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Droit pénal général
Le juge et le « demi-fou »
Mots-clefs : Troubles ayant altéré le discernement, Responsabilité pénale, Peine, Motivation
Les juges disposent du pouvoir d’apprécier souverainement les conséquences devant être tirées, quant à la durée et quant au régime de la peine prononcée, de l’existence de troubles psychiques ou neuropsychiques ayant, sans les abolir, altéré le discernement de l’auteur de l’infraction ou entravé le contrôle de ses actes.
La responsabilité pénale suppose que l'auteur de l'infraction ait eu au moment de la commission de celle-ci toutes ses facultés mentales. Le Code pénal distingue le trouble psychique ayant aboli le discernement de l'individu auteur de l'acte du trouble ayant seulement altéré le discernement.
Dans la première hypothèse (C. pén., art. 122-1, al. 1er), il y a disparition de la responsabilité pénale à la différence de la responsabilité civile (C. civ., art. 414-3 : « Celui qui a causé un dommage à autrui, alors qu'il était sous l'empire d'un trouble mental, n'en est pas moins obligé à réparation »).
Dans la seconde hypothèse, la responsabilité pénale n'est pas écartée mais atténuée. Selon les termes de l'article 122-1, alinéa 2, du Code pénal, si le trouble psychique ou neuropsychique a altéré le discernement ou entravé le contrôle des actes de l'individu, celui-ci demeure punissable. Néanmoins, les juges doivent tenir compte de ce trouble lorsqu'ils déterminent la sanction de l'auteur. La Cour de cassation a décidé que l'article 122-1, alinéa 2, du Code pénal, ne prévoyant pas une cause légale de diminution de la peine, la juridiction demeure entièrement libre dans la détermination de la peine (Crim. 1er oct. 1997).
Cette liberté octroyée au juge est justement rappelée, en l’espèce, par la chambre criminelle.
Reconnu coupable d’agression sexuelle en état de récidive légale, un individu avait été condamné par la cour d’appel à une peine de six ans d’emprisonnement et à un suivi socio-judiciaire avec obligation de soins. Dans son pourvoi, le condamné reprochait aux juges de ne pas avoir tenu compte du fait qu’il présentait, selon l’expert psychiatre, un trouble psychopathologique sévère de nature à altérer son discernement ou le contrôle de ses actes, dans le prononcé de la peine.
Rejetant le pourvoi, la chambre criminelle affirme que « les juges, qui, aux termes de l’article 132-19, alinéa 2, du code pénal, ne sont pas tenus, en matière correctionnelle, de motiver spécialement le choix d’une peine d’emprisonnement sans sursis, lorsque la personne est en état de récidive légale, disposent, en outre, du pouvoir d’apprécier souverainement les conséquences devant être tirées, quant à la durée et quant au régime d’une telle peine, de l’existence de troubles psychiques ou neuropsychiques ayant, sans les abolir, altéré le discernement de l’auteur de l’infraction ou entravé le contrôle de ses actes ».
Outre le rappel du principe classique selon lequel les juges sont souverains quant aux conséquences sur la peine en cas de trouble ayant altéré le discernement, la chambre criminelle relève également que le condamné étant en état de récidive, les juges n’avaient pas à motiver spécialement le choix d’une peine privative de liberté sans sursis. En effet, aux termes de l'article 132-19, alinéa 2, du Code pénal, tel qu'il résulte de la loi du 12 décembre 2005, le juge n'est pas tenu, en matière correctionnelle, de motiver spécialement le choix d'une peine d'emprisonnement ferme, lorsque la personne est en état de récidive (Crim. 31 janv. 2007 ; Crim. 30 mai 2012 ; Crim. 23 mai 2012).
En l’espèce, la cour d’appel a pris le soin de particulièrement justifier le choix de la peine, relevant que le condamné « n’éprouve aucune culpabilité, ne formule aucune critique de son comportement alors qu’il a déjà commis des actes délictueux avec violences sur autrui ; que l’expert n’exclut pas la réitération d’actes hétéro-agressifs lorsqu’il en sera donné la possibilité en cas de présence d’éléments déclencheurs ; qu’il convient, dès lors, de sanctionner les faits commis qui revêtent un caractère de particulière gravité, en fonction des antécédents (…), mais également de protéger la société de la réitération d’actes semblables tant que [le condamné] n’a pas entrepris les soins qui justifie son état, alors qu’il demeure dans la négation de ses responsabilités ».
Motivation surabondante rappelle la Cour de cassation puisque la loi n’impose pas, dans cette hypothèse, une motivation spéciale relative à l'emprisonnement.
Crim. 29 janv. 2014, n°12-85.603 F-P+B+I
Références
■ Crim. 1er oct. 1997, n°96-85.267, Bull. crim. no 322.
■ Crim. 31 janv. 2007, n°06-85.070, Bull. crim. no 26 ; AJ pénal 2007. 219, note Nord-Wagner ; JCP 2007. IV. 1550.
■ Crim. 30 mai 2012, n°11-84.992, Bull. crim. no 137.
■ Crim. 23 mai 2012, n°11-80.869, Bull. crim. no 135, Dalloz actualité, 20 juill. 2012, obs. Martineau.
■ Code pénal
« N'est pas pénalement responsable la personne qui était atteinte, au moment des faits, d'un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes.
La personne qui était atteinte, au moment des faits, d'un trouble psychique ou neuropsychique ayant altéré son discernement ou entravé le contrôle de ses actes demeure punissable ; toutefois, la juridiction tient compte de cette circonstance lorsqu'elle détermine la peine et en fixe le régime. »
« Lorsqu'une infraction est punie d'une peine d'emprisonnement, la juridiction peut prononcer une peine d'emprisonnement pour une durée inférieure à celle qui est encourue.
En matière correctionnelle, la juridiction ne peut prononcer une peine d'emprisonnement sans sursis qu'après avoir spécialement motivé le choix de cette peine. Toutefois, il n'y a pas lieu à motivation spéciale lorsque la personne est en état de récidive légale. »
« Celui qui a causé un dommage à autrui alors qu'il était sous l'empire d'un trouble mental n'en est pas moins obligé à réparation. »
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