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Droit des personnes
Le droit du surendettement l’emporte sur le droit des majeurs protégés
Mots-clefs : Surendettement, Majeur protégé, Redressement, Mesures, Conditions
Dès lors qu’elle vise à redresser sa situation, la vente du logement du majeur protégé et endetté est une mesure susceptible d’être homologuée par les juges du fond qui doivent, dans leur arrêt, déterminer la part des ressources nécessaires aux dépenses courantes en application de l’article L. 332-3 du Code de la consommation.
Rares sont les décisions mettant en relation le droit du surendettement et le droit des majeurs protégés. C’est tout l’intérêt de la décision rapportée, d’où ressort le principe selon lequel le majeur protégé et surendetté ne bénéficie pas d’un régime de faveur dans le cadre de la procédure de surendettement.
Dans cette affaire, une personne majeure, placée en curatelle en raison d’un trouble mental important, avait saisi une commission de surendettement qui lui avait alors recommandé un plan de mesures propres à redresser sa situation. La curatélaire fut notamment invitée, dans un délai de 12 mois, à verser des mensualités à sa banque pour rembourser le prêt qu’elle lui avait consenti, à vendre son logement et à liquider la totalité de son portefeuille. Refusant de quitter son domicile, la débitrice, assistée de son curateur (C. civ., art. 468, al. 3), avait alors saisi le juge de l’exécution aux fins d’obtenir l’annulation des mesures recommandées par la commission. Elle invoquait notamment la possibilité de conserver son logement en contrepartie des mensualités versées à sa banque. Le juge de l’exécution, comme la cour d’appel ensuite saisie, ont déclaré son recours infondé : constatant que la curatélaire possédait un patrimoine correspondant aux 2/3 de sa dette globale, les juges approuvent les recommandations de la commission, la vente du bien immobilier couplée à celle du portefeuille étant susceptibles de régler les 2/3 de son passif. Un pourvoi en cassation fut enfin formé. Le moyen unique reposait, dans sa première branche, sur le risque d’aggravation de l’état de surendettement de l’incapable que la vente de son logement ferait naître si cette mesure, déstabilisante, devait être définitivement homologuée ; dans sa seconde branche, le moyen reprochait à la cour d’appel de ne pas avoir déterminé, comme la loi le prévoit, la part des ressources nécessaires aux dépenses courantes de la demanderesse.
Dans sa décision, la Cour de cassation commence par s’en remettre à l’appréciation souveraine des juges du fond pour juger le moyen, en sa première branche, infondé : « (…) la cour d’appel, relevant que la vente du bien immobilier de Mme X et la liquidation de ses comptes d’épargne lui permettraient de régler les deux tiers de son passif, a statué comme elle l’a fait ». Sur ce point, pourtant, le rejet du pourvoi était loin d’être prévisible. En effet, le logement du majeur protégé bénéficie d’une protection renforcée. Point d’attache essentiel, le maintien du majeur protégé dans son cadre de vie habituel est une priorité légalement consacrée (C. civ., art. 426), d’où la condition, pour le vendre, de l’autorisation du juge ou du conseil de famille (C. civ., art. 426, al. 3). Cette importance donnée au logement pour l’équilibre, psychologique comme financier, du majeur protégé aurait donc pu justifier l’annulation de la recommandation de la commission. Mais la Cour de cassation s’y est opposée, l’intérêt du majeur vulnérable cédant devant celui des créanciers. Par conséquent, une commission de surendettement, autorisée par la loi à subordonner les mesures de redressement à l’accomplissement par le débiteur d’actes propres à faciliter ou à garantir le paiement de sa dette (C. consom., art. L. 331-7-2), peut, à ce titre, décider de la vente du logement de l’incapable.
Confirmant ainsi la décision d’homologation du premier juge, celle des juges du fond sera néanmoins censurée, sur un autre fondement : tout comme la commission, le juge du fond doit déterminer la part des ressources nécessaires aux dépenses courantes du débiteur et la faire apparaître dans sa décision (v. Civ. 2e, 14 mai 2009). En effet, si cette évaluation est mentionnée dans le plan conventionnel de redressement prévu à l’article L. 331-6 du Code de la consommation et dans les mesures prévues aux articles L. 331-7 et L. 331-7-1 du même code, elle doit l’être également dans les décisions du juge saisi d’une contestation (C. consom., art. L. 332-3) dès lors que ce dernier se retrouve saisi de l’entier dossier et qu’il peut, à ce titre, ordonner toutes les mesures légales. Cette prévision permet au débiteur comme au créancier de mesurer le bien-fondé des calculs opérés. En aucun cas, le juge ne saurait conférer force exécutoire aux mesures recommandées par une commission en se bornant à faire état du patrimoine du débiteur, de ses revenus et du montant de son endettement. Sur ce point, la censure des juges du fond était parfaitement prévisible.
