Actualité > À la une
À la une
Droit des sûretés et de la publicité foncière
Le contrat de cautionnement est et reste un contrat unilatéral !
Mots-clefs : Cautionnement, Contrat unilatéral, Obligations légales du créancier, Multiplication, Obligation annuelle d’information, Bilatéralisation, Contrat bilatéral (non), Exception de nullité, Limite, Commencement d’exécution, Recevabilité (oui)
Les diverses obligations légales du créancier ne sont pas la contrepartie de l’obligation de la caution.
Une caution s’était engagée à garantir solidairement le remboursement d’un prêt. A la suite de la défaillance de la débitrice, celle-ci avait été assignée par la banque, à laquelle la caution avait opposé, pour échapper au paiement, la nullité de son engagement, fondée sur la mauvaise exécution, par la banque, à son obligation annuelle d’information due à la caution. La cour d’appel déclara l’acte nul, rejetant ainsi les demandes du créancier.
Ce dernier forma un pourvoi en cassation selon lequel l’exception de nullité, ne pouvant être soulevée que pour faire échec à la demande d’exécution d’un acte juridique qui n’a point encore été exécuté, n’était pas en l’espèce recevable dès lors que l’information annuelle délivrée par le créancier, établissement de crédit, constitue un acte d’exécution du cautionnement, quoique cette obligation soit d’origine légale. La chambre commerciale rejette le pourvoi. Elle juge « qu’ayant énoncé que les diverses obligations légales mises à la charge du créancier professionnel ne sont que des obligations légales sanctionnées par la déchéance du droit aux accessoires de la créance et non la contrepartie de l’obligation de la caution, la cour d’appel en a exactement déduit qu’au moment où celle-ci a invoqué la nullité de son engagement, le contrat de cautionnement n’avait pas encore été exécuté par la seule délivrance de l’information annuelle qui lui était légalement due, de sorte que l’exception de nullité était recevable ».
Le cautionnement est traditionnellement considéré comme un contrat unilatéral. En effet, s’il requiert, comme tout contrat, la rencontre des volontés de toutes les parties, il ne fait naître d’obligations qu’à la charge de la caution qui ne reçoit, en échange de son engagement, aucune contrepartie d’où, d’ailleurs, les interrogations qui ont pu naître, jadis, sur la cause de son engagement (V. cependant l’arrêt de principe Lempereur 8 nov. 1972 : la cause de l’obligation de la caution réside dans la considération de l’obligation prise par le créancier, à savoir l’ouverture de crédit. La cause de l’obligation de la caution résiderait dans le fait que le banquier ait consenti un prêt au débiteur). Cependant, l’unilatéralité du cautionnement est loin d’être absolue. Ainsi, la première phrase l’article 2314 du Code civil, qui prévoit que « la caution est déchargée, lorsque la subrogation aux droits, hypothèques et privilèges du créancier, ne peut plus, par le fait de ce créancier, s’opérer en faveur de la caution », en constitue une large atténuation, puisque ce texte impose au créancier l’obligation de maintenir les sûretés dont pourrait bénéficier la caution. De surcroît, une tendance à la « bilatéralisation » du cautionnement se dessine aujourd’hui, par le biais des multiples obligations légales, spécifiques, mises à la charge du créancier. Ainsi, la combinaison des articles L. 313-22 du Code monétaire et financier et L. 341-6 du Code de la consommation a contribué à généraliser et à étendre l’obligation d’informer la caution de la dette du débiteur principal au point d’imposer à tous les créanciers, professionnels ou non, une obligation annuelle d’information au bénéfice de la caution personne physique, portant sur le montant de la créance garantie et de ses accessoires, sous peine de déchéance de tous les accessoires de la dette, frais et pénalités. Selon la même logique, les articles L. 313-9 et L. 341-1 du Code de la consommation imposent au créancier d’informer la caution des incidents de paiement survenant au débiteur principal. En conséquence, il a été permis de douter du maintien du caractère unilatéral du cautionnement. Cependant, comme le rappelle ici la Cour, la multiplication de ces obligations ne suffit pas à transformer le cautionnement en contrat synallagmatique, d’où son affirmation que les obligations mises à la charge du créancier ne constituent pas la contrepartie de l’obligation de la caution, ce qu’elle justifie par la spécificité de la sanction prévue, la déchéance du droit aux accessoires de la créancier. En conséquence, l’exception de nullité, moyen de défense dont le caractère perpétuel est principalement limité par un commencement d’exécution de l’acte (V. pour une dernière illustration, Com., 13 mai 2014), est ici recevable, le contrat de cautionnement n’ayant pas commencé à être exécuté, par la délivrance de l’information annuelle, au jour où la nullité du contrat fut, par voie d’exception, demandée.
