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Droit bancaire - droit du crédit
Le formalisme protecteur du droit de la consommation profite à l’avaliste devenu caution
Mots-clefs : Garanties bancaires, Billet à ordre, Aval, Caution, Requalification, Personne physique, Formalisme protecteur, Droit de la consommation
L'aval porté sur un billet à ordre irrégulier peut constituer un cautionnement et encourt, en tant que tel, la nullité s’il ne répond pas aux prescriptions du Code de la consommation.
Décision logique au regard des textes en vigueur que celle que vient de prononcer la chambre commerciale de la Cour de cassation le 5 juin 2012. Les faits sont simples : une société a souscrit un billet à l’ordre de sa banque créancière, mais sans indication du bénéficiaire, comme l’impose l’article L. 512-1 du Code de commerce, et le dirigeant a avalisé le billet pour en garantir le remboursement à l’échéance en apposant la mention « bon pour aval à titre personnel en faveur de la société ». La société ayant été mise en redressement puis en liquidation judiciaire, la banque a déclaré sa créance et mis en demeure l'avaliste d'honorer son engagement. Pour condamner l’avaliste à paiement, la cour d’appel, après avoir énoncé que le billet à ordre n'étant par régulier, en déduit que l’aval ne peut l'être davantage mais qu'il dégénrère en cautionnement ; par conséquent, la banque demeure fondée à s'adresser à l'avaliste, considéré comme caution. L’arrêt est cassé pour violation des dispositions régissant la validité d’un cautionnement donné par une personne physique au profit d’un créancier professionnel, en l’espèce les articles L. 341-2 et L. 341-3 du Code de la consommation. Ces deux articles indiquent les mentions précises devant émaner de la caution pour démontrer sa volonté de s’engager et ainsi justifier la validité de son engagement. Force était de constater, en l’espèce, que la mention manuscrite ne répondait pas aux exigences légales. Le cautionnement est donc jugé nul.
La solution n’est pas nouvelle en soi (v. à propos d’une lettre de change, Com. 24 avr.1990) et soutenue par la jurisprudence, désormais bien connue, relative à l’aval donné par acte séparé ; la banque bénéficiaire d’un aval par acte séparé doit veiller, notamment, à ce que le montant et l’échéance des effets avalisés soient mentionnés et que la date et le lieu de création de l’acte soient clairement indiqués ; à défaut, l’engagement pris ne vaut pas comme aval mais comme un cautionnement et il convient alors de rechercher si le donneur de l’aval a entendu cautionner l’obligation contractée par le souscripteur du billet à ordre, ce qui suppose le respect du formalisme légalement prévu pour ne laisser aucun doute quant à la connaissance, par le signataire, de l’étendue de son engagement. C’est la raison pour laquelle la cour d’appel, constatant que l’aval s’était mû en cautionnement, aurait dû sanctionner le non-respect des articles précités du Code de la consommation par le prononcé de la nullité de la garantie du chef d’entreprise. En réalité, sans ignorer les dispositions du Code de la consommation, la cour d’appel niait leur application en soulignant curieusement que la circonstance que le bénéficiaire non désigné dans le billet à ordre soit un établissement bancaire et non toute autre personne physique ou morale qui soit porteur de ce billet n’en fait pas pour autant un créancier professionnel dont les droits et obligations sont régis par les articles L. 341-2 et L. 341-3 du Code de la consommation. Une telle appréciation était vouée à la censure puisque comme l’exprimait la Cour de cassation dans un arrêt du 10 janvier 2012 : « est un créancier professionnel celui dont la créance est née dans l’exercice de sa profession ou se trouve en rapport direct avec l’une de ses activités professionnelles » (Com. 10 janv. 2012). Difficile alors de nier que la banque qui escompte un effet de commerce agit dans le cadre de son activité professionnelle !
