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Le recours systématique à un box vitré en audience pénale pourrait être contraire à la présomption d’innocence
Le recours systématique à un box vitré lors d’une audience pénale pourrait porter atteinte, selon les circonstances, à la présomption d’innocence (art. 6§2 de la Conv. EDH). Toutefois, l’utilisation d’un box vitré ne contrevient pas à l’article 6 s’il est fondé sur une évaluation concrète de la dangerosité du prévenu et des impératifs de sécurité par les juridictions nationales.
CEDH, 3 avr. 2025, Federici c/ France, n° 52302/19
Le requérant est accusé d’assassinats en bande organisée. Arrêté après une cavale de plusieurs années, il est jugé et condamné. Il interjette appel. Lors des audiences d’appel, il comparaît dans un box vitré en présence de deux gardes. Un dispositif de microphones et hygiaphones lui permet de communiquer confidentiellement avec ses avocats, ou d’être entendu par la salle d’audience.
Après plusieurs audiences, il demande à comparaître à la barre plutôt que dans le box, affirmant souffrir d’un handicap auditif. La cour d’assises d’appel rejette sa demande, et maintient sa condamnation à trente ans de réclusion criminelle. Après s’être pourvu, sans succès, en cassation, le requérant saisit la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH).
Il allègue une atteinte à son droit à un procès équitable. Son placement dans un box, combiné avec le handicap auditif allégué, l’aurait empêché de participer effectivement à la procédure. Le placement dans le box aurait également porté atteinte à sa présomption d’innocence. La CEDH examine ces deux griefs.
■ Droit d’être effectivement associé à la procédure (Art. 6§1 CEDH, pts. 45 à 55).
Le droit de participer effectivement à la procédure découle de l’article 6§1 et 6§3 de la Convention européenne des droits de l’homme.
En l’espèce, la Cour européenne constate que le requérant n’a informé la juridiction de son handicap auditif qu’à la veille de son interrogatoire en appel. Il n’a pas demandé que soient constatés ses difficultés auditives. Il n’a produit aucun document médical lié à ce handicap, ni précisé la nature des troubles allégués (pts. 51 et 52). De surcroit, la cour d’assises a rendu un arrêt d’incident dûment motivé, constatant que le requérant était en mesure de répondre sans difficulté aux questions posées, ainsi que de communiquer confidentiellement avec ses avocats.
Par ailleurs, comme dans l’affaire Auguste c/ France, le système de box vitré à microphones et hygiaphones ne constitue pas, en soi, une entrave au droit de participer effectivement à la procédure. (v. Commission européenne des droits de l’homme, 7 juin 1990, Auguste c/ France, n°11837/85).
Ce grief est donc manifestement mal fondé et donc irrecevable.
■ Présomption d’innocence (Art. 6§2 Conv. EDH ; pts. 56 à 73).
L’article 6§2 de la Conv. EDH dispose que toute personne accusée d’une infraction est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité soit légalement établie. Ce principe est également garanti en droit français (art. 9 Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 ; article préliminaire du Code de procédure pénale).
Examinant le grief du requérant, la CEDH relève que le box est un dispositif permanent et inamovible, et souligne qu’un recours systématique à cet équipement pourrait, selon les circonstances, se révéler préjudiciable aux droits fondamentaux d’un accusé (pt. 69).
La Cour procède ensuite à un examen in concreto (ibid.), et rappelle qu’il lui appartient de déterminer si, concrètement, le recours au box vitré a porté atteinte aux droits fondamentaux du requérant. La Cour mentionne avoir condamné la Russie, dans des affaires où l’accusé était placé dans des cages métalliques lors des audiences, sur le fondement de l’article 3 de la Convention (interdiction de la torture et des traitements inhumains ; CEDH, Khodorvskiy et Lebedev c/ Russie, n° 11082/06 et 13772/05, §646 à 648). En l’espèce, le box est un enclos vitré sans plafond, suffisamment spacieux et équipé, ne présentant pas d’aspect rebutant ou humiliant (pt. 70).
Deuxièmement, la CEDH rappelle que les requérants doivent développer leurs griefs tant en droit qu’en fait. Or, le requérant n’a « jamais avancé qu’il y avait des raisons objectives » de craindre que le recours au box vitré aurait donné une image négative de sa personne. Il s’est borné à invoquer l’avis du Défenseur des droits (pt. 19 ; avis n° 2018-128 du 17 avr. 2018), et la notion de présomption d’innocence en droit (pt. 71).
Enfin, la cour d’assises n’a rejeté la demande du requérant de comparaître hors du box qu’à l’issue d’une appréciation in concreto du risque, tenant compte du comportement passé du requérant et de la nature violente des faits reprochés. Le recours au box était donc nécessaire dans un impératif de sécurité (pt. 72). Les éléments du dossier ne sont pas de nature à remettre en cause cette appréciation.
La CEDH conclut donc, à l’unanimité, que « dans les circonstances particulières de la présente espèce », il n’y a pas eu violation de l’article 6§2.
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