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Droit administratif général
Le juge du référé « mesures utiles » peut-il ordonner à l’administration de prendre des mesures réglementaires ?
Mots-clefs : Mesure d’urgence, Référé « mesure utile », Acte réglementaire, Prison, Pouvoir d’injonction
La décision du 27 mars 2015 permet au Conseil d’État de préciser la notion de référé « mesures utiles » et d’écarter la possibilité pour le juge du référé d’ordonner à l’administration de prendre des mesures réglementaires.
La section française de l’Observatoire international des prisons (SFOIP) avait demandé au juge des référés du tribunal administratif de Basse-Terre, sur le fondement de l’article L. 521-3 du Code de justice administrative, d’enjoindre à l’administration pénitentiaire de mettre en place un comité consultatif des personnes détenues ou un cahier de doléances au sein de la prison de Baie-Mahault. À la suite du rejet de sa demande, la SFOIP a formé un pourvoi en cassation contre l’ordonnance du juge des référés. La décision rendue le 27 mars 2015 par le Conseil d’État conclut au rejet du pourvoi.
Cette décision est importante car elle permet au Conseil d’État de préciser la notion de référé « mesures utiles ».
Dans un premier temps, le Conseil d’État devait se prononcer sur la question de savoir quelles étaient, de manière générale, les « mesures utiles » susceptibles d’être ordonnées en application de l’article L. 521-3 du Code de justice administrative ?
Selon les juges du Palais Royal, il doit s’agir de « toutes mesures, autres que celles régies par les articles L. 521-1 [référé “ suspension ”] et L. 521-2 [référé “ liberté ”] du Code de justice administrative, notamment sous forme d'injonctions adressées tant à des personnes privées que, le cas échéant, à l'administration, à condition que ces mesures soient utiles et ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ».
Ainsi, par exemple, une administration peut recourir au référé de l'article L. 521-3 afin que soit ordonné à des occupants sans titre du domaine public d'évacuer une dépendance domaniale indûment occupée (CE 25 janv. 2006, Cne de la Souche c/ C.). Ou encore, une administration peut également demander qu’il soit donné force exécutoire à une décision administrative qui en serait dépourvue (CE 10 mars 2005, Fonds de garantie des dépôts). Par ailleurs, un administré peut recourir au référé « mesures utiles » pour que lui soient communiqués des documents administratifs (CE 29 avr. 2002, Sté Baggerbedrijf de Boer), afin de demander qu’il soit enjoint à une commune de réaliser des travaux d'urgence sur un immeuble menaçant ruine (CE 8 mars 2010, D.). Enfin, les injonctions prononcées par le juge des référés peuvent être assorties d'astreintes (CE 6 avr. 2001, Min. éducation nationale c/ C. D et M.).
Dans un second temps, il était demandé au Conseil d’État de préciser si un acte réglementaire pouvait être ordonné au nombre de ces « mesures utiles ». Celui-ci considère « qu’eu égard à son objet et aux pouvoirs que le juge des référés tient des articles L. 521-1 et L. 521-2 du Code de justice administrative, une demande tendant à ce qu'il soit ordonné à l'autorité compétente de prendre des mesures réglementaires, y compris d'organisation des services placés sous son autorité, n'est pas au nombre de celles qui peuvent être présentées au juge des référés sur le fondement de l'article L. 521-3 ».
Ainsi, les demandes de la SFOIP – en ce qu’il soit enjoint à l’administration pénitentiaire de mettre en place un comité consultatif des personnes détenues ou un cahier de doléances au sein de la prison de Baie-Mahault ou, encore, de prendre toutes autres mesures utiles d'organisation du service permettant une expression collective des détenus sur les problèmes de leur vie quotidienne ainsi que sur leurs conditions de détention – sont des mesures revêtant le caractère de mesures réglementaire qui ne sont pas au nombre de celles qu'il appartient au juge des référés de l'article L. 521-3 du Code de justice administrative d'ordonner.
CE, sect., 27 mars 2015, Section française de l’Observatoire international des prisons, req. n° 385332
Références
■ CE 25 janv. 2006, Cne de la Souche c/ C., req. n° 284878, Lebon.
■ CE 10 mars 2005, Fonds de garantie des dépôts, req. n° 278035, Lebon.
■ CE 29 avr. 2002, Sté Baggerbedrijf de Boer, req. n° 239466, Lebon ; RDI 2002. 401, note Dreyfus.
■ CE 8 mars 2010, D., req. n° 331115, Lebon 69.
■ CE 6 avr. 2001, Min. éducation nationale c/ C. D et M., req. n° 230000, Lebon.
■ Code de justice administrative
Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision.
Lorsque la suspension est prononcée, il est statué sur la requête en annulation ou en réformation de la décision dans les meilleurs délais. La suspension prend fin au plus tard lorsqu'il est statué sur la requête en annulation ou en réformation de la décision.
Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures.
En cas d'urgence et sur simple requête qui sera recevable même en l'absence de décision administrative préalable, le juge des référés peut ordonner toutes autres mesures utiles sans faire obstacle à l'exécution d'aucune décision administrative.
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