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[ 15 septembre 2014 ] Imprimer

Droit européen et de l'Union européenne

Le regroupement familial pour les ressortissants de pays tiers conditionné à l’âge des mariés

Mots-clefs : Droit au regroupement familial, Ressortissant de pays tiers, Conjoint, Âge minimal, Citoyen européen

Le regroupement familial constitue un enjeu à la fois personnel pour les individus concernés, mais également politique et économique pour les États membres. Cet enjeu pour les États se ressent au travers de différentes dispositions adoptées par l’Union européenne, notamment à l’égard des ressortissants des pays tiers pour lesquels il existe des dispositions spécifiques au sein de la directive 2003/86/CE. La Cour de justice reconnaît le droit aux États membres, conformément aux dispositions de cette directive, d’imposer que les conjoints aient atteint chacun l’âge de 21 ans au moment du dépôt de la demande. L’objectif est de lutter contre les mariages forcés et de favoriser une meilleure intégration.

Les conditions du regroupement familial répondent à des exigences distinctes selon qu’un citoyen de l’Union européenne soit concerné ou que le regroupement ne vise que des ressortissants des pays tiers. 

Dans le cas où le regroupement familial vise un membre de la famille d’un citoyen de l’Union, la directive 2004/38 s’applique. Elle exige deux principales conditions :

– la première est que le citoyen de l’Union ait fait usage de sa mobilité ;

 – la seconde est que le membre de la famille soit un conjoint, un descendant ou un ascendant. Aucune condition d’âge n’est imposée pour le conjoint.

La situation est autre, sur le fondement de la directive 2003/86, lorsque le regroupement familial est envisagé entre ressortissants de pays tiers, dont l’un est déjà établi dans une État membre de l’Union. Cette fois une condition d’âge peut être imposée à l’égard des mariés.

À l’origine des faits, se trouvait une femme vivant en Afghanistan et mariée à un ressortissant afghan établi en Autriche. Celle-ci a effectué une demande de regroupement familial que les autorités autrichiennes lui ont refusé au motif que son mari n’avait pas atteint l’âge de 21 ans au moment du dépôt de la demande. Le juge national a alors saisi la Cour afin d’avoir une interprétation du contenu de la directive 2003/86.

La Cour de justice reconnaît que les États membres, au regard de la directive 2003/86, peuvent exiger que les conjoints aient tous les deux au minimum 21 ans (Dir., art. 4 § 5). Il ne peut pas être imposé un âge minimal supérieur. Les États membres sont en conséquence liés par cette harmonisation du droit de l’Union sur l’âge minimum pouvant être exigé.

Cependant, aucune précision n’était apportée sur la date à laquelle cette exigence devait être remplie.

La Cour juge que le fait de retenir la date du dépôt de la demande entre dans le champ de la marge d’appréciation laissée aux États membres. Sachant que cette date n’empêche pas le regroupement familial, elle ne fait que le différer conformément à l’objectif recherché afin de s’assurer de la maturité des conjoints et, plus particulièrement, de celui qui vient s’installer dans l’Union. La Cour indique, en outre, que cette date permet de garantir l’égalité de traitement et préserve la sécurité juridique.

Il est intéressant de remarquer que cette exigence n’est pas imposée lorsque le ressortissant du pays tiers est membre de la famille d’un citoyen de l’Union. Le risque de mariage forcé ou d’exigence de maturité n’est pas appréhendé de manière aussi contraignante.

La protection du droit à la vie privée est ainsi différente selon l’origine du couple. Les conditions restrictives sont plus nombreuses pour les ressortissants des pays tiers. En effet, au-delà de l’âge minimum, la directive impose également des critères stricts quant aux ressources et au logement : les ressources doivent être supérieures aux seuils permettant d’obtenir des prestations sociales et le logement doit répondre à des normes de salubrité et de sécurité. Ces éléments ne sont pas présents à l’égard des citoyens de l’Union qui souhaitent bénéficier du regroupement familial.

Ce droit au respect de la vie privée n’est néanmoins pas nié à l’égard des ressortissants des pays tiers, respectant finalement les exigences de la Charte des droits fondamentaux de l’Union, même si l’arrêt n’y fait à aucun moment référence, en l’absence de question préjudicielle sur ce fondement juridique.

