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Droit de la responsabilité civile
Le point de départ de la prescription de l’action en réparation de l’atteinte à la vie privée commise sur Internet
Mots-clefs : Vie privée, Atteinte, Internet, Action en réparation, Prescription extinctive, Délai, Point de départ
Le délai de prescription de l’action en responsabilité civile extracontractuelle engagée à raison de la diffusion sur le réseau Internet d’un message court à compter de sa première mise en ligne, date de la manifestation du dommage allégué.
En août 1996, une société met en ligne sur son site Internet des articles (déjà parus sur support papier en janvier 1991) concernant l’état de santé d’un homme public. Considérant ces informations attentatoires à sa vie privée, ce dernier assigne en justice, en septembre 2009, soit 13 ans après la première mise en ligne, la société d’édition pour obtenir réparation de son préjudice. La cour d’appel déclare son action prescrite ; en effet, selon les juges du fond, le délai de dix ans applicable en matière d’action en responsabilité extracontractuelle court à compter de la première mise en ligne du texte litigieux. Au contraire, la victime fait valoir, au soutien de son pourvoi en cassation, que le point de départ du délai pour agir doit être fixé au jour où elle a pris effectivement connaissance de la publication litigieuse, c’est-à-dire au jour de la manifestation concrète du dommage. Quel est donc le point de départ du délai de prescription de l’action en responsabilité engagée par la mise en ligne sur Internet d’un article antérieurement publié sur support papier ? À cette question, la deuxième chambre civile répond qu’un tel délai, de dix ans, court à compter de la première mise en ligne, date de la manifestation du dommage allégué.
À l’époque des faits, les actions en responsabilité civile extracontractuelle se prescrivaient par dix ans, délai désormais réduit à cinq ans (art. 2224 C. civ. ; L. n°2008-561 du 17 juin 2008). En revanche inchangé, le point de départ de ce délai est en principe fixé à la date de manifestation du dommage ou de son aggravation. Précisément, la deuxième chambre civile réaffirme ici le principe selon lequel la prescription commence à courir à compter de la première mise en ligne, qui correspond à la date de manifestation du dommage allégué. Ainsi, la date à laquelle la victime prend effectivement connaissance de l’information dommageable est indifférente, sauf dans l’hypothèse, expressément écartée par les juges dans cette affaire, de la clandestinité du fait dommageable. La solution peut sembler injuste : compte tenu de la masse d’informations publiées en ligne, la victime n’est souvent informée que tardivement de la diffusion de propos dommageables la concernant, ce qui pourrait justifier le report du point de départ du délai de prescription. Mais comme le rappelle inlassablement la Cour de cassation, ce point de départ est fixé à la date du premier acte de publication et cette date vise celle à laquelle le message a été mis en ligne, pour la première fois, à la disposition des utilisateurs. Ainsi, la Cour de cassation témoigne-t-elle, en l’espèce, de son attachement au droit commun de la prescription en matière extracontractuelle, y compris lorsque le fait dommageable est produit par le biais d’Internet. En matière pénale, elle fait preuve d’une même rigueur en appliquant strictement la loi du 29 juillet 1881 ; ainsi a-t-elle déjà pu considérer que la transformation d’un site ne pouvait être assimilée à une réédition et ne pouvait en conséquence constituer le point de départ d’un nouveau délai de prescription (Crim. 19 sept. 2006) ; aussi bien a-t-elle également jugé que la simple adjonction d'une seconde adresse pour accéder à un site existant ne saurait caractériser un nouvel acte de publication susceptible de faire démarrer une nouvelle prescription (Crim. 6 janv. 2009). De façon générale, la Cour de cassation refuse donc d’adapter la question du délai de prescription aux paramètres propres au réseau Internet ; en effet, l’essentiel des publications de presse faisant l’objet, outre l’édition papier, d’une publication en ligne, la très large portée de tels aménagements, susceptibles de remettre en cause les délais de principe, ne paraît pas souhaitable.
En somme, sauf revirement, il convient de rechercher au plus vite tout le mal qu’on pourrait dire sur soi sur la toile.
Civ. 2e, 12 avril 2012, n°11-20.664
Références
■ Code civil
Article 9
« Chacun a droit au respect de sa vie privée.
Les juges peuvent, sans préjudice de la réparation du dommage subi, prescrire toutes mesures, telles que séquestre, saisie et autres, propres à empêcher ou faire cesser une atteinte à l'intimité de la vie privée : ces mesures peuvent, s'il y a urgence, être ordonnées en référé. »
« Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. »
■ Crim. 19 sept. 2006, n° 05-87.230.
■ Crim. 6 janv. 2009, n° 05-83.491, D. 2009. 1260.
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