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Droit de la responsabilité civile
Le rappel des conditions d’engagement de la responsabilité du fait d’une chose inerte
Mots-clefs : Responsabilité du fait des choses, Chose inerte, Rôle causal dans la production du dommage, Critère de l’anormalité
Pour engager la responsabilité de son gardien, le rôle actif de la chose inerte dans la réalisation du dommage doit être établi.
Une tige métallique plantée verticalement dans le sol pour servir de tuteur n'est pas en position anormale dès lors que par ses propriétés de solidité et de rectitude, comme par ses dimensions et son emplacement au pied d'une plante à soutenir, elle remplit comme tuteur l'office attendu d'une telle chose ; partant, elle ne peut avoir été l’instrument du dommage. Aussi, c'est par son pouvoir souverain d'appréciation de la valeur et de la portée des éléments de preuve lui ayant été soumis qu'une cour d'appel rejette la demande d'indemnisation formée par une famille à la suite du décès d'un des leurs, qui s'était empalé sur une tige de fer à béton, plantée au milieu d'un bosquet situé au pied du muret qu'il avait escaladé pour atteindre la toiture de l'abri de piscine d'où il souhaitait plonger. Tel est l'enseignement de l’arrêt rendu par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, le 13 décembre 2012. Ainsi la Haute juridiction fait-elle une application classique du critère de l'anormalité pour déterminer si la chose inerte a eu un comportement actif dans la réalisation du dommage, dans le cadre de la responsabilité du fait des choses.
Rappelons d’abord que pour engager ce type de responsabilité, dont la spécificité repose sur le fait de la chose générateur du dommage, la jurisprudence, peu restrictive, n’a jamais distingué selon que la chose ait été, au moment de la survenance du dommage, en mouvement ou inerte : conférant à l’article 1384 alinéa 1er du Code civil un domaine particulièrement étendu, les juges décident depuis longtemps que l’inertie de la chose au moment de l’accident n’est pas de nature, à elle seule, à exclure le lien de causalité entre le fait générateur et le dommage (Req., 19 févr. 1941 et 26 mars 1941), ce qui a permis, à raison, d’inclure dans le champ du texte des choses statiques mais naturellement dommageables : escaliers, murs, arbres, voitures à l’arrêt, etc. Cela étant, encore convient-il, pour obtenir réparation du dommage subi, démontrer le rôle actif de la chose dans la production du dommage.
Concernant la charge de la preuve de ce rôle actif, la jurisprudence l’a déterminée en fonction de la vraisemblance du lien de causalité. La Cour de cassation a ainsi opéré une distinction entre les choses en mouvement et entrées en contact avec le siège du dommage d’une part, et les choses inertes ou les choses en mouvement mais sans contact avec la victime d’autre part. Pour les premières, la causalité est présumée, pour les secondes, elle est écartée en sorte que la preuve du rôle causal de la chose se retrouve, comme le requiert le principe énoncé à l’article 1315 alinéa 1er du Code civil, à la charge de la victime. Celle-ci doit alors démontrer le rôle actif de la chose dans la survenance du dommage (Civ. 2e, 19 oct. 1961, Bull. civ. II, n°675).
Pour rapporter cette preuve, la jurisprudence a dégagé le critère de l’anormalité de la chose : la victime est tenue de prouver que la chose présentait un état anormal (agencement anormal des lieux retenu à propos d’un escalier mal éclairé, sans rampe, avec marches inégales, v. notam. Civ. 1re, 9 juill. 2002) ou une position anormale (véhicule immobilisé à un endroit gênant, Civ. 2e, 22 nov. 1984). En l’espèce, l’anormalité de la chose, telle qu’elle doit en principe être appréciée, semblait bien devoir être écartée.
Classique, l’arrêt rapporté a néanmoins l’intérêt de confirmer le retour de la Cour de cassation à une solution traditionnelle (v. déjà Civ. 2e, 24 févr. 2005), un temps abandonnée au profit d’une appréciation a minima du critère précité de l’anormalité, une simple intervention matérielle de la chose inerte dans la réalisation du dommage ayant pu parfois suffire à fonder l’engagement de la responsabilité de son gardien (Civ. 2e, 23 mars 2000 et 15 juin 2000 ; 25 oct. 2001, où la Cour de cassation semble admettre le fait de la chose dans des cas où la position de la chose semblait normale).
La Haute cour revient ici à l’exigence de la preuve du caractère anormal de la chose inerte, au profit de son gardien, dont la responsabilité ne semble donc définitivement plus pouvoir être engagée sans la démonstration d’une véritable implication de la chose, malgré son inertie, dans la production du dommage.
Civ. 2e, 13 déc. 2012, n°11-22.582
Références
■ Civ. 1re, 9 juill. 2002, n°99-15.471, D. 2003. 461, obs. Jourdain.
■ Civ. 2e, 22 nov. 1984, n°83-13.986.
■ Civ. 2e, 24 févr. 2005, n°03-18.135, RTD civ. 2005. 407, obs. Jourdain.
■ Civ. 2e, 23 mars 2000, n°97-19.991, RTD civ. 2000. 581, obs. Jourdain.
■ Civ. 2e, 15 juin 2000, n°98-20.510, RTD civ. 2000. 849, obs. Jourdain.
■ Civ. 2e, 25 oct. 2001, n°99-21.616, RTD civ. 2002. 108, obs. Jourdain.
■ Code civil
« Celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.
Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation. »
« On est responsable non seulement du dommage que l'on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l'on a sous sa garde.
Toutefois, celui qui détient, à un titre quelconque, tout ou partie de l'immeuble ou des biens mobiliers dans lesquels un incendie a pris naissance ne sera responsable, vis-à-vis des tiers, des dommages causés par cet incendie que s'il est prouvé qu'il doit être attribué à sa faute ou à la faute des personnes dont il est responsable.
Cette disposition ne s'applique pas aux rapports entre propriétaires et locataires, qui demeurent régis par les articles 1733 et 1734 du code civil.
Le père et la mère, en tant qu'ils exercent l'autorité parentale, sont solidairement responsables du dommage causé par leurs enfants mineurs habitant avec eux.
Les maîtres et les commettants, du dommage causé par leurs domestiques et préposés dans les fonctions auxquelles ils les ont employés ;
Les instituteurs et les artisans, du dommage causé par leurs élèves et apprentis pendant le temps qu'ils sont sous leur surveillance.
La responsabilité ci-dessus a lieu, à moins que les père et mère et les artisans ne prouvent qu'ils n'ont pu empêcher le fait qui donne lieu à cette responsabilité.
En ce qui concerne les instituteurs, les fautes, imprudences ou négligences invoquées contre eux comme ayant causé le fait dommageable, devront être prouvées, conformément au droit commun, par le demandeur, à l'instance. »
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