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Procédure civile
Le droit au procès équitable vaut également en matière disciplinaire
Mots-clefs : Procédure civile, Action disciplinaire, Avocat, Droit au procès équitable, Droit d’être entendu, Moment de l’audition, Ordre des auditions
L’exigence d’un procès équitable implique qu’en matière disciplinaire la personne poursuivie ou son avocat soit entendu à l’audience, puisse avoir la parole en dernier et que mention en soit faite dans la décision.
En matière disciplinaire, l'application des principes liés au droit à un procès équitable ne va pas de soi. En témoigne la décision rapportée, venant rappeler les modalités d’articulation de ce droit fondamental avec la procédure, spécifique, de l’action disciplinaire.
Rappelons, tout d’abord, qu’à l’origine cette procédure était exposée aux articles 187 à 189 du décret n° 91-1197 du 17 novembre 1991. Elle fut ensuite jugée, du moins sur certains points, non conforme au procès équitable au sens de l'article 6 §1er de la Convention européenne des droits de l’homme (Civ. 1re, 5 oct. 1999 ; Civ. 1re, 5 oct. 1999 ; Civ. 1re, 23 mai 2000), ce qui explique que la loi n° 2004-130 du 11 février 2004, et son décret d'application n° 2005-531 du 24 mai 2005, soient venus y remédier en séparant, pour renforcer l’équité du procès, les organes de poursuite, d'instruction et de jugement.
La loi et le décret ont également, et pour la première fois, conféré au bâtonnier de l’Ordre des avocats le droit de faire procéder ou de procéder lui-même à une enquête disciplinaire. Le conseil de discipline peut donc, depuis, être saisi soit par le procureur général, soit par le bâtonnier du barreau dont relève l'avocat mis en cause. C’est la raison pour laquelle dans l’espèce rapportée, la Cour souligne que l’avocat poursuivi le fut « à la requête du bâtonnier ». Organe de poursuite, le bâtonnier ne peut donc plus, ensuite, siéger au conseil de discipline qui connaîtra de l'affaire, ni même participer à l'instruction. Celle-ci est menée par un membre du conseil de l'Ordre dont relève l'avocat, ce dernier ne pouvant pas davantage siéger, par la suite, à la formation de jugement.
Pour l’équité de la procédure, l'instruction est contradictoire : l'avocat poursuivi doit être informé de son ouverture et appelé à toutes les mesures d'instruction. Et si aucun délai n'est imposé pour la convocation à un acte d'instruction, un délai raisonnable doit être laissé à l'intéressé pour le respect des droits de la défense (Civ. 1re, 24 avr. 1985).
Concernant l'acte de citation, celui-ci doit comporter, à peine de nullité, l'indication précise des faits à l'origine des poursuites ainsi que la référence aux dispositions législatives ou réglementaires précisant les obligations que l'avocat poursuivi aurait violées.
En l’espèce, il était reproché à l’avocat mis en cause d’avoir manqué à son devoir d’honneur et à son obligation de probité, d’une part par la mention sur un site Internet et du papier à lettres d’une certification périmée et, d’autre part, par l’indication sur du papier à lettres de la mention « et associés » après le nom de sa SCP alors qu’il exerçait seul.
Lors de l’audience, l'avocat poursuivi doit comparaître en personne, assisté, s’il le souhaite, d’un confrère et le bâtonnier, lorsqu’il a pris l'initiative de la poursuite, fait office de procureur.
Enfin, pour ce qui concerne l'ordre des interventions à l'audience, l'article 193 du décret précité, laconique, oblige simplement le président à donner la parole « au bâtonnier et au procureur général si ce dernier a pris l'initiative d'engager les poursuites disciplinaires », sans préciser le moment auquel doit intervenir cette prise de parole par rapport à celle de la défense. Dans le flou, et par emprunt aux règles applicables à la procédure civile, l'avocat, ou son défenseur, devrait être entendu avant le bâtonnier ou le procureur (Civ. 1re, 7 mars 1995).
