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Droit des régimes matrimoniaux
Le recel entre époux commande l’existence d’une masse commune de biens
Mots-clefs : Divorce, Régime matrimonial, Participation aux acquêts, Biens communs (non), Recel (non), Art. 1477 C. civ.
L’article 1477 du Code civil édicte une sanction qui s’adresse aux époux communs en biens coupables d’un recel des effets de la communauté, et non aux couples mariés sous le régime de la participation aux acquêts.
Des époux, mariés sous le régime de la participation aux acquêts (art. 1569 s. C. civ.), divorcent. Plusieurs années après le prononcé du divorce, l’ex-épouse réclame la liquidation de sa créance de participation (art. 1576 C. civ.) et l’application de la sanction de recel (art. 1477 C. civ.) à l’encontre de son ex-époux. Elle reprochait en effet à ce dernier de n’avoir pas déclaré au moment du divorce qu’il détenait des actions dans plusieurs sociétés et qu’il avait ainsi porté atteinte, de façon intentionnelle, à l’égalité du partage (art. 1578 al. 3 C. civ. ; v. sur l’élément intentionnel du recel : Civ. 1re, 7 juill. 1982 ; Civ. 1re, 9 janv. 2008).
Rappelons que si au cours du mariage ce régime matrimonial fonctionne comme si les époux étaient mariés sous le régime de la séparation de biens, à sa dissolution, chacun des époux est créancier de la moitié en valeur des acquêts nets constatés dans le patrimoine de l'autre, mesurés en fonction de la reconstitution puis de l’évaluation faites du patrimoine originaire (art. 1570, 1571 C. civ.) et du patrimoine final (art. 1572 C. civ.).
Les juges du fond déclarèrent l’action irrecevable car contraire au principe de l’autorité de la chose jugée, arguant de la prescription de l’article 1578 du Code civil et de la non-démonstration du recel.
Malgré les arguments développés par les avocats de l’ex-épouse pour prouver l’élément intentionnel du recel, la Haute cour rejette le pourvoi. Elle rappelle alors un principe de pur droit selon lequel la sanction édictée à l’article 1477 du Code civil s’adresse aux « époux commun en biens coupables d’un recel des effets de la communauté». Elle souligne que du fait que le régime de la participation aux acquêts se caractérise par l’absence de masse commune de biens — puisque les biens acquis par les époux au cours du mariage constituent des biens qui leur sont personnels —, les dispositions de l’article 1477 du Code civil ne peuvent s’appliquer (v. déjà à propos d’époux mariés sous le régime de la séparation de biens : Civ. 1re, 19 mars 2008). L’épouse ne pouvait donc prétendre qu’à une créance de participation.
La première chambre civile rappelle ainsi l’exclusivité du champ d’application de l’article 1477 du Code civil aux époux communs en biens.
Civ. 1re, 4 mai 2011, n°10-15.787, FS-P+B+I
Références
■ J. Revel, Les régimes matrimoniaux, 5e éd., Dalloz, coll. « Cours », 2010, n°410 s (recel) ; n°489 s. (régime de la participation aux acquêts).
« Biens qui font partie de la communauté entre époux et qui sont partagés en principe par moitié après la dissolution du régime matrimonial. »
« Dans un régime matrimonial de communauté, biens appartenant à l’un ou à l’autre des époux et qui ne tombent pas dans la masse des biens communs. À la dissolution de la communauté, chaque époux reprend ses biens propres. »
« Régime matrimonial en vertu duquel tout ou partie des biens dont disposent les époux forme une masse commune et partagée entre eux ou entre l’époux survivant et les héritiers de l’autre, à la dissolution du régime. »
« Régime matrimonial conventionnel qui tient à la fois d’un régime séparatiste et d’un régime communautaire. Pendant le mariage tout se passe comme si les époux étaient mariés sous un régime de séparation de biens; à la dissolution chacun des époux a droit à une somme égale à la moitié des acquêts réalisés par l’autre, acquêts dont la valeur est égale à la différence entre le patrimoine final et le patrimoine originaire. »
« Fraude consistant à détourner un objet de la communauté, ou un effet de la succession, en vue de se l’approprier et de frustrer les autres ayants droit (conjoint ou cohéritiers) de la part devant leur revenir dans les choses détournées ou dissimulées. Le recel est un délit civil; le receleur ne peut prétendre à aucune part dans les biens ou les droits détournés ou recélés.
Sous la communauté légale, le recel est également constitué par le fait de dissimuler sciemment l’existence d’une dette commune; celui des époux qui s’en rend coupable doit assumer cette dette définitivement. Et en matière successorale, le délit de recel a été étendu à la dissimulation de l’existence d’un cohéritier et à la dissimulation d’une donation rapportable ou réductible. »
Source : Lexique des termes juridiques 2011, 18e éd., Dalloz, 2010.
■ Code civil
« Celui des époux qui aurait détourné ou recelé quelques effets de la communauté est privé de sa portion dans lesdits effets.
