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[ 13 mars 2015 ] Imprimer

Droit des obligations

Le devoir de conseil se limite aux opérations dont le professionnel est à l’origine

Mots-clefs : Assurance-vie, Devoir de conseil, Obligation d’information, Obligation de conseil, Domaine, Limites

Si l’assureur est tenu d’une obligation d’information et de conseil et doit, à ce titre, apprécier l’adéquation du placement qu’il propose à la situation et aux attentes personnelles de son client, cette évaluation suffit dans le cas où l’assureur n’est ni partie ni à l’origine du montage par la suite choisi par son client et réalisé auprès d’un autre établissement.

Une femme détenant un patrimoine immobilier conséquent avait décidé de vendre une partie de ses biens pour en placer le produit sur des contrats d’assurance-vie. Pendant quatre ans, elle avait ainsi souscrit plusieurs contrats auprès d’un assureur. Puis, après avoir constaté la chute de valeur de son patrimoine au regard de celle qui aurait dû être atteinte en l’absence de cession de ses biens immobiliers, elle avait recherché la responsabilité de son assureur, ce que la cour d’appel refusa de prononcer au motif qu’il n’était pas démontré que l’assureur avait manqué à son obligation d’information et de conseil.

L’assurée forma un pourvoi en cassation pour faire constater un tel manquement : l’assureur qui propose un placement financier à son client doit l’informer sur les caractéristiques des produits proposés et les aspects moins favorables et les risques inhérents aux options qui peuvent être le corollaire des avantages énoncés, ainsi que sur leur adéquation avec la situation personnelle et les attentes de son client, cette information devant porter sur tous les aspects de l’opération. Or, selon la demanderesse, l’assureur n’aurait rempli aucune de ces obligations.

La Cour rejette le pourvoi. Elle relève, notamment, qu’il ne ressort ni des énonciations de l’arrêt ni des conclusions de la cliente que celle-ci ait contesté avoir reçu avant la souscription des contrats les conditions générales valant note d’information ni qu’elle ait soutenu que l’assureur aurait dû préalablement s’enquérir de son expérience en matière d’investissement. De surcroît, il n’a pas été démontré que le choix de réaliser la majeure partie du patrimoine immobilier de la cliente pour le placer sur des produits d’assurance-vie a pour origine un conseil de l’assureur. De même, il n’a pas été établi que le choix financier de recourir à des emprunts remboursables « in fine » auprès d’un établissement de crédit en les garantissant par le nantissement de contrats d’assurance-vie préalablement constitués auprès de l’assureur procède d’un montage réalisé à son instigation.

La Cour affirme, en conséquence, que la cour d’appel a pu en déduire que l’assureur, qui n’était pas intervenu dans les choix de restructuration du patrimoine, avait satisfait à son obligation d’information et de conseil en tenant compte de la situation personnelle de l’intéressée.

Le rejet du pourvoi, infondé, était prévisible : lorsque, comme en l’espèce, les conditions de souscription du contrat ne prêtent pas à critique et que l’assureur propose un contrat adapté à la situation personnelle de l’assuré, le devoir de conseil doit être considéré comme rempli.

En effet, une jurisprudence constante fait dépendre la bonne exécution du devoir de conseil du prestataire de produits financiers, notamment celle de l’assureur (Civ. 1re, 4 juin 2014), de l’adaptation du placement proposé à la situation personnelle du client. L’adéquation recherchée est à la fois : 

– objective, le prestataire devant s’enquérir de l’état financier et patrimonial du client à l’effet de soustraire ce dernier à tout risque de surendettement ;

– et subjective, le prestataire étant tenu de connaître les intentions personnellement poursuivies par son client. 

Dans la relation qu’il noue avec son client, le prestataire doit donc prendre connaissance et tenir compte des objectifs, subjectifs, et des contraintes, objectives, de chaque client.

Au cas présent, l’inverse ne fut pas démontré de sorte que, sous ces deux angles, l’exécution par l’assureur de son obligation de vérifier l’adéquation du montant des contrats à la situation personnelle de la demanderesse devait être tenue pour acquise. En outre, la cliente avait pu prendre connaissance des caractéristiques et des risques inhérents aux placements proposés tant à la lecture des termes des contrats à proprement parler qu’à celle de leurs conditions générales. Aucun manquement à l’obligation d’information de l’assureur ne pouvait donc davantage être retenu.

Le pourvoi soutenait également que l’assureur avait manqué à son obligation de conseil sur l’opération dans son ensemble et, plus spécialement, à son devoir de mise en garde sur les risques encourus par le montage réalisé par la suite auprès d’une banque pour garantir les contrats.

Là encore, le moyen procédait d’une acception erronée de la nature des obligations susceptibles d’être mises à la charge de l’assureur, en particulier au titre de son devoir de mise en garde, et plus précisément, d’une confusion des différents contrats conclus et des responsabilités qu’ils font naître. En effet, il va de soi qu’un contractant ne peut voir sa responsabilité engagée pour avoir inexécuté une obligation à laquelle il n’était pas tenu.

Or c’était bien l’hypothèse : bien qu’ayant de fait participé à la conception des opérations réalisées, l’assureur n’avait pas lui-même fait souscrire de garantie des contrats, ni même invité sa cliente à y procéder. Par conséquent, comme en ont déduit les juges, l’assureur n’avait aucune information à donner sur ce choix financier dont il n’était pas l’instigateur. Dès lors, n’étant pas à l’origine de l’opération d’investissement critiquée, le prestataire ne peut donc voir sa responsabilité engagée pour ne pas avoir informé le client des risques d’un placement qu’il n’a pas proposé, ni de ceux nés d’un « montage » ultérieur auquel il n’était pas partie et qu’il n’a, en outre, jamais conseillé.

Civ. 2e, 5 févr. 2014, n°13-28.468

Références

■ Article 1147 du Code civil

« Le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part. »

■ Civ. 1re, 4 juin 2014, n°13-12.770.

 

Auteur :M. H.

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