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Libertés fondamentales - droits de l'homme
Le Conseil d’État précise les règles du regroupement familial pour les polygames
Mots-clefs : Droit des étrangers, Regroupement familial, Polygamie, Visa de séjour
Un visa de séjour, au titre du regroupement familial, ne peut être délivré qu’à l’une des épouses du demandeur polygame et aux seuls enfants de celle-ci, sauf à prouver que la mère des autres enfants est décédée ou déchue de ses droits, a jugé le Conseil d’État.
En l’espèce, les autorités consulaires avaient refusé la délivrance d’un visa à l’une des épouses du requérant, ainsi qu’à quatre de ses enfants, alors que leur venue avait été autorisée au titre du regroupement familial. La commission de recours contre les refus de visa a confirmé ce refus au motif que le requérant était polygame.
La Haute cour affirme que la polygamie, contraire à l’ordre public, peut légalement faire obstacle à la délivrance d’un visa pour la venue d’un conjoint, même si le regroupement familial a été autorisé. C’est le cas lorsque cette délivrance « conduirait l’étranger à vivre en France en situation de polygamie ». Elle juge ainsi, que « lorsqu’un premier conjoint et ses enfants ont bénéficié d’une autorisation de regroupement familial, le visa ne peut leur être refusé au seul motif que l’étranger est par ailleurs marié sous le régime de la polygamie dans son pays d’origine, mais l’administration est alors fondée, le cas échéant, à opposer un refus de visa à un second conjoint ; qu’elle est également fondée à refuser la venue en France des enfants de cet autre conjoint, sauf si ce dernier est décédé ou déchu de ses droits parentaux ». En l’occurrence, seul un des enfants est celui de l’épouse autorisée à venir en France. Les trois autres sont nés d’un mariage postérieur dont la dissolution n’a pas été prouvée.
Le Conseil d’État considère donc que la situation de polygamie du requérant ne justifie pas le refus de visa de l’épouse autorisée à venir. En effet, dès lors qu’il « réside seul en France, la venue de l’une de ses épouses […] n’est pas de nature à créer en France une situation de polygamie et n’est par suite, pas contraire à l’ordre public ; qu’ainsi, la commission a entaché [pour partie] sa décision d’une erreur de droit en se fondant sur la seule circonstance [qu’il] était polygame pour confirmer le refus de visa opposé à [son épouse et à son fils] ». En revanche, il confirme la décision s’agissant du refus de visa pour les trois enfants de l’autre épouse.
CE 16 avril 2010, M. Dieng, req. n° 318726
Références
« Mention portée sur un acte par l’autorité compétente à l’effet de lui reconnaître certains effets (ex. : visa d’un passeport, autorisant le titulaire à entrer dans le pays dont un fonctionnaire a délivré le visa, ou à en sortir). »
« Droit reconnu sous certaines conditions légales à un étranger séjournant légalement en France depuis un temps déterminé d’y être rejoint par son conjoint et ses enfants mineurs, afin de lui permettre de mener une vie familiale normale (en accord avec l’art. 8 de la Convention européenne des droits de l’Homme). »
« Notion particulariste d’un État ayant pour effet de rejeter toute règle ou décision étrangère qui entraînerait la naissance d’une situation contraire aux principes fondamentaux du droit national.
En matière de conflit de lois, le juge français peut s’abriter derrière l’ordre public pour écarter une loi étrangère normalement applicable, lorsque son application porterait atteinte aux règles constituant les fondements politiques, juridiques, économiques et sociaux de la société française. »
Source : Lexique des termes juridiques 2010, 17e éd., Dalloz, 2009.
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