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Libertés fondamentales - droits de l'homme
Le demandeur d'asile doit laisser relever ses empreintes digitales
Mots-clefs : Étranger, Asile, Relevé d’empreintes digitales, Automutilation, Identité
L’étranger pratiquant une automutilation pour rendre impossible l’identification de ses empreintes, ne peut justifier de son identité et donc ne peut demander à bénéficier de l'asile, juge le Conseil d’État dans une ordonnance du 2 novembre 2009.
« Nemo auditur propriam turpitudinem allegans » : nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude. Cet adage latin, bien connu des juristes, trouve une bien sordide application en matière d’asile. L’histoire est celle de demandeurs d’asile pratiquant l’automutilation pour éviter un éventuel refoulement dans leur pays d’origine. L’origine de cette pratique : le règlement communautaire n° 2725/2000 du 11 décembre 2000 concernant la création du système « Eurodac » pour la comparaison des empreintes digitales aux fins de l'application efficace de la convention de Dublin. Eurodac est en effet un système automatisé de reconnaissance d’empreintes décadactylaires (les dix doigts plus la paume) dont l’objectif est d’identifier le pays par où ils sont entrés afin de pouvoir les y refouler, en vertu de la convention de Dublin.
Les autorités françaises notamment, mais pas seulement, expulsent régulièrement vers l’Italie ou la Grèce des réfugiés qui y avaient préalablement été fichés, pour que leurs demandes d’asile soient étudiées dans ces pays, ou qu’ils soient « refoulés » dans leur pays d’origine. C’est donc pour éviter ce « retour » qu’un nombre croissant de migrants fait le choix de se mutiler les doigts afin d’en effacer les empreintes, espérant ainsi échapper au fichage d’Eurodac et au système de « réadmission » de Dublin II. Ce faisant, ils se privent par là même de la possibilité de se voir accorder une autorisation provisoire de séjour.
C’est ce que vient de juger le Conseil d’État, en sa qualité de juge d’appel en matière de référé liberté, dans une ordonnance du 2 novembre 2009. En l'espèce, le ministre de l'Immigration lui demandait d'annuler l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Nantes ordonnant au préfet de Maine-et-Loire d'indiquer à Mme Tekle Gikidan, demandeur d'asile, un lieu d'hébergement susceptible de l'accueillir. Le juge considère « que Mme Tekle Gikidan (…) s'est présentée au guichet de la préfecture de Maine-et-Loire (…) pour solliciter son admission au séjour afin de déposer une demande d'asile ; qu'il est apparu qu'elle avait fait en sorte que ses empreintes digitales ne puissent être exploitées ; qu'afin de permettre la reconstitution de ses empreintes, plusieurs convocations successives lui ont été remises (…) ; qu'à aucune (…) il n'a toutefois été possible d'identifier ses empreintes ; qu'elle a ainsi manifestement cherché à se soustraire à l'obligation fixée par le règlement (CE) 2725/2000 du 11 décembre 2000 ; qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que, contrairement à ce qu'a jugé le juge des référés du tribunal administratif de Nantes, l'autorité préfectorale n'a, dans ces conditions, pas porté une atteinte grave et manifestement illégale au droit d'asile en s'abstenant de lui délivrer, en l'état, une autorisation provisoire de séjour et en ne prenant pas, en conséquence, les mesures prévues par le code de l'action sociale et des familles en vue d'assurer sa prise en charge ».
CE, ord. réf., 2 novembre 2009, Ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire c/ Mme Tekle Gikidan, n° 332890
Références
■ Nemo auditur propriam turpitudinem allegans
« Personne n’est entendu (par un juge) lorsqu’il allègue sa propre turpitude.
Adage employé pour refuser éventuellement la restitution des prestations après le prononcé de la nullité d’une convention contraire à la morale et aux bonnes mœurs. »
Source : Lexique des termes juridiques 2010, 17e éd., Dalloz, 2009.
■ Refoulement
« En matière de police des étrangers, refus d’entrée en France opposé à un étranger se présentant à la frontière ou sur un aéroport et ne remplissant pas les conditions légales pour pénétrer sur le territoire. Cette décision administrative est susceptible de recours devant le juge administratif. »
Source : Lexique des termes juridiques 2010, 17e éd., Dalloz, 2009.
■ Référé liberté
« Il constitue la véritable innovation de la loi du 30 juin 2000. Il permet au juge, saisi par tout intéressé, d’ordonner, dans un délai de 48 heures, toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une personne publique ou une personne privée gestionnaire d’un service public aurait porté une atteinte grave et manifestement illégale (CJA, art. L. 521-2). Le juge dispose d’un pouvoir général d’injonction complémentaire à celui des juridictions judiciaires en matière de voie de fait. Il est amené à identifier les libertés fondamentales, examiner la gravité de l’atteinte et son illégalité manifeste (par ex. : CE S. 30 oct. 2001, Min. int. c/ Mme Tliba, RFDA 2001. 324). »
Source : V. Van Lang, G. Gondouin, V. Inserguet-Brisset, Dictionnaire de droit administratif, 5e éd., Sirey, coll. « Dictionnaire », 2008.
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