Cependant, préférant s’inspirer des règles applicables au procès pénal, la jurisprudence a rapidement admis que l’avocat poursuivi puisse avoir le droit de demander, en vertu de l'article 6 § 1er de la Convention européenne des droits de l’homme, à être entendu le dernier (Civ. 1re, 9 juill. 1996). Cette solution ayant été réaffirmée, l'audition du bâtonnier ou du procureur doit désormais impérativement avoir lieu avant celle de la défense (Civ. 1re, 25 févr. 2010 ; Civ. 1re, 16 mai 2012). Autrement dit, l'avocat poursuivi doit avoir la parole le dernier (Civ. 1re, 16 mai 2012, préc. : « l'exigence d'un procès équitable implique qu'en matière disciplinaire la personne poursuivie ou son avocat soit entendue à l'audience et puisse avoir la parole en dernier, et que mention en soit faite dans la décision » ).
Par les mêmes termes, la Cour procède ici au rappel de cette règle de l’ordre des auditions selon laquelle l'avocat poursuivi dans le cadre d’une action disciplinaire doit être le dernier entendu.
Précisons, néanmoins, que la règle n’est pas absolue puisqu’elle fut récemment jugée inapplicable « au jugement des contestations relatives à la désignation du rapporteur » (Civ. 1re, 12 juin 2012).
Civ. 1re, 10 juill. 2014, n°13-20.638
Références
■ Article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme - Droit à un procès équitable
« 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. Le jugement doit être rendu publiquement, mais l’accès de la salle d’audience peut être interdit à la presse et au public pendant la totalité ou une partie du procès dans l’intérêt de la moralité, de l’ordre public ou de la sécurité nationale dans une société démocratique, lorsque les intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée des parties au procès l’exigent, ou dans la mesure jugée strictement nécessaire par le tribunal, lorsque dans des circonstances spéciales la publicité serait de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice.
2. Toute personne accusée d’une infraction est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie.
3. Tout accusé a droit notamment à :
a) être informé, dans le plus court délai, dans une langue qu’il comprend et d’une manière détaillée, de la nature et de la cause de l’accusation portée contre lui ;
b) disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense ;
c) se défendre lui-même ou avoir l’assistance d’un défenseur de son choix et, s’il n’a pas les moyens de rémunérer un défenseur, pouvoir être assisté gratuitement par un avocat d’office, lorsque les intérêts de la justice l’exigent ;
d) interroger ou faire interroger les témoins à charge et obtenir la convocation et l’interrogation des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge ;
e) se faire assister gratuitement d’un interprète, s’il ne comprend pas ou ne parle pas la langue employée à l’audience. »
■ Article 193 du décret n° 91-1197 du 17 novembre 1991
« L'audience se tient dans la commune où siège la cour d'appel. L'avocat poursuivi comparaît en personne. Il peut se faire assister par un avocat.
La formation restreinte ne peut renvoyer l'examen de l'affaire à la formation plénière de l'instance disciplinaire qu'après audition de l'avocat qui comparaît.
Le président donne la parole au bâtonnier et au procureur général si ce dernier a pris l'initiative d'engager l'action disciplinaire. »
■ Civ. 1re, 5 oct. 1999, n° 96-19.291.
■ Civ. 1re, 5 oct. 1999, n°97-15.277.
■ Civ. 1re, 23 mai 2000, n° 97-19.169.
■ Civ. 1re, 24 avr. 1985 ; Gaz. Pal. 1985, 2, pan. jurispr. 295, obs. S. Guinchard et T. Moussa.
■ Civ. 1re, 7 mars 1995, n° 92-21.519.
■ Civ. 1re, 9 juill. 1996, n° 95-20.876.
■ Civ. 1re, 25 févr. 2010, n° 09-11.180.
■ Civ. 1re, 16 mai 2012, n° 11-17.683.
■ Civ. 1re, 12 juin 2012, n° 11-16.408.
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