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[ 7 février 2014 ] Imprimer

Droit social

Le refus d’étendre le droit à une pension de réversion au partenaire survivant n’est pas discriminatoire

Mots-clefs : Pension de réversion, Partenaire survivant, Égalité de traitement, Mariage, PACS

Réserver le droit à une pension de réversion aux couples mariés n’est pas discriminatoire dans la mesure où la protection du mariage constitue une raison importante et légitime pouvant justifier une différence de traitement entre couples mariés et couples non mariés et que l’option entre mariage et PACS procède du libre choix des intéressés.

Le droit français réserve, en matière de retraites, le bénéfice du droit à une pension de réversion, en cas de décès ou de disparition de l'assuré, à la qualité de conjoint survivant de son bénéficiaire (CSS, art. L. 353-1 et L. 353-2). Sous l’influence du droit européen des droits de l’homme, la question de l’éventuelle discrimination, créée par cette condition, entre les couples mariés et les couples non mariés, s’est posée.

Le Conseil d’État y avait, dès 2002, répondu, estimant que le principe d'égalité n'implique pas de traiter les personnes liées par un PACS et les personnes mariées de manière identique dès lors que les situations juridiques considérées ne sont pas comparables et qu’en conséquence, ce principe n'impose pas d'étendre aux partenaires tous les avantages accordés aux conjoints (CE, avis, 28 juin 2002). Quelques années plus tard, il avait à nouveau affirmé que le refus de cette extension ne constitue pas une discrimination prohibée par l'article 14 de la Conv. EDH et par l'article 1er du protocole additionnel (CE 6 déc. 2006).

En revanche, dans l’ordre externe, la CJUE avait refusé de trancher la question, renvoyant le juge national à son obligation d’apprécier, au nom du principe d’égalité, la comparabilité des situations pour déterminer l’existence d’une éventuelle discrimination « directe » au sens de la directive 2000/78 (CJCE 1er avr. 2008, Maruko). Son silence persistant se comprend au regard du principe de son incompétence pour trancher des questions de droit interne de la famille telle que celle-ci. Cela étant, d’aucuns pouvaient regretter que la Cour n’eût pas fourni au juge national une ligne directrice claire et précise pour opérer la comparaison des situations du partenaire pacsé et du conjoint survivant.

D’où l’intérêt de la décision rapportée, par laquelle la Cour de cassation approuve les juges du fond d’ « avoir exactement rappelé qu’en réservant au conjoint survivant la possibilité d’obtenir une pension du chef du conjoint décédé, ce qui supposait une union par le mariage, l’article L. 353-1 du CSS tirait les conséquences d’un statut civil spécifiquement défini par le législateur, la cour d’appel en a justement déduit que la différence de situation entre les personnes mariées et les autres quant aux droits sociaux reposait sur un critère objectif ». Et la Haute cour d’affirmer que : « la protection du mariage constitue une raison importante et légitime pouvant justifier une différence de traitement entre couples mariés et couples non mariés ; que d’autre part, l’option entre mariage et PACS procède en l’espèce du libre choix des intéressés ».

Ce dernier élément fut sans doute déterminant dès lors que le couple, hétérosexuel, était, à l’époque des faits, précédant la loi n°2013-404 du 17 mai 2013, déjà en droit de se marier. La solution s’impose donc à plus forte raison aujourd’hui : en effet, un couple, quelle que soit son orientation sexuelle, peut désormais librement choisir entre concubinage, PACS et mariage, avec des effets respectivement variables, notamment d'ordre pécuniaire.

La décision rapportée n’allait cependant pas de soi compte tenu du rapprochement progressif du statut des couples mariés et des couples pacsés.

En effet, si le droit à une pension de réversion est généralement considéré comme la conséquence de la solidarité financière qui existait entre les conjoints (certains utilisent d'ailleurs l'expression d'« acquêt de mariage » pour désigner la pension de réversion, v. not. M. Harichaux-Ramu), l'on doit aujourd'hui reconnaître qu’une même solidarité est exigée des partenaires pacsés. Certains n'hésitent d'ailleurs pas à parler d'un véritable régime primaire du PACS (not. P. Simler et P. Hilt  – H. Fulchiron).

