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Droit de la responsabilité civile
Le droit à la compassion
Pour la juger déductible de l’indemnisation due par le FGTI, la cour d’appel doit préciser à quel titre la somme versée par l’employeur, dont l’intention libérale est alléguée, se trouvait tenu de verser la somme litigieuse à son salarié.
En mission au Niger pour son employeur, un salarié avait été victime d’un enlèvement et d’une séquestration perpétrés par un groupe terroriste. À sa libération, trois ans après, son employeur lui avait versé une somme de 200 000 euros. Le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions (FGTI), après avoir versé à la victime une première provision de 50 000 euros à valoir sur l’indemnisation de ses préjudices subis en tant qu’otage, lui avait annoncé le règlement d’une provision complémentaire de 500 000 euros, dont devait toutefois être déduite la somme de 200 000 euros versée par son employeur. Contestant cette décision, la victime avait assigné le FGTI.
En première instance, les juges avaient retenu que la somme versée par l’employeur à son salarié, faute de caractère indemnitaire, n’avait pas vocation à être déduite de l’indemnisation due par le FGTI à la victime. Le jugement fut infirmé en appel, les juges retenant que la somme versée par l’employeur, en sus de ses salaires et indemnités d’expatriation, constituait un « geste spontané » ayant pour objet de réparer les conséquences de la captivité pour la victime et sa famille. Ainsi, cette somme devait être déduite puisqu’elle avait été versée en réparation du dommage subi par la victime du fait de sa rétention survenue dans le cadre de son emploi salarié. La victime forma un pourvoi en cassation.
Avec succès. Confirmant l’analyse des premiers juges, la Cour de cassation casse cette décision. Au visa des articles L. 126-1, L. 422-1 et R. 422-8 du Code des assurances, la Haute juridiction énonce que, selon le dernier de ces textes, l’offre d’indemnisation des dommages résultant d’une atteinte à la personne faite à la victime d’un acte de terrorisme indique l’évaluation retenue par le Fonds pour chaque chef de préjudice et le montant des indemnités qui reviennent à la victime compte tenu des prestations énumérées à l’article 29 de la loi n°85-677 du 5 juillet 1985 et des indemnités de toute nature reçues ou à recevoir d’autres débiteurs du même chef de préjudice.
Or, en l’espèce, la cour d’appel qui n’a pas précisé à quel titre la société dont l’intention libérale était alléguée, se trouvait tenue de verser la somme litigieuse, n’a pas donné de base légale à sa décision.
Cette décision rappelle que dans le cadre de l'indemnisation des dommages subis par la victime d'un acte de terrorisme, seules sont déductibles de la réparation allouée par le fonds institué à cet effet les sommes versées par les personnes ou organismes également obligés à réparation, ce qui suppose que, pour être déductibles, ces sommes doivent avoir un caractère indemnitaire. Ces deux conditions sont cumulatives.
Dans cette affaire, le caractère indemnitaire de la somme versée par l’employeur n’était pas discutable, ce dernier ayant lui-même précisé par courrier que cette « indemnité compassionnelle spontanée » avait pour but de réparer les dommages inhérents à sa captivité. En revanche, l’obligation de réparation au titre de laquelle la somme aurait été due par l’employeur à son salarié n’avait pas été caractérisée, ce qui suffisait à justifier la cassation de la décision des juges du fond, qui ne pouvaient se contenter d’affirmer que la somme versée était indemnitaire. Le fait qu’elle fut versée à titre libéral, donc sans obligation préalable, l’empêchait d’être déductible. Cette restriction peut être notamment justifiée par la difficulté d’admettre de déduire des sommes obligatoirement versées des sommes librement allouées par une personne suivant des modalités indépendantes de celles de la réparation du préjudice selon le droit commun, sans certitude quant à leur caractère forfaitaire et à la conformité de leur montant, discrétionnairement fixé, aux barèmes prévus en cette matière en référence aux modalités de calcul des préjudices subis, qui doivent être appréciés poste par poste.
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