De même, celui qui aurait dissimulé sciemment l'existence d'une dette commune doit l'assumer définitivement. »
« Quand les époux ont déclaré se marier sous le régime de la participation aux acquêts, chacun d'eux conserve l'administration, la jouissance et la libre disposition de ses biens personnels, sans distinguer entre ceux qui lui appartenaient au jour du mariage ou lui sont advenus depuis par succession ou libéralité et ceux qu'il a acquis pendant le mariage à titre onéreux. Pendant la durée du mariage, ce régime fonctionne comme si les époux étaient mariés sous le régime de la séparation de biens. À la dissolution du régime, chacun des époux a le droit de participer pour moitié en valeur aux acquêts nets constatés dans le patrimoine de l'autre, et mesurés par la double estimation du patrimoine originaire et du patrimoine final. Le droit de participer aux acquêts est incessible tant que le régime matrimonial n'est pas dissous. Si la dissolution survient par la mort d'un époux, ses héritiers ont, sur les acquêts nets faits par l'autre, les mêmes droits que leur auteur. »
« Le patrimoine originaire comprend les biens qui appartenaient à l'époux au jour du mariage et ceux qu'il a acquis depuis par succession ou libéralité, ainsi que tous les biens qui, dans le régime de la communauté légale, forment des propres par nature sans donner lieu à récompense. Il n'est pas tenu compte des fruits de ces biens, ni de ceux de ces biens qui auraient eu le caractère de fruits ou dont l'époux a disposé par donation entre vifs pendant le mariage.
La consistance du patrimoine originaire est prouvée par un état descriptif, même sous seing privé, établi en présence de l'autre conjoint et signé par lui.
À défaut d'état descriptif ou s'il est incomplet, la preuve de la consistance du patrimoine originaire ne peut être rapportée que par les moyens de l'article 1402. »
« Les biens originaires sont estimés d'après leur état au jour du mariage ou de l'acquisition, et d'après leur valeur au jour où le régime matrimonial est liquidé. S'ils ont été aliénés, on retient leur valeur au jour de l'aliénation. Si de nouveaux biens ont été subrogés aux biens aliénés, on prend en considération la valeur de ces nouveaux biens.
De l'actif originaire sont déduites les dettes dont il se trouvait grevé, réévaluées, s'il y a lieu, selon les règles de l'article 1469, troisième alinéa. Si le passif excède l'actif, cet excédent est fictivement réuni au patrimoine final. »
« Font partie du patrimoine final tous les biens qui appartiennent à l'époux au jour où le régime matrimonial est dissous, y compris, le cas échéant, ceux dont il aurait disposé à cause de mort et sans en exclure les sommes dont il peut être créancier envers son conjoint. S'il y a divorce, séparation de corps ou liquidation anticipée des acquêts, le régime matrimonial est réputé dissous au jour de la demande.
La consistance du patrimoine final est prouvée par un état descriptif, même sous seing privé, que l'époux ou ses héritiers doivent établir en présence de l'autre conjoint ou de ses héritiers ou eux dûment appelés. Cet état doit être dressé dans les neuf mois de la dissolution du régime matrimonial, sauf prorogation par le président du tribunal statuant en la forme de référé.
La preuve que le patrimoine final aurait compris d'autres biens peut être rapportée par tous les moyens, même par témoignages et présomptions.
Chacun des époux peut, quant aux biens de l'autre, requérir l'apposition des scellés et l'inventaire suivant les règles prévues au code de procédure civile. »
« La créance de participation donne lieu à paiement en argent. Si l'époux débiteur rencontre des difficultés graves à s'en acquitter entièrement dès la clôture de la liquidation, les juges peuvent lui accorder des délais qui ne dépasseront pas cinq ans, à charge de fournir des sûretés et de verser des intérêts.
La créance de participation peut toutefois donner lieu à un règlement en nature, soit du consentement des deux époux, soit en vertu d'une décision du juge, si l'époux débiteur justifie de difficultés graves qui l'empêchent de s'acquitter en argent.
Le règlement en nature prévu à l'alinéa précédent est considéré comme une opération de partage lorsque les biens attribués n'étaient pas compris dans le patrimoine originaire ou lorsque l'époux attributaire vient à la succession de l'autre.
La liquidation n'est pas opposable aux créanciers des époux : ils conservent le droit de saisir les biens attribués au conjoint de leur débiteur. »
« À la dissolution du régime matrimonial, si les parties ne s'accordent pas pour procéder à la liquidation par convention, l'une d'elles peut demander au tribunal qu'il y soit procédé en justice.
Sont applicables à cette demande, en tant que de raison, les règles prescrites pour arriver au partage judiciaire des successions et communautés.
Les parties sont tenues de se communiquer réciproquement, et de communiquer aux experts désignés par le juge, tous renseignements et documents utiles à la liquidation.
L'action en liquidation se prescrit par trois ans à compter de la dissolution du régime matrimonial. Les actions ouvertes contre les tiers en vertu de l'article 1167 se prescrivent par deux ans à compter de la clôture de la liquidation. »
■ Civ. 1re, 7 juill. 1982, Bull. civ. I, n°255.
■ Civ. 1re, 9 janv. 2008, Bull. civ. I, n°10.
■ Civ. 1re, 19 mars 2008, Bull. civ. I, n°86 ; RLDC 2008/5, n°3000, obs. Jeanne.
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