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Droit européen et de l'Union européenne
Le refus permanent du don du sang par les homosexuels hommes viole la Charte des droits fondamentaux de l’Union
Mots-clefs : Homosexuel, Don du sang, VIH, Discrimination, Orientation sexuelle, Objectif légitime, Santé publique, Proportionnalité, Charte des droits fondamentaux, Directive
Une législation nationale peut être compatible avec le droit dérivé mais être contraire avec les dispositions de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne en raison de son degré d’atteinte à un droit.
Ainsi la loi française est compatible avec la directive 2004/33/CE, portant application de certaines exigences techniques relatives au sang et aux composants sanguins. Cette directive ouvre la possibilité d’interdire de manière permanente, sous réserve de preuves suffisantes, le don du sang pour les homosexuels hommes en raison du risque élevé de contracter des maladies infectieuses graves transmissibles par le sang. Cependant cette interdiction ne peut être conforme avec l’article 21, paragraphe 1 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne relatif au principe de non-discrimination fondée sur l’orientation sexuelle en raison de son caractère disproportionné, des mesures alternatives pouvant être mises en œuvre.
L’arrêt de la CJUE du 29 avril 2015 démontre une nouvelle fois l’importance d’un contrôle de la compatibilité des actes nationaux au regard de la Charte des droits fondamentaux et non plus seulement au regard des actes de droit dérivé de l’Union. La finalité des textes de droit dérivé, souvent technique, ne reflète pas nécessairement les exigences en matière de droits fondamentaux. Ainsi, une législation nationale peut tout à fait être compatible avec une directive, tout en étant incompatible avec la Charte.
Les faits sont, à l’origine, liés à un refus de l'établissement français du sang de recevoir du sang d'un homme homosexuel. En effet, au regard du droit français, les homosexuels hommes sont exclus de la possibilité de faire un don du sang. Le requérant a contesté cette décision devant les juridictions administratives, ce qui a donné lieu à une question préjudicielle. La question portait exclusivement sur la compatibilité du refus permanent avec la directive 2004/33/CE. En réalité, il s'agissait de déterminer au regard du contenu de la directive s'il existe un risque élevé de contracter des maladies infectieuses graves transmissibles par le sang en raison de rapports homosexuels entre hommes en France.
La Cour va répondre en deux temps. Elle se prononce tout d’abord par rapport à la directive puis par rapport à la Charte des droits fondamentaux alors même que les droits fondamentaux n’avaient pas été évoqués dans les questions préjudicielles.
Dans un premier temps, les juges de l’Union reconnaissent que la directive permet d’exclure du don du sang « les sujets dont le comportement sexuel les expose à un risque» de contracter des maladies infectieuses. Cependant, la Cour exige que le groupe de personnes en cause constitue véritablement un risque. Aussi la Cour indique-t-elle que le juge national doit prendre en compte la situation épidémiologique en France, notamment par rapport aux données statistiques françaises. Il apparait implicitement que l’existence de ce risque doit être réévaluée régulièrement afin de vérifier que les données sont toujours pertinentes. Ainsi, si les données sont fiables, l’exclusion permanente est possible au regard de la directive.
Dans un second temps, la Cour examine si cette exclusion peut violer les droits fondamentaux et plus précisément l’article 21, paragraphe 1 de la Charte sur le principe de non-discrimination fondée sur l’orientation sexuelle. La Cour réaffirme qu’un droit peut faire l’objet d’une limitation à la condition que l’atteinte soit nécessaire et proportionnée conformément à l’article 52, paragraphe 1 de la Charte. La nécessité signifie que l'atteinte doit répondre à un objectif légitime d'intérêt général, ce qui est le cas pour la Cour de justice lorsqu'il s'agit de rechercher un niveau élevé de protection pour la santé humaine. La proportionnalité exige que la mesure n’aille pas au-delà de ce qui est nécessaire. En outre si une mesure aussi efficace est envisageable tout en étant moins restrictive, c’est cette dernière qui doit être mise en œuvre.
Dans cet arrêt, la Cour va juger que la mesure est disproportionnée, non seulement parce que l’interdiction est permanente et systématique mais également en raison de l’existence de techniques efficaces pour détecter le VIH garantissant un niveau élevé de protection pour les receveurs. Ces techniques permettent d’envisager la levée de l’interdiction permanente tout en préservant l’objectif fixé. Parallèlement, la Cour insiste sur l’impossibilité de conserver le droit français dans son contenu actuel puisqu’elle précise qu’en cas d'absence de telles techniques en France, le juge national doit vérifier si des méthodes moins contraignantes que l'exclusion permanente pourraient être mises en œuvre. Cette insistance de la Cour est rare, marquant la volonté des juges de l’Union de parvenir à une protection effective des droits fondamentaux, combien même une nouvelle approche pourrait soulever une opposition au niveau national.
Références
■ Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne
« Non-discrimination 1. Est interdite toute discrimination fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, les origines ethniques ou sociales, les caractéristiques génétiques, la langue, la religion ou les convictions, les opinions politiques ou toute autre opinion, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance, un handicap, l'âge ou l'orientation sexuelle. »
« Portée et interprétation des droits et des principes. 1. Toute limitation de l'exercice des droits et libertés reconnus par la présente Charte doit être prévue par la loi et respecter le contenu essentiel desdits droits et libertés. Dans le respect du principe de proportionnalité, des limitations ne peuvent être apportées que si elles sont nécessaires et répondent effectivement à des objectifs d'intérêt général reconnus par l'Union ou au besoin de protection des droits et libertés d'autrui. »
■ Directive 2004/33/CE du 22 mars 2004 portant application de la directive 2002/98/CE du Parlement européen et du Conseil concernant certaines exigences techniques relatives au sang et aux composants sanguins.
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