CJUE 17 juill. 2014, Marjan Noorzia, C-338/13

 

Références

 Directive 2003/86/CE du Conseil du 22 septembre 2003 relative au droit au regroupement familial 

Article 4

« 1. Les États membres autorisent l'entrée et le séjour, conformément à la présente directive et sous réserve du respect des conditions visées au chapitre IV, ainsi qu'à l'article 16, des membres de la famille suivants:

a) le conjoint du regroupant;

b) les enfants mineurs du regroupant et de son conjoint, y compris les enfants adoptés conformément à une décision prise par l'autorité compétente de l'État membre concerné ou à une décision exécutoire de plein droit en vertu d'obligations internationales dudit État membre ou qui doit être reconnue conformément à des obligations internationales;

c) les enfants mineurs, y compris les enfants adoptés, du regroupant, lorsque celui-ci a le droit de garde et en a la charge. Les États membres peuvent autoriser le regroupement des enfants dont la garde est partagée, à condition que l'autre titulaire du droit de garde ait donné son accord;

d) les enfants mineurs, y compris les enfants adoptés, du conjoint, lorsque celui-ci a le droit de garde et en a la charge. Les États membres peuvent autoriser le regroupement des enfants dont la garde est partagée, à condition que l'autre titulaire du droit de garde ait donné son accord.

Les enfants mineurs visés au présent article doivent être d'un âge inférieur à la majorité légale de l'État membre concerné et ne pas être mariés.

Par dérogation, lorsqu'un enfant a plus de 12 ans et arrive indépendamment du reste de sa famille, l'État membre peut, avant d'autoriser son entrée et son séjour au titre de la présente directive, examiner s'il satisfait à un critère d'intégration prévu par sa législation existante à la date de la mise en œuvre de la présente directive.

2. Les États membres peuvent, par voie législative ou réglementaire, autoriser l'entrée et le séjour, au titre de la présente directive, sous réserve du respect des conditions définies au chapitre IV, des membres de la famille suivants:

a) les ascendants en ligne directe au premier degré du regroupant ou de son conjoint, lorsqu'ils sont à sa charge et qu'ils sont privés du soutien familial nécessaire dans le pays d'origine;

b) les enfants majeurs célibataires du regroupant ou de son conjoint, lorsqu'ils sont objectivement dans l'incapacité de subvenir à leurs propres besoins en raison de leur état de santé.

3. Les États membres peuvent, par voie législative ou réglementaire, autoriser l'entrée et le séjour, au titre de la présente directive, sous réserve du respect des conditions définies au chapitre IV, du partenaire non marié ressortissant d'un pays tiers qui a avec le regroupant une relation durable et stable dûment prouvée, ou du ressortissant de pays tiers qui est lié au regroupant par un partenariat enregistré, conformément à l'article 5, paragraphe 2, ainsi que des enfants mineurs non mariés, y compris les enfants adoptés, et des enfants majeurs célibataires qui sont objectivement dans l'incapacité de subvenir à leurs propres besoins en raison de leur état de santé.

Les États membres peuvent décider que les partenaires enregistrés sont assimilés aux conjoints pour ce qui est du regroupement familial.

4. En cas de mariage polygame, si le regroupant a déjà un conjoint vivant avec lui sur le territoire d'un État membre, l'État membre concerné n'autorise pas le regroupement familial d'un autre conjoint.

Par dérogation au paragraphe 1, point c), les États membres peuvent imposer des restrictions concernant le regroupement familial des enfants mineurs d'un autre conjoint auprès du regroupant.

5. Afin d'assurer une meilleure intégration et de prévenir des mariages forcés, les États membres peuvent demander que le regroupant et son conjoint aient atteint un âge minimal, qui ne peut être supérieur à 21 ans, avant que le conjoint ne puisse rejoindre le regroupant.

6. Par dérogation, les États membres peuvent demander que les demandes concernant le regroupement familial d'enfants mineurs soient introduites avant que ceux-ci n'aient atteint l'âge de 15 ans, conformément aux dispositions de leur législation en vigueur à la date de la mise en oeuvre de la présente directive. Si elles sont introduites ultérieurement, les États membres qui décident de faire usage de la présente dérogation autorisent l'entrée et le séjour de ces enfants pour d'autres motifs que le regroupement familial. »

 Directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 relative au droit des citoyens de l'Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, modifiant le règlement (CEE) n° 1612/68 et abrogeant les directives 64/221/CEE, 68/360/CEE, 72/194/CEE, 73/148/CEE, 75/34/CEE, 75/35/CEE, 90/364/CEE, 90/365/CEE et 93/96/CEE (Texte présentant de l’intérêt pour l’EEE).

 

Auteur :V. B.


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