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Droit de la consommation
Le salarié protégé par le droit de la consommation
Le droit des clauses abusives est applicable au prêt consenti par un employeur à l’un de ses salariés, en sorte que la clause de résiliation de plein droit de ce contrat en cas de démission du salarié emprunteur doit être réputée non écrite.
Lorsqu'un employeur conclut avec l’un de ses salariés et avec sa conjointe, non salariée mais co-empruntrice solidaire, un contrat de prêt immobilier destiné à financer l'acquisition de leur résidence principale, le premier doit être qualifié de professionnel et les seconds de consommateurs, en sorte qu’au lieu du droit du travail, seul le droit de la consommation, et plus spécialement le droit des clauses abusives, est applicable au litige relatif à la mise en œuvre de deux clauses, l’une pénale, l’autre visant au remboursement anticipé des échéances restant dues, toutes deux jugées abusives dans la décision rapportée, rendue par la première chambre civile de la Cour de cassation.
En l'espèce, une société avait consenti un contrat de prêt immobilier à l’un de ses salariés, ainsi qu’à son épouse, dont une clause stipulait que ce contrat serait résilié de plein droit « en cas de cessation d'appartenance du salarié » au personnel de cette société. Cette clause avait pour effet de rendre immédiatement exigible le remboursement du capital prêté aux emprunteurs en cas de rupture du contrat de travail par le conjoint salarié, et ce indépendamment de la bonne ou mauvaise exécution du contrat de prêt par les co-emprunteurs. Or, après que l’époux salarié eut démissionné, la société avait assigné le couple en remboursement des sommes déjà versées et en versement de la somme prévue par une clause pénale stipulée au contrat de prêt.
La cour d'appel accueillit sa demande, évinçant le caractère abusif de la clause de résiliation de plein droit au motif que c’était en sa seule qualité d’employeur et au regard de l’existence d’un contrat de travail le liant à son salarié que la société lui avait octroyé, ainsi qu’à son épouse, un contrat de prêt immobilier, que cette société n’était pas un professionnel au sens de l’article L. 132-1 du Code de la consommation dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, quand bien même il existerait en son sein un département particulier gérant les avances au personnel, et que les emprunteurs n’avaient pas non plus la qualité de consommateurs au sens de ce texte. Pour appuyer sa motivation, elle ajouta, concernant le contenu de la clause, que celle-ci s’inscrivait dans un contrat qui présentait des avantages pour le salarié et équilibrait ainsi l’avantage à première vue excessif qu’elle conférait à l’employeur prêteur.
Au visa de l’article L. 132-1 du Code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, et de l’article 2, sous b) et sous c), de la directive 93/13/CEE du Conseil du 5 avril 1993 concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, la Cour de cassation condamne fermement l’analyse des juges du fond.
Concernant la qualité des parties, elle reprend l’arrêt du 19 (21) mars 2019 (C-590/17) de la CJUE, que la Haute juridiction avait pris l’initiative d’interroger sur cette affaire (Civ. 1re, 4 oct. 2017, n° 16-12.519), les juges européens ayant dit pour droit que :
1. L’article 2, sous b), de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, doit être interprété en ce sens que le salarié d’une entreprise et son conjoint, qui concluent avec cette entreprise un contrat de crédit, réservé, à titre principal, aux membres du personnel de ladite entreprise, destiné à financer l’acquisition d’un bien immobilier à des fins privées, doivent être considérés comme des « consommateurs », au sens de cette disposition ;
2. L’article 2, sous c), de la directive doit être interprété en ce sens que ladite entreprise doit être considérée comme un « professionnel », au sens de cette disposition, lorsqu’elle conclut un tel contrat de crédit dans le cadre de son activité professionnelle, même si consentir des crédits ne constitue pas son activité principale.
Elle rappelle également qu’est abusive la clause qui prévoit la déchéance du prêt pour une cause extérieure au contrat (Civ. 1re, 27 nov. 2008, n° 07-15.226, Civ. 1re, 1 févr. 2005, n° 01-16.733), en sorte que la clause litigieuse, prévoyant la résiliation de plein droit du contrat de prêt pour une cause extérieure à ce contrat, afférente à l’exécution d’une convention distincte, crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment du consommateur, ainsi exposé à une aggravation soudaine des conditions de remboursement et à une modification substantielle de l’économie du contrat de prêt.
Civ. 1re, 5 juin 2019, n° 16-12.519
Références
■ CJUE 21 mars 2019, C-590/17 : D. 2019. 636
■ Civ. 1re, 4 oct. 2017, n° 16-12.519
■ Civ. 1re, 27 nov. 2008, n° 07-15.226 P : D. 2009. 16, obs. V. Avena-Robardet ; ibid. 393, obs. E. Poillot et N. Sauphanor-Brouillaud ; RTD civ. 2009. 116, obs. B. Fages ; RTD com. 2009. 190, obs. D. Legeais.
■ Civ. 1re, 1 févr. 2005, n° 01-16.733 P : D. 2005. 640, obs. V. Avena-Robardet ; RTD civ. 2005. 393, obs. J. Mestre et B. Fages ; RTD com. 2005. 825, obs. B. Bouloc.
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