Actualité > À la une

À la une

[ 25 avril 2013 ] Imprimer

Procédure pénale

Le procès verbal établi lors d’une médiation pénale est une transaction au sens de l’article 2044 du code civil

Mots-clefs : Médiation pénale, Transaction, Mesures alternatives aux poursuites

Constitue une transaction le procès-verbal établi et signé à l’occasion d’une médiation pénale, qui contient les engagements de l’auteur des faits incriminés, pris envers la victime en contrepartie de la renonciation de celle-ci à sa plainte et, le cas échéant, à une indemnisation intégrale, afin d’assurer la réparation des conséquences dommageables de l’infraction et d’en prévenir la réitération par le règlement des désaccords entre les parties.

Aux termes de l'article 41-1, alinéa 6, du Code de procédure pénale, la médiation pénale intervient préalablement au déclenchement de l'action publique s'il apparaît au procureur de la République que cette mesure est susceptible : d'assurer la réparation du préjudice subi, de mettre fin au trouble né de l'infraction ou de contribuer au reclassement de l'auteur de l'infraction.

Mesure alternative aux poursuites décidée par le parquet, la médiation pénale vise à inciter les parties à trouver une solution amiable au conflit né d’une infraction. Depuis la loi no 2004-204 du 9 mars 2004 (portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, JO 10 mars), le médiateur doit dresser un procès-verbal constatant l'accord, signé par lui-même et par les parties, dont une copie est remise à ces dernières ainsi qu'au procureur de la République. Reste à déterminer la nature juridique de l’accord issu de cette médiation. Sur ce point, la doctrine admet généralement que l’accord d’indemnisation du préjudice issu de la médiation produit entre les parties les mêmes effets qu’une transaction civile. L’intérêt majeur de l’arrêt rendu par la première chambre civile le 10 avril 2013 est de confirmer cette approche pour la première fois.

Dans le cadre d’un conflit entre deux concubins, une plainte pour violences et extorsion de fonds avait été déposée par la concubine. Une médiation pénale a alors été organisée par le procureur de la République dans le cadre de l’article 41-1 du Code de procédure pénale (mesures alternatives aux poursuites). Au terme de la médiation, un procès-verbal a été dressé établissant qu’en contrepartie de la renonciation de la victime à sa plainte, l’auteur des faits s’engageait à lui verser une certaine somme « toutes causes de préjudices confondues », à prendre en charge deux crédits bancaires et à annuler une reconnaissance de dette consentie par la victime. Après la cessation définitive de leur relation, la victime a assigné son ex-concubin en exécution de la médiation pénale, ce à quoi a fait droit la juridiction civile.

Le demandeur au pourvoi contesta en vain que la médiation pénale puisse constituer une transaction soumise à ce titre au droit commun des obligations. La première chambre civile affirme en effet que « le procès-verbal établi et signé à l’occasion d’une médiation pénale, qui contient les engagements de l’auteur des faits incriminés, pris envers sa victime en contrepartie de la renonciation de celle-ci à sa plainte et, le cas échéant, à une indemnisation intégrale, afin d’assurer la réparation des conséquences dommageables de l’infraction et d’en prévenir la réitération par le règlement des désaccords entre les parties, constitue une transaction qui, en dehors de toute procédure pénale, tend à régler tous les différends s’y trouvant compris et laisse au procureur de la République la libre appréciation des poursuites en considération du comportement du mis en cause ».

Trois éléments apparaissent dans cet attendu.

Le premier est relatif à la nature de l’accord issu de la médiation pénale et transcrit dans un procès-verbal. Il s’agit d’une transaction entendue au sens de l’article 2044 du Code civil, comme «  un contrat par lequel les parties terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître ».

Le deuxième est relatif à l’objet de cette transaction s’inscrivant dans le cadre de la médiation pénale. Le demandeur au pourvoi arguait que « le procès-verbal de médiation pénale qualifié de transaction puisse avoir pour objet l’annulation d’une reconnaissance de dettes antérieure aux faits prétendument délictueux et la prise en charge de divers crédits, actes totalement étrangers à l’infraction reprochée », était contraire à l’article 2046 du Code civil. Aux termes de cette disposition il est possible de transiger sur l'intérêt civil qui résulte d'un délit. Or, la médiation menée en l’espèce n’avait pour objet que la seule réparation du préjudice mais également l’annulation d’une reconnaissance de dette et la prise en charge de crédits.

La Cour n’admet pas cette position restrictive de la médiation pénale en affirmant que la médiation « tend à régler tous les différends s’y trouvant compris ».

Enfin, le troisième élément est relatif à l’incidence de cette transaction issue de la médiation sur le sort de l’action publique. En effet, l’article 2046 du Code civil prévoit que « La transaction n'empêche pas la poursuite du ministère public ». Le demandeur soutenait qu’au contraire la médiation pénale constituant une mesure alternative aux poursuites à l’initiative du ministère public, l’accord en résultant avait une incidence directe sur le sort de l’action publique. La première chambre civile, s’alignant sur la jurisprudence de la chambre criminelle rappelle que la médiation pénale, « laisse au procureur de la République la libre appréciation des poursuites en considération du comportement du mis en cause ». L’action publique survie même dans l’hypothèse du succès de la mesure alternative aux poursuites. Il résulte de l'article 41-1 du Code de procédure pénale que le procureur de la République peut, préalablement à toute décision sur l'action publique, prescrire l'une des obligations prévues par cet article, sans que l'exécution de cette obligation éteigne l'action publique (Crim. 21 juin 2011).

