Actualité > À la une
À la une
Droit des personnes
Le mandat de protection future mis à exécution n'empêche pas une mesure de curatelle
Mots-clefs : Majeur protégé, Sauvegarde de justice, Curatelle renforcée, Mandat de protection future
Le mandat de protection future conclue entre une mère et son fils ne fait pas obstacle à la mise sous curatelle de celle-ci, dans le cas ou ses intérêts sont mis en danger par les agissements du mandataire qu'elle a désigné.
Une femme avait été placée sous sauvegarde de justice par décision du juge des tutelles, puis mise sous curatelle renforcée, curatelle dont la gestion avait été confiée à une association compétente en matière d'administration légale. La femme faisant l'objet d'une telle mesure de protection contestait la désignation du mandataire légal ainsi que sa mise sous curatelle renforcée.
En effet, suite à la décision du juge des tutelles, elle avait conclu un mandat de protection future au profit de son fils, dans l'intention de faire échec à la décision sur la curatelle. Ce mandat de protection future, instaurée par la loi du 5 mars 2007, a pour but de « permettre à chacun d'organiser à l'avance les conséquences d'une altération de ses facultés mentales, en évitant l'ouverture d'une mesure judiciaire de protection des majeurs » (v. Courbe P., Droit civil. Les personnes, la famille, les incapacités).
Selon la femme qui faisait l'objet de la mesure de curatelle, l'annulation de la mise sous curatelle était prévue par le 4° de l'article 483 du Code civil. La curatelle ne prévaut en effet que si l'exécution du mandat de protection future « est de nature à porter atteinte aux intérêts du mandant ». A contrario, selon le demandeur au pourvoi, le juge n'ayant pas caractérisé l'atteinte, le placement sous curatelle ne révoquait pas le mandat en l'espèce.
La cour de cassation rejette le moyen, puisque le 2° du même article prévoit expressément que le mandat « prend fin par le placement en curatelle de la personne protégée ». Le législateur a ainsi voulu garantir la supériorité de l'office du juge sur la liberté contractuelle. Soulignons toutefois que le juge dispose du pouvoir de maintenir le mandat de protection future lors de l'ouverture d'une tutelle ou d'une curatelle, s'il estime que ce contrat protège efficacement les intérêts de l'incapable, selon l'article 483.
Le second moyen du pourvoi contestait la désignation d'une association tierce en tant que curateur par le juge, alors que la femme avait souhaité désigner son fils, conformément à l'article 448 du Code civil. Pour écarter le fils, les juges du fond avaient considéré qu'il avait écarté les autres membres de la famille, qu'il n'avait pas répondu aux demandes concernant ses intentions relatives à la gestion du patrimoine de sa mère et qu'il avait immédiatement vendu le logement de cette dernière.
Reprenant les constations du tribunal, la première chambre civile considère que les juges ont souverainement apprécié les éléments de fait qui démontraient que l'intérêt de la personne commandait d'écarter la personne choisie par le majeur protégé, ce que prévoit le second paragraphe de l'article 448.
On voit ici que l'apparition d'un nouveau mode de gestion des incapacités, fondé sur la volonté individuelle et inspiré par le droit contractuel, ne prive pas le juge de veiller à la protection des intérêts des majeurs incapables.
Civ. 1re, 12 janv. 2011, n° 09-16.519, FS-P+B+I
Références
« Régime de protection des majeurs qui permet d'assister une personne lorsque, sans être hors d'état d'agir elle-même, elle est dans l'impossibilité de pourvoir seule à ses intérêts en raison d'une altération de ses facultés mentales ou corporelles.
La curatelle ne peut être prononcée que s'il est établi que la sauvegarde de justice ne peut assurer une protection suffisante; à l'inverse, si la personne doit être représentée d'une manière continue dans les actes de la vie civile, elle doit être placée en tutelle (l'oisiveté et la prodigalité ne sont plus des causes d'ouverture d'une curatelle).