Com., 8 avril 2015, n° 13-14.447
Références
■ Code civil
« La caution est déchargée, lorsque la subrogation aux droits, hypothèques et privilèges du créancier, ne peut plus, par le fait de ce créancier, s'opérer en faveur de la caution. Toute clause contraire est réputée non écrite. »
■ Code monétaire et financier
« Les établissements de crédit ou les sociétés de financement ayant accordé un concours financier à une entreprise, sous la condition du cautionnement par une personne physique ou une personne morale, sont tenus au plus tard avant le 31 mars de chaque année de faire connaître à la caution le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l'année précédente au titre de l'obligation bénéficiant de la caution, ainsi que le terme de cet engagement. Si l'engagement est à durée indéterminée, ils rappellent la faculté de révocation à tout moment et les conditions dans lesquelles celle-ci est exercée.
Le défaut d'accomplissement de la formalité prévue à l'alinéa précédent emporte, dans les rapports entre la caution et l'établissement tenu à cette formalité, déchéance des intérêts échus depuis la précédente information jusqu'à la date de communication de la nouvelle information. Les paiements effectués par le débiteur principal sont réputés, dans les rapports entre la caution et l'établissement, affectés prioritairement au règlement du principal de la dette. »
■ Code de la consommation
« Le créancier professionnel est tenu de faire connaître à la caution personne physique, au plus tard avant le 31 mars de chaque année, le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l'année précédente au titre de l'obligation garantie, ainsi que le terme de cet engagement. Si l'engagement est à durée indéterminée, il rappelle la faculté de révocation à tout moment et les conditions dans lesquelles celle-ci est exercée. A défaut, la caution ne saurait être tenue au paiement des pénalités ou intérêts de retard échus depuis la précédente information jusqu'à la date de communication de la nouvelle information. »
« Toute personne physique qui s'est portée caution à l'occasion d'une opération de crédit relevant des chapitres Ier ou II du présent titre doit être informée par l'établissement prêteur de la défaillance du débiteur principal dès le premier incident de paiement caractérisé susceptible d'inscription au fichier institué à l'article L. 333-4. Si l'établissement prêteur ne se conforme pas à cette obligation, la caution ne saurait être tenue au paiement des pénalités ou intérêts de retard échus entre la date de ce premier incident et celle à laquelle elle en a été informée. »
« Sans préjudice des dispositions particulières, toute personne physique qui s'est portée caution est informée par le créancier professionnel de la défaillance du débiteur principal dès le premier incident de paiement non régularisé dans le mois de l'exigibilité de ce paiement. Si le créancier ne se conforme pas à cette obligation, la caution ne saurait être tenue au paiement des pénalités ou intérêts de retards échus entre la date de ce premier incident et celle à laquelle elle en a été informée. »
■ Com. 8 nov. 1972, n° 71-11. 879.
■ Com., 13 mai 2014, n° 12-28.013.
Autres À la une
-
[ 20 décembre 2024 ]
À l’année prochaine !
-
Droit du travail - relations collectives
[ 20 décembre 2024 ]
Salariés des TPE : à vous de voter !
-
Droit du travail - relations individuelles
[ 19 décembre 2024 ]
Point sur la protection de la maternité
-
Libertés fondamentales - droits de l'homme
[ 18 décembre 2024 ]
PMA post-mortem : compatibilité de l’interdiction avec le droit européen
-
Droit de la famille
[ 17 décembre 2024 ]
GPA : l’absence de lien biologique entre l’enfant et son parent d’intention ne s’oppose pas à la reconnaissance en France du lien de filiation établi à l'étranger
- >> Toutes les actualités À la une