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[ 24 mai 2017 ] Imprimer

Droit international privé

Le domaine d'application circonscrit de la méthode dérogatoire des lois de police

Mots-clefs : Droit international privé, Lois de police, Application de la loi française (non), Contrat, Maître de l’ouvrage, Sous-traitant

Le droit international privé ne procure pas lui-même les solutions aux questions que posent les situations internationales, mais propose des méthodes ou des règles qui permettront d’identifier ces solutions. En effet, il existe peu de règles substantielles forgées pour les situations internationales.

La méthode des lois de police autorise une dérogation à la méthode conflictuelle (La méthode conflictuelle consiste à sélectionner l'un des ordres juridiques impliqués dans la situation internationale, à l’aide d’instruments spécifiques forgés à cet effet, pour que la loi substantielle de cet ordre juridique règle la question posée) , pour permettre l'application directe, à des situations internationales, de lois substantielles qui ont été édictées par un État pour la sauvegarde d'une politique publique qu’il juge cruciale (V. Art. 9 du Règlement (CE) n° 593/2008 du Parlement européen et du Conseil, 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles [Rome I],  et Art. 7 de la Convention de Rome de 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles).

En l'espèce, un maître de l'ouvrage italien avait commandé du matériel de télécommunication à une société française, laquelle avait sous-traité la fabrication du matériel à une société italienne. Le contrat de sous-traitance était soumis, selon une clause d’electio juris, à la loi suisse.

Le maître d'œuvre – placé par la suite en redressement judiciaire – n'ayant pas payé le sous-traitant, celui-ci sollicitait le paiement direct de ses prestations auprès du maître de l'ouvrage. 

Toutefois, le droit suisse ne prévoit aucun paiement direct au bénéfice du sous-traitant. En outre, le maître d'œuvre avait, en contrepartie d'une ouverture de crédit, consenti une cession de ses créances nées du contrat principal à un groupement de banques, lequel prétendait donc entrer en concurrence avec le sous-traitant, et obtenir paiement des créances.

Le sous-traitant assigne alors toutes les parties devant les juridictions françaises, pour voir dire en application de l’article 13-1 de la loi française n° 75-1334 du 31 décembre 1975 sur la sous-traitance, qui limite la faculté pour le maître d’œuvre de céder des créances nées du contrat principal, que soient déclarées inopposables à son égard les cessions de créances au profit des banques. 

Les juges du fond avaient retenu que la loi de 1975 étant une « loi de protection du sous-traitant et de sauvegarde de l'organisation économique du pays », elle constituait une loi de police dont l'application est internationalement impérative, conformément à l’article 7 de la Convention de Rome.

La Cour de cassation avait censuré l'arrêt d'appel au motif que les juges d'appel n’avaient pas caractérisé « l'existence d'un lien de rattachement de l'opération avec la France », bien que la loi de 1975 soit une loi de police. Sur renvoi, les juges du fond suivent ce raisonnement et ne font pas application de la loi de 1975, condamnant alors le maître de l’ouvrage à payer, non pas le sous-traitant, mais, le groupement de banques. 

Le sous-traitant forme un second pourvoi. Il soutient que la localisation en France de l'établissement du maître d’œuvre et de celui des organismes auxquels il a cédé ses créances constitue un lieu de rattachement justifiant l'application de la loi de police de 1975.

Néanmoins, la Cour de cassation rejette le pourvoi considérant que la localisation en France du siège social du maître d’œuvre ne constitue pas un lien de rattachement suffisant de l’opération avec la France pour permettre l’application de la loi française de 1975 et qu’en l’absence de tout critère de rattachement à la France qui soit en lien avec l’objectif poursuivi (la protection du sous-traitant), tels que le lieu d’établissement du sous-traitant, le lieu d’exécution de la prestation, ou la destination finale des produits sous-traités, lesquels ne sont pas rattachés à la France mais à l’Italie, la condition du lien de rattachement à la France exigée pour faire une application immédiate de la loi de 1975, conformément à l’article 7 de la Convention de Rome, n’est pas remplie.

Ainsi, le sous-traitant ne peut pas bénéficier de la protection de la loi de 1975, l’application de cette loi nécessitant la réunion de critères de rattachement spécifiques, directement liés au sous-traitant.

Com. 20 avr. 2017, n° 15-16.922

 

Auteur :H. L.


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