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Droit du travail - relations individuelles
Le licenciement est possible après la signature d’une convention de rupture
Mots-clefs : Droit social, Contrat de travail, Rupture conventionnelle, Procédure disciplinaire, Licenciement pour faute, Articulation des modes de rupture
L’employeur peut notifier au salarié son licenciement après que ce dernier a exercé son droit de rétractation à la rupture conventionnelle.
Pour la première fois, la Cour de cassation s’est prononcée sur l’articulation de la rupture conventionnelle du contrat de travail et du licenciement, jugeant le licenciement possible après qu’un salarié a exercé son droit de rétractation à la rupture conventionnelle.
En l’espèce, un salarié avait été convoqué à un entretien préalable à son licenciement, à l’occasion duquel les parties avaient finalement préféré signer une convention de rupture conventionnelle. Le salarié s’était, neuf jours plus tard, rétracté. Son employeur l’avait alors convoqué à un nouvel entretien préalable puis licencié pour faute grave.
Contestant son licenciement, le salarié invoquait son incompatibilité avec la convention de rupture antérieurement signée. La cour d’appel jugea toutefois son licenciement fondé. Le salarié forma un pourvoi en cassation.
Il fit valoir que la rupture conventionnelle étant un mode de rupture du contrat de travail autonome, l’employeur qui choisit, à la date où il a eu connaissance exacte et complète de faits imputables au salarié, de lui proposer une rupture conventionnelle , renonce de ce fait à engager à son encontre, et pour ces mêmes faits, des poursuites disciplinaires.
Il contesta, également, la gravité de la faute qui lui était imputée : la faute grave visant celle rendant impossible le maintien du salarié dans l’entreprise, le choix de la rupture conventionnelle – qui permet le maintien du salarié dans l’entreprise pendant toute la durée de la procédure –, révélait l’absence de gravité de celle qu’il avait commise.
La Cour de cassation rejette le pourvoi au motif que la signature par les parties d’une rupture conventionnelle, après l’engagement d’une procédure disciplinaire de licenciement, n’emporte pas renonciation de l’employeur à l’exercice de son pouvoir disciplinaire. Ainsi, si le salarié exerce son droit de rétractation de la rupture conventionnelle, l’employeur est fondé à reprendre la procédure disciplinaire par la convocation du salarié à un entretien préalable et à prononcer une sanction, y compris un licenciement pour faute grave, en l’espèce justifié.
Prévue aux articles L. 1231-1 et suivants du Code du travail, la rupture conventionnelle du contrat de travail à durée indéterminée fut l’une des innovations majeures de la loi n°2008-596 du 25 juin 2008, portant modernisation du marché du travail et consacrant, en parallèle aux modes unilatéraux de rupture de la relation de travail, une rupture par consentement mutuel. Celle-ci reste, néanmoins, encadrée.
Ainsi, pour protéger le consentement des parties, la loi, s’inspirant manifestement du droit de la consommation, a prévu un droit de rétractation (C. trav., art. L. 1237-13, al. 3), de 15 jours calendaires (C. trav., art. L. 1237-13, al. 3), au profit du salarié comme de l'employeur.
En l’espèce, le salarié, à l’origine de la rétractation, l’avait exercé dans le délai légal.
La question posée à la Cour était, en vérité, plus complexe : après la signature d’une convention de rupture et sa rétractation, valablement exercée, par le salarié, l’employeur a-t-il le droit de reprendre la procédure disciplinaire engagée avant cette signature en vue de licencier son salarié ?
La réponse de la Cour est claire : cette reprise est possible dès lors que la signature par les parties d’une convention de rupture n’emporte pas renonciation de l’employeur à l’exercice de son pouvoir disciplinaire. En outre, la mise en œuvre du droit de rétractation à cette convention – entraînant, quelle que soit la partie qui l’exerce, l’anéantissement du contrat – autorise l’employeur à reprendre la procédure disciplinaire initialement engagée en convoquant le salarié, comme l’exige la loi, à un entretien préalable, même à l’effet de le sanctionner par un licenciement.
En effet, à l’instar des pouvoirs de gestion et de direction, le pouvoir disciplinaire tire son fondement de l'état de subordination dans lequel se trouve le salarié en raison de son contrat de travail ; s’il ne trouve logiquement plus à s’exercer en cas de rupture, notamment conventionnelle, du contrat, son exercice redevient possible en cas de rétractation à cette rupture.
En outre, l’issue de la procédure disciplinaire est traditionnellement laissée à la libre appréciation de l’employeur. Le législateur ayant donné une définition très large de la faute disciplinaire (C. trav., art. L. 1331-1), l'employeur est non seulement libre de juger ce qui relève ou non d'une faute disciplinaire mais également de décider de la nature de la sanction en fonction de la gravité des faits reprochés, de la plus légère (l'avertissement ou le blâme, sanctions « morales »sans incidence pécuniaire) à la plus lourde (le licenciement pour faute). Et ce, même après la signature d’une convention de rupture.
Cela étant, l’employeur doit veiller au respect du délai de prescription applicable à toute procédure disciplinaire (C. trav., art. L. 1332-4) : en la réengageant, un nouveau délai de 2 mois commence à courir à compter de la convocation, la signature d’une convention de rupture ne constituant pas un acte d’interruption du délai de prescription des faits fautifs (Soc. 3 mars 2015).
Soc. 3 mars 2015, n°13-15.551
Références
■ Soc. 3 mars 2015, n°13-23.348.
■ Code du travail
« Le contrat de travail à durée indéterminée peut être rompu à l'initiative de l'employeur ou du salarié, ou d'un commun accord, dans les conditions prévues par les dispositions du présent titre.
Ces dispositions ne sont pas applicables pendant la période d'essai. »
« La convention de rupture définit les conditions de celle-ci, notamment le montant de l'indemnité spécifique de rupture conventionnelle qui ne peut pas être inférieur à celui de l'indemnité prévue à l'article L. 1234-9.
Elle fixe la date de rupture du contrat de travail, qui ne peut intervenir avant le lendemain du jour de l'homologation.
A compter de la date de sa signature par les deux parties, chacune d'entre elles dispose d'un délai de quinze jours calendaires pour exercer son droit de rétractation. Ce droit est exercé sous la forme d'une lettre adressée par tout moyen attestant de sa date de réception par l'autre partie. »
« Constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l'employeur à la suite d'un agissement du salarié considéré par l'employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l'entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération. »
« Aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales. »
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