Civ. 1re, 21 mars 2013, n°11-25.462
Références
■ Civ. 2e, 14 mai 2009, n° 07-11.842, D. 2009. AJ 1533, obs.V. Avena-Robardet.
■ Code civil
« Le logement de la personne protégée et les meubles dont il est garni, qu'il s'agisse d'une résidence principale ou secondaire, sont conservés à la disposition de celle-ci aussi longtemps qu'il est possible.
Le pouvoir d'administrer les biens mentionnés au premier alinéa ne permet que des conventions de jouissance précaire qui cessent, malgré toutes dispositions ou stipulations contraires, dès le retour de la personne protégée dans son logement.
S'il devient nécessaire ou s'il est de l'intérêt de la personne protégée qu'il soit disposé des droits relatifs à son logement ou à son mobilier par l'aliénation, la résiliation ou la conclusion d'un bail, l'acte est autorisé par le juge ou par le conseil de famille s'il a été constitué, sans préjudice des formalités que peut requérir la nature des biens. L'avis préalable d'un médecin inscrit sur la liste prévue à l'article 431 est requis si l'acte a pour finalité l'accueil de l'intéressé dans un établissement. Dans tous les cas, les souvenirs, les objets à caractère personnel, ceux indispensables aux personnes handicapées ou destinés aux soins des personnes malades sont gardés à la disposition de l'intéressé, le cas échéant par les soins de l'établissement dans lequel celui-ci est hébergé. »
« Les capitaux revenant à la personne en curatelle sont versés directement sur un compte ouvert à son seul nom et mentionnant son régime de protection, auprès d'un établissement habilité à recevoir des fonds du public.
La personne en curatelle ne peut, sans l'assistance du curateur conclure un contrat de fiducie ni faire emploi de ses capitaux.
Cette assistance est également requise pour introduire une action en justice ou y défendre. »
■ Code de la consommation
« La commission a pour mission de concilier les parties en vue de l'élaboration d'un plan conventionnel de redressement approuvé par le débiteur et ses principaux créanciers.
Le plan peut comporter des mesures de report ou de rééchelonnement des paiements des dettes, de remise des dettes, de réduction ou de suppression du taux d'intérêt, de consolidation, de création ou de substitution de garantie.
Le plan peut subordonner ces mesures à l'accomplissement par le débiteur d'actes propres à faciliter ou à garantir le paiement de la dette. Il peut également les subordonner à l'abstention par le débiteur d'actes qui aggraveraient son insolvabilité.
Le plan prévoit les modalités de son exécution. Sa durée totale, y compris lorsqu'il fait l'objet d'une révision ou d'un renouvellement, ne peut excéder huit années. Les mesures du plan peuvent excéder ces délais lorsqu'elles concernent le remboursement de prêts contractés pour l'achat d'un bien immobilier constituant la résidence principale et dont le plan permet d'éviter la cession par le débiteur.
Les créances figurant dans l'état du passif définitivement arrêté par la commission ou le juge ne peuvent produire d'intérêts ou générer de pénalités de retard jusqu'à la mise en œuvre du plan. »
« En cas d'échec de sa mission de conciliation, la commission peut, à la demande du débiteur et après avoir mis les parties en mesure de fournir leurs observations, imposer tout ou partie des mesures suivantes :
1° Rééchelonner le paiement des dettes de toute nature, y compris, le cas échéant, en différant le paiement d'une partie d'entre elles, sans que le délai de report ou de rééchelonnement puisse excéder huit ans ou la moitié de la durée de remboursement restant à courir des emprunts en cours ; en cas de déchéance du terme, le délai de report ou de rééchelonnement peut atteindre la moitié de la durée qui restait à courir avant la déchéance ;
2° Imputer les paiements, d'abord sur le capital ;
3° Prescrire que les sommes correspondant aux échéances reportées ou rééchelonnées porteront intérêt à un taux réduit qui peut être inférieur au taux de l'intérêt légal sur décision spéciale et motivée et si la situation du débiteur l'exige. Quelle que soit la durée du plan de redressement, le taux ne peut être supérieur au taux légal.
4° Suspendre l'exigibilité des créances autres qu'alimentaires pour une durée qui ne peut excéder deux ans. Sauf décision contraire de la commission, la suspension de la créance entraîne la suspension du paiement des intérêts dus à ce titre. Durant cette période, seules les sommes dues au titre du capital peuvent être productives d'intérêts dont le taux n'excède pas le taux de l'intérêt légal.
