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Procédure pénale
Le droit à la preuve de l’auteur d’une contravention
Mots-clefs : Contraventions, Force probante, Preuve contraire par écrit ou par témoins, Droit à la preuve, Droit fondamental
Dès lors que la preuve contraire aux énonciations des procès-verbaux dressés en matière contraventionnelle ne peut être rapportée que par écrit ou par témoins, la demande d’audition d’un témoin du prévenu doit, malgré le lien d’amitié qui les unit, être accueillie.
Compte tenu de la force probante particulière attachée aux procès-verbaux dans les cas d'infractions routières, les moyens de défense sont généralement réduits à la contestation de la validité du procès-verbal constatant les faits. D'où la nécessité, pour le prévenu, de pouvoir faire respecter son droit d'obtenir, en vertu de l'article 6 de la Conv. EDH, la délivrance de la copie des pièces du dossier soumis à la juridiction devant laquelle il est appelé à comparaître (v. Crim. 12 juin 1996 ; Crim. 28 mars 2012).
Mais il est des précisions à apporter en fonction des infractions : en effet, la force probante des procès-verbaux est régie différemment selon qu'il s'agit de constater des délits ou des contraventions.
Concernant ces dernières, l'article 537 du Code de procédure pénale prévoit qu'elles doivent être prouvées « soit par procès-verbaux ou rapports, soit par témoins à défaut de rapports et procès-verbaux, ou à leur appui ». Sauf dans les cas où la loi en dispose autrement, les procès-verbaux ou rapports établis par les officiers et agents de police judiciaire et les agents de police judiciaire adjoints, ou les fonctionnaires ou agents chargés de certaines fonctions de police judiciaire auxquels la loi a attribué le pouvoir de constater les contraventions, font foi jusqu'à preuve contraire.
Le même article 537 du Code de procédure pénale impose que la preuve contraire ne puisse être rapportée que par écrit ou par témoins (Crim. 9 nov. 2005). Ainsi les juges du fond ne peuvent-ils pas prononcer la relaxe sans constater que la preuve contraire aux énonciations du procès-verbal a été rapportée par écrit ou par témoins, ni relever les éléments que le prévenu a apportés pour établir la preuve contraire à ces énonciations (Crim. 18 oct. 2000).
Limitant l’admissibilité des modes de preuve en matière conventionnelle, l’article 537 du Code de procédure pénale n’a cependant pas été jugé comme incompatible avec le principe de l'égalité des armes visé par l'article 6 de la Conv. EDH (Crim. 12 nov. 1997). Ce sont précisément ces deux textes qui se retrouvent, à nouveau, au cœur de la décision commentée.
En l’espèce, convoqué à l’audience d’une juridiction de proximité pour répondre de l’usage d’un téléphone portable alors qu’il conduisait son véhicule, le prévenu avait fait citer comme témoin un ami et passager du véhicule. Pour rejeter la demande d’audition, la juridiction de proximité avait alors énoncé que « la déclaration d’un éventuel témoin passager et ami du prévenu sera rejetée étant entendu le lien qui lie le conducteur à son passager ».
Au visa de l’article 6 § 3 de la Conv. EDH, selon lequel tout prévenu a le droit de faire entendre des témoins à décharge, et de l’article 537 précité, la chambre criminelle censure cette analyse au motif que la preuve contraire aux énonciations des procès-verbaux dressés en matière conventionnelle ne peut être rapportée que par écrit ou par témoins.
La cassation du jugement n’allait pourtant pas de soi. En effet, la chambre criminelle a plusieurs fois refusé de tenir compte de l’attestation écrite ou du témoignage émanant d'une personne impliquée de près dans la commission de l'infraction ou dont la proximité amicale ou familiale avec son auteur serait susceptible de priver l’audition d’objectivité (Crim. 7 févr. 2001).