Civ. 1re, 10 avr. 2013, n°12-13672

Références

■ Crim. 21 juin 2011, no11-80.003 ; Dalloz actualité, 12 juill. 2011, obs. Léna; D. 2011. 2379, note Desprez ; ibid. 2349. Point de vue, obs. Perrier ; ibid. 2012. Pan. 2118, obs. Pradel ; AJ pénal 2011. 584, note Belfanti RSC 2011. 660, obs. Danet Procédures 2011, no 312, obs. Buisson ; JCP 2011, no 1453, obs. Ludwiczak.

■ Code civil

Article 2044

« La transaction est un contrat par lequel les parties terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître. 

Ce contrat doit être rédigé par écrit. »

Article 2046

« On peut transiger sur l'intérêt civil qui résulte d'un délit. 

La transaction n'empêche pas la poursuite du ministère public. »

■ Article 41-1 du Code de procédure pénale

« S'il lui apparaît qu'une telle mesure est susceptible d'assurer la réparation du dommage causé à la victime, de mettre fin au trouble résultant de l'infraction ou de contribuer au reclassement de l'auteur des faits, le procureur de la République peut, préalablement à sa décision sur l'action publique, directement ou par l'intermédiaire d'un officier de police judiciaire, d'un délégué ou d'un médiateur du procureur de la République : 

1° Procéder au rappel auprès de l'auteur des faits des obligations résultant de la loi ; 

2° Orienter l'auteur des faits vers une structure sanitaire, sociale ou professionnelle ; cette mesure peut consister dans l'accomplissement par l'auteur des faits, à ses frais, d'un stage ou d'une formation dans un service ou un organisme sanitaire, social ou professionnel, et notamment d'un stage de citoyenneté, d'un stage de responsabilité parentale ou d'un stage de sensibilisation aux dangers de l'usage de produits stupéfiants ; en cas d'infraction commise à l'occasion de la conduite d'un véhicule terrestre à moteur, cette mesure peut consister dans l'accomplissement, par l'auteur des faits, à ses frais, d'un stage de sensibilisation à la sécurité routière ; 

3° Demander à l'auteur des faits de régulariser sa situation au regard de la loi ou des règlements ; 

4° Demander à l'auteur des faits de réparer le dommage résultant de ceux-ci ; 

5° Faire procéder, à la demande ou avec l'accord de la victime, à une mission de médiation entre l'auteur des faits et la victime. En cas de réussite de la médiation, le procureur de la République ou le médiateur du procureur de la République en dresse procès-verbal, qui est signé par lui-même et par les parties, et dont une copie leur est remise ; si l'auteur des faits s'est engagé à verser des dommages et intérêts à la victime, celle-ci peut, au vu de ce procès-verbal, en demander le recouvrement suivant la procédure d'injonction de payer, conformément aux règles prévues par le code de procédure civile. La victime est présumée ne pas consentir à la médiation pénale lorsqu'elle a saisi le juge aux affaires familiales en application de l'article 515-9 du code civil en raison de violences commises par son conjoint, son concubin ou le partenaire avec lequel elle est liée par un pacte civil de solidarité ; 

6° En cas d'infraction commise soit contre son conjoint, son concubin ou son partenaire lié par un pacte civil de solidarité, soit contre ses enfants ou ceux de son conjoint, concubin ou partenaire, demander à l'auteur des faits de résider hors du domicile ou de la résidence du couple et, le cas échéant, de s'abstenir de paraître dans ce domicile ou cette résidence ou aux abords immédiats de celui-ci, ainsi que, si nécessaire, de faire l'objet d'une prise en charge sanitaire, sociale ou psychologique ; les dispositions du présent 6° sont également applicables lorsque l'infraction est commise par l'ancien conjoint ou concubin de la victime, ou par la personne ayant été liée à elle par un pacte civil de solidarité, le domicile concerné étant alors celui de la victime. 

La procédure prévue au présent article suspend la prescription de l'action publique. 

En cas de non-exécution de la mesure en raison du comportement de l'auteur des faits, le procureur de la République, sauf élément nouveau, met en œuvre une composition pénale ou engage des poursuites. »

 

Auteur :C. L.


  • Rédaction

    Directeur de la publication-Président : Ketty de Falco

    Directrice des éditions : 
    Caroline Sordet
    N° CPPAP : 0122 W 91226

    Rédacteur en chef :
    Maëlle Harscouët de Keravel

    Rédacteur en chef adjoint :
    Elisabeth Autier

    Chefs de rubriques :

    Le Billet : 
    Elisabeth Autier

    Droit privé : 
    Sabrina Lavric, Maëlle Harscouët de Keravel, Merryl Hervieu, Caroline Lacroix, Chantal Mathieu

    Droit public :
    Christelle de Gaudemont

    Focus sur ... : 
    Marina Brillié-Champaux

    Le Saviez-vous  :
    Sylvia Fernandes

    Illustrations : utilisation de la banque d'images Getty images.

    Nous écrire :
    actu-etudiant@dalloz.fr