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[ 13 mars 2013 ] Imprimer

Procédure civile

Le respect du contradictoire s’impose d’abord au juge

Mots-clefs : Principe de la contradiction, Juge, Fin de non-recevoir, Irrecevabilité, Observations des parties

En vertu du principe contradictoire, le juge ne peut relever d’office une fin de non-recevoir sans avoir préalablement invité les parties à présenter leurs observations sur celle-ci.

Une femme saisit une commission de surendettement des particuliers puis forme un recours contre sa décision, déclarant sa demande irrecevable. Autorisée à ne pas comparaître, elle adresse alors par écrit ses moyens au juge de l’exécution. En effet, si devant le juge de l’exécution, en principe, la procédure est orale (C. pr. exéc., R.121-8), la dispense de comparution, autorisant les parties à formuler leurs prétentions et leurs moyens par écrit sans se présenter à l’audience, est admise. Le juge peut donc autoriser l’écrit, sans audience ni débats, le jugement rendu dans ces conditions restant contradictoire (C. pr. civ., art. 446-1, al. 2). En l’espèce, le juge saisi constate que le recours, quoique valablement formé par écrit, a été intenté hors délai. Il le juge donc irrecevable. La femme se pourvoit alors en cassation. La Haute cour casse le jugement rendu au visa de l’article 16 du Code de procédure civile. Alors que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction, en l’espèce, le juge de l’exécution saisi a, en violation du texte visé, relevé d’office une fin de non-recevoir sans avoir préalablement invité les parties à présenter leurs observations sur celle-ci.

Les fins de non-recevoir doivent être relevées d'office ou peuvent être relevées d'office par le juge, selon qu'elles sont d'ordre public ou non (C. pr. civ., art. 125). Le juge a l'obligation de relever d'office les fins de non-recevoir lorsqu'elles ont un caractère d'ordre public (C. pr. civ., art. 125, al. 1er). Le texte ne donne que quelques exemples, dont celui ici en cause : l'inobservation des délais dans lesquels doivent être exercées les voies de recours. Dans le même sens que la décision rapportée, il a ainsi déjà été jugé, s'agissant d'une décision de la commission de recours amiable, que le recours formé après l'expiration du délai de deux mois prévu par le Code de la sécurité sociale justifie une mise en œuvre d’office de la fin de non-recevoir par le juge (Soc. 18 juill. 1997 ; v. égal. Civ. 2e3 avr. 2003). Indépendamment de l’inobservation du délai de recours, la jurisprudence est ensuite venue compléter la liste, sommaire et non limitative, prévue par l’article 125 ; ainsi les règles gouvernant l'état des personnes étant d'ordre public, les fins de non-recevoir tirées de cette matière doivent être relevées d'office (Civ. 2e9 juill. 2009)A contrario, le défaut d'intérêt, le défaut de qualité ou la chose jugée peuvent être relevés d'office (C. pr. civ., art. 125, al. 2) : le juge a ainsi la faculté, de lui-même, de mettre fin à une instance violant manifestement la règle « pas d'intérêt, pas d'action » (Civ. 2e18 janv. 1984).

Le juge est donc, selon les cas, libre ou contraint de relever d'office une fin de non-recevoir, mais dans un cas comme dans l’autre, il doit respecter la règle de l'article 16 du Code de procédure civile, selon lequel le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction. À cette fin, il doit provoquer l'explication des parties sur l'irrecevabilité alléguée (Civ. 2e16 déc. 2010 Ch. mixte, 10 juill. 1981).

La fin de non-recevoir ne peut donc être relevée d'office qu'à la condition d'inviter les parties à présenter leurs observations. Le non-respect de cette condition par le juge conduit, comme en l’espèce, à méconnaître le principe de la contradiction. Cela étant, si la procédure était restée orale, la solution n’aurait probablement pas été la même ; en effet, dans ce cas, la jurisprudence a posé une présomption selon laquelle le juge a soumis les moyens relevés d’office à la discussion des parties, à charge pour la partie qui prétend le contraire de démontrer que tel n’a pas été le cas (Civ. 2e, 6 mars 2003 : « Attendu qu’en matière de procédure orale […], les moyens soulevés par le juge sont présumés, sauf preuve contraire non rapportée en l’espèce, avoir été débattus contradictoirement à l’audience »).

Civ. 2e, 21 févr. 2013, n°11-27.051

Références

■ Article R. 121-8 du Code des procédures civiles d'exécution

« La procédure est orale. »

■ Code de procédure civile

Article 16

« Le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction. 

Il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement. 

Il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations. »

Article 125

« Les fins de non-recevoir doivent être relevées d'office lorsqu'elles ont un caractère d'ordre public, notamment lorsqu'elles résultent de l'inobservation des délais dans lesquels doivent être exercées les voies de recours ou de l'absence d'ouverture d'une voie de recours. 

Le juge peut relever d'office la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt, du défaut de qualité ou de la chose jugée. »

Article 446-1

« Les parties présentent oralement à l'audience leurs prétentions et les moyens à leur soutien. Elles peuvent également se référer aux prétentions et aux moyens qu'elles auraient formulés par écrit. Les observations des parties sont notées au dossier ou consignées dans un procès-verbal.

Lorsqu'une disposition particulière le prévoit, les parties peuvent être autorisées à formuler leurs prétentions et leurs moyens par écrit sans se présenter à l'audience. Le jugement rendu dans ces conditions est contradictoire. Néanmoins, le juge a toujours la faculté d'ordonner que les parties se présentent devant lui. »

■ Soc. 18 juill. 1997, n° 95-17.008.

■ Civ. 2e, 3 avr. 2003n° 01-20.886.

■ Civ. 2e, 9 juill. 2009, n° 08-41.044.

■ Civ. 2e, 18 janv. 1984, n° 82-15.832.

 Civ. 2e16 déc. 2010, n° 09-16.846.

■ Ch. mixte, 10 juill. 1981n° 77-10.745.

■ Civ. 2e, 6 mars 2003n° 02-60.835.

 

Auteur :M. H.

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