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Le jeu des restitutions dans la vente : un régime enfin harmonisé
Mots-clefs : Vente, Restitutions après anéantissement, Résolution de droit commun, Défaut de conformité, Garantie des vices cachés, Indemnité d'utilisation (non), Indemnité de dépréciation (non)
Une fois la résolution d’une vente prononcée, le prix doit être restitué sans diminution liée à l’utilisation de la chose vendue ou à l’usure en résultant.
À l'initiative de la première chambre civile, la Cour de cassation affirme depuis plusieurs années, sur le fondement de l'article 1184 et/ou de l'article 1234 du Code civil « qu'en raison de l'effet rétroactif de la résolution de la vente, le vendeur n'est pas fondé à obtenir une indemnité correspondant à la seule utilisation de la chose [ou à la seule occupation de l'immeuble] par l'acquéreur » (v. not., Civ. 1re, 11 mars 2003 ; Com. 30 oct. 2007 ; Civ. 3e, 19 déc. 2007).
La formule semblait bien réserver la possibilité, pour le vendeur, d'obtenir une indemnité lorsque l'utilisation, par l'acquéreur, du bien vendu, avait entraîné une dépréciation de celui-ci. Par plusieurs arrêts rendus le même jour, la première chambre civile confirma cette possibilité en matière de résolution pour défaut de conformité (Civ. 1re, 21 mars 2006), mais la refusa sur le terrain de l'action rédhibitoire pour vice caché en affirmant que « le vendeur, tenu de restituer le prix qu'il a reçu, n'est pas fondé à obtenir une indemnité liée à l'utilisation de la chose vendue ou à l'usure résultant de cette utilisation » (Civ. 1re, 21 mars 2006) ce que, plus tard, confirma la chambre commerciale (Com. 22 mai 2012).
Or la spécificité des effets de l'action rédhibitoire par rapport à l'action résolutoire de droit commun n’allait pas de soi. En effet, comme la résolution, dont elle constitue une déclinaison (v. en ce sens, not. F. Collart-Dutilleul et Ph. Delebecque), la rédhibition entraîne l'anéantissement rétroactif de la vente, lequel exclut logiquement toute indemnité, d’utilisation ou de dépréciation, puisque la chose objet de la vente étant censée n’avoir jamais existé, elle est tout également censée n’avoir jamais été usée.
On avait bien tenté de justifier la différence de solution.
Tout d’abord par le silence du Code civil qui, nonobstant la précision des textes relatifs aux effets attachés à la garantie des vices cachés (C. civ., art. 1644 à 1646), ne fait à aucun moment peser sur l'acheteur, lorsqu'il choisit de rendre la chose moyennant la restitution du prix (C. civ., art. 1644), l'obligation d'indemniser le vendeur de l'usure.
Ensuite, par la cause, différente, de l'anéantissement du contrat avait également été avancée pour expliquer que si dans la garantie des vices cachés, qui suppose un défaut de la chose la rendant impropre à l'usage auquel elle est destinée (C. civ., art. 1641), le fait que l'utilisation de cette chose l'ait éventuellement usée n’importe pas puisqu'elle est de toute façon viciée et impropre à son usage ; au contraire, dans le cas d’une résolution pour défaut de conformité, la chose, certes différente de celle voulue par l'acheteur, peut parfaitement convenir à un autre acquéreur. Partant, si l'acheteur l'a dépréciée en l'utilisant, il est juste qu'il lui en soit tenu compte, en vertu du principe de restitution intégrale qui impose de rendre, en nature ou par équivalent, exactement ce qui a été reçu (v. en ce sens, Th. Genicon).
Cela étant, les fondements de la distinction ne devraient plus, désormais, avoir à être recherchés puisque par la décision rapportée, la première chambre civile semble avoir renoncé au principe même de celle-ci.
En l’espèce, à la suite d’une panne de son véhicule, un acquéreur avait assigné le vendeur en résolution de la vente et en restitution du prix sur le fondement de la garantie des vices cachés. Sa demande ayant, en appel, été accueillie, le vendeur forma un pourvoi en cassation pour soutenir que l’action rédhibitoire de l’acquéreur avait pour effet de l’obliger à compenser la dépréciation liée à l’usure.
S'il ne faisait pas de doute que le vendeur devait, par principe, restituer le prix et l'acquéreur la chose, la question de savoir si l'utilisation de celle-ci devait être prise en compte se trouvait alors posée à la Haute cour, qui y répond par la négative en jugeant que, par l’effet de la résolution, le vendeur était tenu de restituer le prix qu’il avait reçu sans que celui-ci dût être diminué en considération de l’utilisation de chose ou de l’usure en résultant.
La généralité des termes employés par la Cour, qui abandonne le distinguo établi dans ses arrêts précédents, laisse entendre que sa solution s’applique, de façon générale, à toute action en résolution, et non plus seulement en matière de garantie des vices cachés. Il se pourrait donc bien que par la décision rapportée, le droit commun de la résolution ressorte renforcé de cette unité nouvelle souhaitable pour tout corpus de règles ayant vocation à la généralité.
Civ. 1re, 19 févr. 2014, n°12-15.520
Références
■ Civ. 1re, 11 mars 2003, n° 01-01.673, RTD civ. 2003. 501, note J. Mestre et B. Fages.
■ Com. 30 oct. 2007, n° 05-17.882.
■ Civ. 3e, 19 déc. 2007, n° 07-12.824, RDI 2008. 551, obs. O. Tournafond.
■ Civ. 1re, 21 mars 2006, n° 02-19.236.
■ Civ. 1re, 21 mars 2006, n° 03-16.307 et n° 03-16.075, D. 2006. 1869, obs. C. Montford.
■ Com. 22 mai 2012, n° 11-13.086.
■ Code civil
« La condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l'une des deux parties ne satisfera point à son engagement.
Dans ce cas, le contrat n'est point résolu de plein droit. La partie envers laquelle l'engagement n'a point été exécuté, a le choix ou de forcer l'autre à l'exécution de la convention lorsqu'elle est possible, ou d'en demander la résolution avec dommages et intérêts.
La résolution doit être demandée en justice, et il peut être accordé au défendeur un délai selon les circonstances. »
« Les obligations s'éteignent :
Par le paiement,
Par la novation,
Par la remise volontaire,
Par la compensation,
Par la confusion,
Par la perte de la chose,
Par la nullité ou la rescision,
Par l'effet de la condition résolutoire, qui a été expliquée au chapitre précédent,
Et par la prescription, qui fera l'objet d'un titre particulier. »
« Le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus. »
« Dans le cas des articles 1641 et 1643, l'acheteur a le choix de rendre la chose et de se faire restituer le prix, ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix, telle qu'elle sera arbitrée par experts. »
Article 1645
« Si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu, outre la restitution du prix qu'il en a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l'acheteur. »
Article 1646
« Si le vendeur ignorait les vices de la chose, il ne sera tenu qu'à la restitution du prix, et à rembourser à l'acquéreur les frais occasionnés par la vente. »
■ F. Collart-Dutilleul et Ph. Delebecque, Contrats civils et commerciaux, 9e éd., n° 286 s.
■ Th. Genicon, La résolution du contrat pour inexécution, thèse Paris II, 2006, n° 949.
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