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Introduction au droit
Le principe « nul ne peut se constituer de titre à soi-même » ne s’applique pas aux faits juridiques
Le principe selon lequel nul ne peut se constituer de preuve à soi-même est inapplicable lorsqu’il s’agit de faire la preuve d’un fait juridique ; les juges du fond sont donc libres d’apprécier la valeur probante des pièces produites par le créancier.
Com. 26 juin 2024, n° 22-24.487
■ Principe : application du système de la preuve libre aux faits juridiques. Le système de la liberté de la preuve, que l’on dénomme aussi celui de la preuve morale en raison de la grande latitude laissée au juge pour forger sa conviction, admet tous les moyens de preuve. L’application de ce système aux faits juridiques trouve une justification pratique : à la différence des actes juridiques, dont les effets juridiques ont été voulus par les parties, les faits juridiques produisent des conséquences de droit que les intéressés n’ont pas recherchées. Il n’est donc bien souvent pas possible de s’en pré-constituer une preuve.
C’est pourquoi la liberté de la preuve est applicable à l’ensemble des faits juridiques, soit aux éléments constitutifs de la responsabilité civile et au quasi-contrat. En outre, même lorsqu’est conclu un acte juridique, par principe soumis au système de la légalité de la preuve, les tiers peuvent en apporter la preuve par tout moyen : en effet, l’acte juridique, parce qu’il ne lie que les parties et non les tiers, est un fait juridique pour ces derniers. Il est encore à noter que les parties à un acte juridique sont également autorisés à prouver par tout moyen les faits juridiques qui se situent soit dans la phase précontractuelle, tels les vices du consentement, soit dans la phase post-contractuelle, telle l’inexécution du contrat.
■ Conséquence : inapplication du principe « nul ne peut se constituer de titre à soi-même » à la preuve des faits juridiques. L’inapplication aux faits juridiques de l’interdiction de la preuve auto-constituée (C. civ. 1363), qui reste cantonnée aux actes juridiques, est l’une des traductions de cette liberté probatoire que la Cour de cassation a récemment rappelée à propos de la preuve d’une livraison invoquée par le créancier contractuel. Alors que la cour d’appel avait naturellement admis la preuve de ce fait juridique par la production de preuves auto-constituées par le créancier (relevés de compte client, copies de factures ou encore documents intitulés « bons de livraison »), la Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé par le débiteur, affirmant sans réserve que la cour d’appel « n’a pas pu violer le principe selon lequel nul ne peut se constituer de titre à soi-même, dès lors qu’il n’était pas applicable à la preuve d’un fait juridique tel qu’une livraison ». Le domaine du principe est ainsi cantonné : seuls les actes juridiques y sont soumis (v. aussi, Civ. 3e, 25 mai 2023, n° 21-24.055).
Ce cantonnement est traditionnellement justifié par le fait que le système de la preuve libre, qui est de mise pour la preuve des faits juridiques, permet aux plaideurs de recourir à tout type de preuve (v. G. Chantepie et M. Latina, Le nouveau droit des obligations, 3e éd., 2024, ss. art. 1358-1359, n° 1135). Dès lors, la force probante des éléments de preuve librement rapportés relève de l’appréciation souveraine des juges du fond (Com. 12 avr. 2016, n° 14-24.263). Or en l’espèce, les éléments de preuve avaient emporté la conviction des juges du fond.
Références :
■ Civ. 3e, 25 mai 2023, n° 21-24.055 : AJDI 2023. 540
■ Com. 12 avr. 2016, n° 14-24.263 : D. 2017. 881, obs. D. Ferrier ; RTD civ. 2016. 631, obs. H. Barbier
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