Ainsi l'intime conviction des juges du fond fut-elle censurée lorsque ces derniers avaient accepté de tenir compte de l’attestation écrite établie par la passagère du véhicule du prévenu (Crim. 18 juin 2003) ou de la présentation à l’audience d’une attestation de la mère du prévenu expliquant que celui-ci n'avait pas commis d'infraction (Crim. 7 févr. 2001).
Cela étant, la Cour se montre parfois plus souple (v. notam. Crim. 1er oct. 2008), comme dans la décision rapportée qui, au nom du droit à la preuve reconnu à tout prévenu, censure le refus des premiers juges d’entendre un témoin au seul motif de sa proximité avec l’auteur de l’infraction.
La reconnaissance de ce droit subjectif à la preuve, de nature processuelle, donne un nouvel exemple de la « fondamentalisation » du droit, de cette vogue des « droits à » que soutient la Conv. EDH et notamment l’article 6 § 3 ici visé : « tout accusé a droit notamment à : (…) interroger ou faire interroger les témoins à charge et obtenir la convocation et l'interrogation des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge ». La prise en compte de ce nouveau droit fondamental (v. Civ. 1re, 5 avr. 2012) devait logiquement conduire, en l’espèce, à déclarer admissible le témoignage demandé compte tenu de la limitation des modes de preuve recevables telle qu’elle est prévue, en matière contraventionnelle, par le Code de procédure pénale.
Crim. 4 févr. 2014, n°13-81.135
Références
■ Crim. 12 juin 1996, n° 96-80.219.
■ Crim. 28 mars 2012, n° 11-83.733.
■ Crim. 9 nov. 2005, n° 05-83.651.
■ Crim. 12 nov. 1997, n°96-84.325.
■ Crim. 7 févr. 2001, n° 00-84.520.
■ Crim. 1er oct. 2008, n° 08-82.725
■ Civ. 1re, 5 avr. 2012, n°11-14.177.
■ Crim. 18 oct. 2000, n° 00-82.689.
■ Crim. 18 juin 2003, n° 03-80.262.
■ Article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme - Droit à un procès équitable
« 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. Le jugement doit être rendu publiquement, mais l’accès de la salle d’audience peut être interdit à la presse et au public pendant la totalité ou une partie du procès dans l’intérêt de la moralité, de l’ordre public ou de la sécurité nationale dans une société démocratique, lorsque les intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée des parties au procès l’exigent, ou dans la mesure jugée strictement nécessaire par le tribunal, lorsque dans des circonstances spéciales la publicité serait de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice.
2. Toute personne accusée d’une infraction est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie.
3. Tout accusé a droit notamment à :
a) être informé, dans le plus court délai, dans une langue qu’il comprend et d’une manière détaillée, de la nature et de la cause de l’accusation portée contre lui ;
b) disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense ;
10 11 c) se défendre lui-même ou avoir l’assistance d’un défenseur de son choix et, s’il n’a pas les moyens de rémunérer un défenseur, pouvoir être assisté gratuitement par un avocat d’office, lorsque les intérêts de la justice l’exigent ;
d) interroger ou faire interroger les témoins à charge et obtenir la convocation et l’interrogation des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge ;
e) se faire assister gratuitement d’un interprète, s’il ne comprend pas ou ne parle pas la langue employée à l’audience. »
■ Article 537 du Code de procédure pénale
« Les contraventions sont prouvées soit par procès-verbaux ou rapports, soit par témoins à défaut de rapports et procès-verbaux, ou à leur appui.
Sauf dans les cas où la loi en dispose autrement, les procès-verbaux ou rapports établis par les officiers et agents de police judiciaire et les agents de police judiciaire adjoints, ou les fonctionnaires ou agents chargés de certaines fonctions de police judiciaire auxquels la loi a attribué le pouvoir de constater les contraventions, font foi jusqu'à preuve contraire.
La preuve contraire ne peut être rapportée que par écrit ou par témoins. »
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