Pour affirmer que les couples vivant en concubinage et ceux unis par les liens du mariage sont, pour l'attribution du droit à une pension de réversion, dans une situation différente, le Conseil d'État s’était appuyé sur le fait que, « en vertu des dispositions du Code civil, les conjoints sont assujettis à une solidarité financière et à un ensemble d'obligations légales, telles que la contribution aux charges de la vie commune, qui ne pèsent pas sur les personnes vivant en concubinage » (CE 6 déc. 2006, préc.). Or, par une relecture de cette décision, il aurait pu être considéré qu'en vertu des dispositions du Code civil, les conjoints sont assujettis à une solidarité financière et à un ensemble d'obligations légales, telles que la contribution aux charges de la vie commune, qui pèsent aussi sur les partenaires pacsés. La Cour de cassation n’adhère cependant pas à cette analyse. Le Conseil constitutionnel l’avait également rejetée (Cons. const. 29 juill. 2011), préférant tenir compte des différences subsistant entre le PACS et le mariage, notamment au stade de la cessation du couple, le législateur n’ayant instauré, en cas de cessation du premier, aucune compensation financière. Au terme de cette comparaison, le Conseil en avait conclu que le législateur avait soumis ces deux formes d’union à des régimes distincts, de sorte que la différence de traitement quant au bénéfice de la pension de réversion entre les personnes mariées et celles unies par un PACS n’était pas contraire au principe d’égalité.

Civ. 2e, 23 janv. 2014, n°13-11.362

Références

■ CE, avis, 28 juin 2002, n° 220361.

■ CE 6 déc. 2006, n° 262096, RTD civ. 2007. 86, obs. Hauser.

 CJCE 1er avr. 2008, Maruko, aff. C-267/06, cons.73.

■ Cons. const. 29 juill. 2011, 2011-155 QPC.

■ M. Harichaux-Ramu, « L'évolution de la pension de réversion », Dr. soc. 1980. 236, spéc.  242.

■ P. Simler et P. Hilt, « Le nouveau visage du PACS : un quasi-mariage », JCP G 2006. I. 161.

■ H. Fulchiron, « Le nouveau PACS est arrivé », Defrénois 2006. 1621.

■ Code de la sécurité sociale

Article L. 353-1

« En cas de décès de l'assuré, son conjoint survivant a droit à une pension de réversion à partir d'un âge et dans des conditions déterminés par décret si ses ressources personnelles ou celles du ménage n'excèdent pas des plafonds fixés par décret.

La pension de réversion est égale à un pourcentage fixé par décret de la pension principale ou rente dont bénéficiait ou eût bénéficié l'assuré, sans pouvoir être inférieure à un montant minimum fixé par décret en tenant compte de la durée d'assurance lorsque celle-ci est inférieure à la durée déterminée par ce décret. Toutefois, ce minimum n'est pas applicable aux pensions de réversion issues d'une pension dont le montant est inférieur au minimum prévu à l'article L. 351-9. 

Elle est majorée lorsque le bénéficiaire remplit les conditions fixées à l'article L. 351-12. Cette majoration ne peut être inférieure à un pourcentage du montant minimum de la pension de réversion. 

Lorsque son montant majoré des ressources mentionnées au premier alinéa excède les plafonds prévus, la pension de réversion est réduite à due concurrence du dépassement. »

Article L. 353-2

« Lorsqu'un assuré, titulaire d'une pension ou d'une rente de vieillesse du régime général de sécurité sociale, a disparu de son domicile et que plus d'un an s'est écoulé sans qu'il ait réclamé les arrérages de cette prestation, son conjoint peut obtenir, à titre provisoire, la liquidation des droits qui lui auraient été reconnus en cas de décès de l'assuré. 

Lorsqu'un assuré, non encore titulaire d'une pension ou d'une rente de vieillesse, a disparu de son domicile depuis plus d'un an, son conjoint peut également obtenir, à titre provisoire, la liquidation des droits qui lui auraient été reconnus en cas de décès de l'assuré. 

La liquidation provisoire des droits du conjoint devient définitive lorsque le décès est officiellement établi ou lorsque l'absence a été déclarée par jugement passé en force de chose jugée. »

■ Article 14 de la Convention européenne des droits de l’homme - Interdiction de discrimination

« La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l’origine nationale ou sociale, l’appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation. »

■ Article 1er du Protocole additionnel - Protection de la propriété

« Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. 

Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les États de mettre en vigueur les lois qu’ils jugent nécessaires pour réglementer l’usage des biens conformément à l’intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d’autres contributions ou des amendes. »

 

Auteur :M. H.


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