La curatelle peut être renforcée, permettant au curateur, dont la mission se borne à l'assistance, de percevoir seul les revenus de la personne en curatelle et d'assurer lui-même le règlement des dépenses auprès des tiers. »
« Régime de protection applicable, d'une part, aux personnes majeures qui, en raison d'une certaine altération de leurs facultés personnelles, ont besoin ou d'une protection juridique temporaire ou d'être représentées pour l'accomplissement de certains actes déterminés, d'autre part, aux personnes faisant l'objet d'une demande de curatelle ou de tutelle pendant la durée de l'instance. À côté de cette mesure judiciaire, il existe une sauvegarde de justice médicale procédant d'une déclaration adressée par le médecin au procureur de la République. L'une et l'autre deviennent caduques après une année, sauf renouvellement (unique) pour une même durée. La sauvegarde de justice ne prive pas la personne de l'exercice de ses droits; mais elle ouvre la possibilité d'agir en rescision pour lésion ou en réduction pour excès relativement aux actes passés, lors même que ces actes ne pourraient être annulés pour insanité d'esprit. »
« Juge du tribunal d'instance chargé d'organiser et de faire fonctionner la tutelle des mineurs ainsi que celle des incapables majeurs et des régimes de protection aménagés en leur faveur, sauvegarde de justice, curatelle, mesure d'accompagnent judiciaire. Le juge des tutelles est également compétent pour contrôler les administrateurs légaux, prononcer l'émancipation du mineur à la demande des père et mère ou de l'un d'eux, et organiser la gestion des biens du présumé absent. Dans une proposition de loi en cours de discussion au Parlement (mars 2009) les fonctions de juge des tutelles des mineurs seraient exercées par le juge aux affaires familiales. »
« Mandat par lequel une personne capable organise sa propre protection juridique, pour le cas où elle ne pourrait plus pourvoir seule à ses intérêts par suite d'une altération de ses facultés personnelles, en désignant un tiers de confiance chargé de la représenter dans les actes de la vie civile. Ce tiers de confiance peut être toute personne physique ou une personne morale inscrite sur la liste des mandataires judiciaires à la protection des majeurs. Le mandat évite l'ouverture d'une mesure judiciaire. Le mandat, lorsqu'il est notarié, permet au mandataire d'accomplir tous les actes patrimoniaux que le tuteur peut faire seul ou avec autorisation, à l'exception des actes de disposition à titre gratuit, à moins qu'ils ne soient autorisés par le juge des tutelles. Le mandat sous seing privé doit être soit contresigné par un avocat, soit établi selon un modèle défini par décret en Conseil d'État. Il n'autorise que les actes conservatoires et de gestion courante, avec possibilité de recourir au juge des tutelles pour voir ordonner un acte plus important se révélant nécessaire dans l'intérêt du mandant. Lorsque le mandat s'étend à la protection de la personne, le mandataire peut exercer les mêmes pouvoirs qu'un tuteur ou un curateur. »
Sources : Lexique des termes juridiques 2011, 18e éd., Dalloz, 2010.
Code civil
« La désignation par une personne d'une ou plusieurs personnes chargées d'exercer les fonctions de curateur ou de tuteur pour le cas où elle serait placée en curatelle ou en tutelle s'impose au juge, sauf si la personne désignée refuse la mission ou est dans l'impossibilité de l'exercer ou si l'intérêt de la personne protégée commande de l'écarter. En cas de difficulté, le juge statue. [...] »
« Le mandat mis à exécution prend fin par :
1° Le rétablissement des facultés personnelles de l'intéressé constaté à la demande du mandant ou du mandataire, dans les formes prévues à l'article 481 ;
2° Le décès de la personne protégée ou son placement en curatelle ou en tutelle, sauf décision contraire du juge qui ouvre la mesure ;
3° Le décès du mandataire, son placement sous une mesure de protection ou sa déconfiture ;
4° Sa révocation prononcée par le juge des tutelles à la demande de tout intéressé, lorsqu'il s'avère que les conditions prévues par l'article 425 ne sont pas réunies, lorsque les règles du droit commun de la représentation ou celles relatives aux droits et devoirs respectifs des époux et aux régimes matrimoniaux apparaissent suffisantes pour qu'il soit pourvu aux intérêts de la personne par son conjoint avec qui la communauté de vie n'a pas cessé ou lorsque l'exécution du mandat est de nature à porter atteinte aux intérêts du mandant.
Le juge peut également suspendre les effets du mandat pour le temps d'une mesure de sauvegarde de justice. »
■ Courbe P., Droit civil. Les personnes, la famille, les incapacités, 7e éd., Dalloz, coll. « Mémentos », 2009, p. 269.
Autres À la une
-
[ 20 décembre 2024 ]
À l’année prochaine !
-
Droit du travail - relations collectives
[ 20 décembre 2024 ]
Salariés des TPE : à vous de voter !
-
Droit du travail - relations individuelles
[ 19 décembre 2024 ]
Point sur la protection de la maternité
-
Libertés fondamentales - droits de l'homme
[ 18 décembre 2024 ]
PMA post-mortem : compatibilité de l’interdiction avec le droit européen
-
Droit de la famille
[ 17 décembre 2024 ]
GPA : l’absence de lien biologique entre l’enfant et son parent d’intention ne s’oppose pas à la reconnaissance en France du lien de filiation établi à l'étranger
- >> Toutes les actualités À la une