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Droit des obligations
Le régime du retrait litigieux précisé
Mots-clefs : Cession de créance, Retrait litigieux, Conditions
L’exercice du droit de retrait litigieux n’est pas subordonné à l’existence d’une intention spéculative des parties à la cession de créance.
Rares sont les arrêts rendus sur le régime du retrait litigieux, d’où l’intérêt de la décision rapportée que renforce, de surcroît, la nouveauté du principe qui y est affirmé : pour la première fois, en effet, la Haute cour affirme que l’exercice du retrait litigieux ne dépend pas d’une intention spéculative des parties à la cession de créance. Ainsi apporte-t-elle une précision utile au régime de ce mécanisme, par lequel le débiteur rachète sa dette, litigieuse, au cessionnaire de ladite dette, pour un prix inférieur à sa valeur. Le débiteur va alors acquérir le droit de son adversaire et de ce fait, échapper au procès auquel la créance litigieuse aurait dû le mener.
En l’espèce, le contentieux trouvait sa cause dans la liquidation amiable d’une société d’agence commerciale. Les associés décidèrent, au cours d’une assemblée générale extraordinaire, de clôturer les opérations de liquidation et de céder pour le prix d’un euro les créances litigieuses que la société détenait sur deux sociétés — dont une avait pour objet le paiement d’une indemnité de cessation de contrat d’agent commercial — à ses associés. Une fois la société mandante au titre du contrat d’agence commerciale assignée en justice, la première société a notifié aux associés son intention d’exercer son droit de retrait litigieux, conformément à l’article 1699 du Code civil. En appel, cette demande fut rejetée. Mais l’affaire fut par la suite portée en cassation et la chambre commerciale est venue censurer le raisonnement des juges du fond au visa du texte précité.
Tout d’abord, après avoir rappelé la règle selon laquelle la cession en bloc de plusieurs créances ne fait pas obstacle au droit de retrait litigieux à l’égard d’une créance qui y est incluse sous réserve de la déterminabilité de son prix, la Cour de cassation reproche à la cour d’appel d’avoir jugé infondé le droit de retrait litigieux en ce qu’il ne serait que l’accessoire des opérations de liquidation amiable. En effet, il est désormais acquis qu’un tel retrait ne peut être exercé lorsque le droit litigieux se révèle inséparable d’un droit principal dont il constitue l’accessoire (Civ. 3e, 31 mai 1978). Cela étant, le contrôle, opéré par la Cour de cassation, de la motivation des juges du fond, nécessite que ces derniers caractérisent précisément l’existence d’un lien, non détachable, d’accessoire à principal, entre la créance objet du droit litigieux et la créance principale. Les juges du fond saisis n’ayant pas suffisamment motivé le caractère inséparable du droit litigieux, la cassation est prononcée.
Ensuite, la chambre commerciale réfute la remise en cause du droit de retrait fondée sur la position procédurale du retrayant car si la loi réserve expressément le retrait litigieux au seul défendeur, selon la Cour, l’exercice du droit de retrait demeure possible en cas de demande reconventionnelle en indemnisation : quoiqu’elle replace en quelque sorte le retrayant en qualité de demandeur, cette demande, simplement reconventionnelle, ne suffit pas à remettre en cause le déroulé de l’opération dès lors que le principe de distinction de la défense au fond et de la demande reconventionnelle est acquis.
Enfin, la Haute cour dénonce, par une formule de principe remarquable, la condition supplémentaire imposée, sans support légal, par la cour d’appel à l’exercice du retrait litigieux lorsqu’elle soumet le droit au retrait à l’intention spéculative des parties à la cession. En effet, comme l’affaire rapportée en témoigne, le but recherché par la cession de droits litigieux peut être étranger à l’espoir de réaliser un gain, correspondant en fait à la perte évitée résultant de la différence entre le prix de la créance et le montant de la condamnation du débiteur, à l’issue du procès.
En l’espèce, le transfert des créances litigieuses aux associés visait simplement à clore, dans les meilleurs délais, la liquidation amiable de la société, ce qui supposait de liquider l’ensemble de ses droits et obligations, et notamment ceux liés à une instance en cours.
Com. 15 janv. 2013, n°11-27.298
Références
« Celui contre lequel on a cédé un droit litigieux peut s'en faire tenir quitte par le cessionnaire, en lui remboursant le prix réel de la cession avec les frais et loyaux coûts, et avec les intérêts à compter du jour où le cessionnaire a payé le prix de la cession à lui faite. »
■ Civ. 3e, 31 mai 1978, Bull. civ. III, n°231.
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