Actualité > À la une
À la une
Droit pénal général
Le président de la République, une victime comme les autres ?
Mots-clefs : Président de la République, Constitution de partie civile (recevabilité), Droit à un procès équitable, Impartialité (théorie des apparences), Égalité des armes
La cour d'appel de Versailles a admis, le 8 janvier 2010, dans le cadre d'une procédure suivie du chef d'escroquerie, la recevabilité de la constitution de partie civile du président de la République.
Le statut particulier du président de la République fait-il obstacle à l'exercice par celui-ci des droits reconnus à toute partie civile dans une procédure pénale ? La cour d’appel de Versailles répond par la négative. Réunissant les moyens soulevés par la défense sous l'angle de l'atteinte au principe d'un droit à un procès équitable, elle commence par rappeler le contenu du principe de l'égalité des armes, tel qu'issu de la jurisprudence rendue sur le fondement de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme (« droit, pour chaque partie, de disposer d'une possibilité raisonnable de plaider sa cause dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation de net désavantage par rapport à son adversaire ») et son domaine d'application (soit « l'égalité entre les parties », c'est-à-dire l'« égal accès aux plateaux de la balance judiciaire », soit « la mise en cause de la balance elle-même dont l'équilibre ne doit pas être modifié par des éléments ou des interventions externes »).
Sur le statut contentieux du chef de l’État, qui rend inenvisageable toute citation, audition, confrontation, acte d'information ou débat contradictoire, elle précise que « ce n'est pas tant la recherche de l'égalité des arguments de fait ou de droit qui importe mais l'égale possibilité, pour chacune des parties, de présenter ses propres armes et de discuter celles de son adversaire ». Relevant que cette présentation et cette discussion ont, dans le cas d'espèce, été effectives, elle en déduit que le procès équitable a été garanti. Le grief de partialité est également repoussé, dans sa dimension générale (lien institutionnel entre le président de la République et les magistrats fondé sur l’art. 64 de la Constitution) comme particulière (le « zèle manifeste » déployé par le parquet local n'a pas préjudicié aux intérêts des personnes mises en cause).
Le jugement de premier degré est donc infirmé en ce qu'il avait décidé de surseoir à statuer sur la demande de dommages-intérêts présentée par Nicolas Sarkozy, ce jusqu'à la fin de son mandat, « le juge ne pouvant distinguer là où la loi ne distingue en créant une règle particulière ».
Cette analyse vient, pour l’essentiel, d’être reprise par le tribunal correctionnel de Paris, dans son jugement rendu sur l’affaire Clearstream (TGI Paris, 11 e ch., 3e sect., 28 janv. 2010, n° 0418396040).
Versailles, 8 janv. 2010
Références
■ Partie civile
« Nom donné à la victime d’une infraction lorsqu’elle exerce les droits qui lui sont reconnus en cette qualité devant les juridictions répressives (mise en mouvement de l’action publique, action civile en réparation). »
■ Sursis à statuer
« Décision du juge opérant suspension provisoire du cours de l’instance. Par exemple, si un incident de faux est soulevé devant une juridiction autre que le tribunal de grande instance ou la cour d’appel, il est sursis à statuer jusqu’au jugement sur le faux.
Le sursis à statuer ne dessaisit pas la juridiction; il peut être révoqué ou réduit dans sa durée. »
Source : Lexique des termes juridiques 2010, 17e éd., Dalloz, 2009.
■ Article 64 de la Constitution
« Le Président de la République est garant de l'indépendance de l'autorité judiciaire.
Il est assisté par le Conseil Supérieur de la Magistrature.
Une loi organique porte statut des magistrats.
Les magistrats du siège sont inamovibles. »
■ Article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme - Droit à un procès équitable
« 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. Le jugement doit être rendu publiquement, mais l'accès de la salle d'audience peut être interdit à la presse et au public pendant la totalité ou une partie du procès dans l'intérêt de la moralité, de l'ordre public ou de la sécurité nationale dans une société démocratique, lorsque les intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée des parties au procès l'exigent, ou dans la mesure jugée strictement nécessaire par le tribunal, lorsque dans des circonstances spéciales la publicité serait de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice.
2. Toute personne accusée d'une infraction est présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été légalement établie.
3. Tout accusé a droit notamment à :
a. être informé, dans le plus court délai, dans une langue qu'il comprend et d'une manière détaillée, de la nature et de la cause de l'accusation portée contre lui ;
b. disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense ;
c. se défendre lui-même ou avoir l'assistance d'un défenseur de son choix et, s'il n'a pas les moyens de rémunérer un défenseur, pouvoir être assisté gratuitement par un avocat d'office, lorsque les intérêts de la justice l'exigent ;
d. interroger ou faire interroger les témoins à charge et obtenir la convocation et l'interrogation des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge ;
e. se faire assister gratuitement d'un interprète, s'il ne comprend pas ou ne parle pas la langue employée à l'audience. »
■ CEDH 30 juin 1959, Szwabowicz c. Suède ; 27 juin 1968, Neumeister c. Autriche ; 17 janv. 1970, Delcourt c. Belgique ; 30 oct. 1991, Borgers c. Belgique ; 23 juin 1993, Ruiz Mateos c. Espagne.
■ Crim. 6 mai 1997, Bull. crim. n° 170 ; D. 1998 Jur. 223, note Cerf ; RSC 1997. 858, obs. Dinthilac ; JCP 1998. II. 10056, note Lassalle.
■ Crim. 17 sept. 2008, D. 2008. AJ. 2507, obs. Girault ; D. 2009. Chron. C. cass. 44, obs. Chaumont et Degorce ; AJ pénal 2008. 456, obs. Saas.
■ Crim. 10 févr. 2009, D. 2009. AJ. 814, obs. Girault ; AJ pénal 2009. 234, obs. Saas.
Autres À la une
-
[ 20 décembre 2024 ]
À l’année prochaine !
-
Droit du travail - relations collectives
[ 20 décembre 2024 ]
Salariés des TPE : à vous de voter !
-
Droit du travail - relations individuelles
[ 19 décembre 2024 ]
Point sur la protection de la maternité
-
Libertés fondamentales - droits de l'homme
[ 18 décembre 2024 ]
PMA post-mortem : compatibilité de l’interdiction avec le droit européen
-
Droit de la famille
[ 17 décembre 2024 ]
GPA : l’absence de lien biologique entre l’enfant et son parent d’intention ne s’oppose pas à la reconnaissance en France du lien de filiation établi à l'étranger
- >> Toutes les actualités À la une