La commission réexamine, à l'issue de la période de suspension, la situation du débiteur. En fonction de celle-ci, la commission peut imposer ou recommander tout ou partie des mesures prévues au présent article et par les articles L. 331-7-1 et L. 331-7-2, à l'exception d'une nouvelle suspension. Elle peut, le cas échéant, recommander un rétablissement personnel sans liquidation judiciaire ou saisir le juge aux fins d'ouverture d'une procédure de rétablissement personnel avec liquidation judiciaire.
Pour l'application du présent article, la commission prend en compte la connaissance que pouvait avoir chacun des créanciers, lors de la conclusion des différents contrats, de la situation d'endettement du débiteur. Elle peut également vérifier que le contrat a été consenti avec le sérieux qu'imposent les usages professionnels.
La durée totale des mesures ne peut excéder huit années. Elles peuvent cependant excéder ce délai lorsqu'elles concernent le remboursement de prêts contractés lors d'achat d'un bien immobilier constituant la résidence principale et dont les mesures de la commission permettent d'éviter la cession. Les dettes fiscales font l'objet d'un rééchelonnement dans les mêmes conditions que les autres dettes.
La demande du débiteur formée en application du premier alinéa interrompt la prescription et les délais pour agir.
En l'absence de contestation par l'une des parties dans les conditions prévues à l'article L. 332-2, les mesures mentionnées au présent article s'imposent aux parties, à l'exception des créanciers dont l'existence n'aurait pas été signalée par le débiteur et qui n'en auraient pas été avisés par la commission. Lorsque les mesures prévues par le présent article sont combinées avec tout ou partie de celles prévues par les articles L. 331-7-1 et L. 331-7-2, l'ensemble de ces mesures n'est exécutoire qu'à compter de l'homologation de ces dernières par le juge.
Les créances figurant dans l'état du passif définitivement arrêté par la commission ou le juge ne peuvent produire d'intérêts ou générer de pénalités de retard jusqu'à ce que les mesures prévues au présent article soient opposables au créancier. »
« La commission peut recommander, par proposition spéciale et motivée, les mesures suivantes :
1° En cas de vente forcée du logement principal du débiteur, grevé d'une inscription bénéficiant à un établissement de crédit ayant fourni les sommes nécessaires à son acquisition, la réduction du montant de la fraction des prêts immobiliers restant due aux établissements de crédit après la vente, après imputation du prix de vente sur le capital restant dû, dans des proportions telles que son paiement, assorti d'un rééchelonnement calculé conformément au 1° de l'article L. 331-7, soit compatible avec les ressources et les charges du débiteur.
La même mesure est applicable en cas de vente amiable dont le principe, destiné à éviter une saisie immobilière, et les modalités ont été arrêtés d'un commun accord entre le débiteur et l'établissement de crédit.
Le bénéfice de ces dispositions ne peut être invoqué plus de deux mois après sommation faite au débiteur d'avoir à payer le montant de la fraction des prêts immobiliers restant due, à moins que, dans ce délai, la commission n'ait été saisie par ce même débiteur. À peine de nullité, la sommation de payer reproduit les dispositions du présent alinéa.
Ces mesures peuvent se combiner avec celles prévues à l'article L. 331-7 ;
2° L'effacement partiel des créances combiné avec les mesures mentionnées à l'article L. 331-7. Celles de ces créances dont le prix a été payé au lieu et place du débiteur par la caution ou le coobligé, personnes physiques, ne peuvent faire l'objet d'un effacement. Les dettes fiscales font l'objet de remises totales ou partielles dans les mêmes conditions que les autres dettes.
Les créances figurant dans l'état du passif définitivement arrêté par la commission ou le juge ne peuvent produire d'intérêts ou générer de pénalités de retard jusqu'à ce que les mesures prévues au présent article soient opposables au créancier. »
« La commission peut recommander que les mesures prévues aux articles L. 331-7 et L. 331-7-1 soient subordonnées à l'accomplissement par le débiteur d'actes propres à faciliter ou à garantir le paiement de la dette. »
« Le juge saisi de la contestation prévue à l'article L. 332-2 prend tout ou partie des mesures définies aux articles L. 331-7, L. 331-7-1 et L. 331-7-2. Dans tous les cas, la part des ressources nécessaires aux dépenses courantes du ménage est déterminée comme il est dit au deuxième alinéa de l'article L. 331-2. Elle est mentionnée dans la décision. »
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