel d’avoir dénaturé l’acte par l’ignorance de certains de ses termes, en l’occurrence, de ceux constitués des signatures manuscrites des témoins précédées de la mention manuscrite de leurs noms et prénoms, qui figuraient bien à l’acte, en sorte que la preuve de la reconnaissance de dette devait être considérée, en l’espèce, comme pleinement rapportée.

Civ. 1re, 8 oct. 2014, n°13-21.776

Références

■ F. Terré, Introduction générale au droit, 9e éd., Dalloz, coll. « Précis », 2012, n°631 s.

■ Code civil

Article 1326

« L'acte juridique par lequel une seule partie s'engage envers une autre à lui payer une somme d'argent ou à lui livrer un bien fongible doit être constaté dans un titre qui comporte la signature de celui qui souscrit cet engagement ainsi que la mention, écrite par lui-même, de la somme ou de la quantité en toutes lettres et en chiffres. En cas de différence, l'acte sous seing privé vaut pour la somme écrite en toutes lettres. »

Article 1347

« Les règles ci-dessus reçoivent exception lorsqu'il existe un commencement de preuve par écrit.

On appelle ainsi tout acte par écrit qui est émané de celui contre lequel la demande est formée, ou de celui qu'il représente, et qui rend vraisemblable le fait allégué.

Peuvent être considérées par le juge comme équivalant à un commencement de preuve par écrit les déclarations faites par une partie lors de sa comparution personnelle, son refus de répondre ou son absence à la comparution. »

 

Auteur :M. H.


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