Par ailleurs, le signataire de l’aval contesté s’était engagé à titre personnel et l’avait précisé. À ce propos, remarquons qu’il n’est pas rare, lorsqu’une société souscrite sous la signature de son dirigeant des effets comportant une mention d’aval, que ce dernier refuse d’honorer son engagement en soutenant que sa signature ne l’engage pas à titre personnel. Cette prétention ne peut être valablement soutenue, une même personne ne pouvant avoir la même qualité de souscripteur de l’effet de commerce et de donneur d’aval pour celui-ci (Com. 7 avr. 1987). Dès lors, il est clair que lorsque sur un effet apparaît la signature du dirigeant de la société souscriptrice une première fois en qualité de mandataire de cette dernière, la seconde en qualité d’aval, la banque est fondée à poursuivre ce dirigeant en sa qualité d’avaliste, à titre personnel.
La Cour de cassation vient donc parfois, heureusement, au secours des banquiers qui ont manifestement du mal à avaler les couleuvres de certains de leurs clients avalistes.
Com. 5 juin 2012, n°11-19.627
Références
[Droit commercial]
« Garantie donnée sur un effet de commerce par une personne appelée “ donneur d’aval ” ou “ avaliste ” ou “ avaliseur ”, qui s’engage à payer tout ou partie de son montant à l’échéance, si le ou les signataires pour lesquels l’aval a été donné, appelés les “ avalisés ”, ne le font pas. »
[Droit commercial]
« Titre négociable par lequel une personne, le souscripteur, s’engage à payer à une époque déterminée une somme d’argent à un bénéficiaire ou à son ordre. Ce titre n’est pas commercial par la forme, à la différence de la lettre de change. »
[Droit commercial]
« Titre négociable qui constate l’existence, au profit du porteur, d’une créance à court terme de somme d’argent et qui sert à son paiement.
On distingue : la lettre de change ou traite, le billey à ordre, le chèque et le warrant. »
[Droit commercial]
Titre par lequel une personne, appelée tireur, donne l’ordre à l’un de ses débiteurs, appelé tiré, de payer une certaine somme, à une certaine date, à une troisième personne appelée bénéficiaire ou porteur, ou à son ordre. La lettre de change ou traite, est un acte de commerce par la forme.
Source : Lexique des termes juridiques 2012, 19e éd., Dalloz, 2011.
■ Article L. 512-1 du Code de commerce
« I. - Le billet à ordre contient ;
1° La clause à ordre ou la dénomination du titre insérée dans le texte même et exprimée dans la langue employée pour la rédaction de ce titre ;
2° La promesse pure et simple de payer une somme déterminée ;
3° L'indication de l'échéance ;
4° Celle du lieu où le paiement doit s'effectuer ;
5° Le nom de celui auquel ou à l'ordre duquel le paiement doit être fait ;
6° L'indication de la date et du lieu où le billet est souscrit ;
7° La signature de celui qui émet le titre dénommé souscripteur.
II. - Le billet à ordre dont l'échéance n'est pas indiquée est considéré comme payable à vue.
III. - A défaut d'indication spéciale le lieu de création du titre est réputé être le lieu de paiement et, en même temps, le lieu du domicile du souscripteur.
IV. - Le billet à ordre n'indiquant pas le lieu de sa création est considéré comme souscrit dans le lieu désigné à côté du nom du souscripteur. »
■ Code de la consommation
« Toute personne physique qui s'engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante, et uniquement de celle-ci : "En me portant caution de X..., dans la limite de la somme de ... couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de ..., je m'engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X... n'y satisfait pas lui-même." »
« Lorsque le créancier professionnel demande un cautionnement solidaire, la personne physique qui se porte caution doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante : "En renonçant au bénéfice de discussion défini à l'article 2298 du code civil et en m'obligeant solidairement avec X..., je m'engage à rembourser le créancier sans pouvoir exiger qu'il poursuive préalablement X...". »
■ Com. 24 avr.1990, Bull. civ. IV, n° 119.
■ Com. 10 janv. 2012, n°10-26.630, RTD com. 2012. 177, obs. Legeais.
■ Com. 7 avr. 1987, Bull. civ., IV, n°89.
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