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Droit pénal spécial
Le serveur qui offre des boissons à ses clients commet un abus de confiance
Mots-clefs : Abus de confiance (éléments constitutifs), Détournement, Prix, Recel, Concours de qualifications (concours idéal), Vol, Recel
Le prévenu qui s’est abstenu volontairement de remettre à son employeur le prix des boissons qu’il était chargé d’encaisser se rend coupable d’un abus de confiance, au sens de l’article 314-1 du Code pénal.
Après avoir constaté que l’un des serveurs de son établissement servait des consommations à des clients sans les facturer, la gérante d’un bar porta plainte. Le serveur fut relaxé en première instance mais la cour d’appel infirma ce jugement en retenant, qu’au cours des débats, l’intéressé avait reconnu avoir, de sa propre initiative, offert des consommations sans émettre de tickets de caisse correspondants, et qu’il avait donc, à l’insu de son employeur, sciemment affecté à une destination étrangère à celle voulue par celui-ci de nombreuses boissons qu’il était censé vendre à ses clients, peu important qu’il n’en ait pas tiré un profit personnel direct.
Dans son pourvoi, le prévenu invoquait deux arguments : les limites de la saisine de la cour d’appel et le défaut de caractérisation de l’intention frauduleuse de l’abus de confiance. Il faisait d’abord valoir que l’acte initial de saisine du tribunal visait le détournement d’une somme d’argent constatée dans une reconnaissance de dette et non des faits d’abus de confiance portant sur des boissons. Il reprochait ensuite à la cour d’appel de ne pas avoir recherché si l’offre d’un certain nombre de boissons aux clients en vue de les fidéliser n’était pas dépourvue de toute intention frauduleuse.
Ses arguments ne convainquent pas la chambre criminelle qui estime que la cour d’appel a statué dans la limite de sa saisine et justifié sa décision « dès lors qu’il résulte de [s]es énonciations que le prévenu s’est abstenu volontairement de remettre à son employeur le prix des boissons qu’il était chargé d’encaisser ».
On rappellera que l’abus de confiance est un délit puni de trois ans d’emprisonnement et de 375 000 euros d’amende consistant à « détourner, au préjudice d'autrui, des fonds, des valeurs ou un bien quelconque qui lui ont été remis et qu'elle a acceptés à charge de les rendre, de les représenter ou d'en faire un usage déterminé » (art. 314-1 C. pén.). La caractéristique essentielle de cette infraction consiste donc en une remise préalable et volontaire d’un bien par la future victime, bien ayant une affectation ou un usage déterminé (v. M. Véron). Il y a détournement, au sens de l’article 314-1, dès lors que le propriétaire est privé de ses droits sur la chose (Crim. 12 juin 1978), indépendamment de toute appropriation ou de tout profit pour l’auteur du délit (v. par ex. Crim. 10 mai 1989), de sorte qu’il y a bien eu, en l’espèce, détournement par le prévenu du prix des boissons qu’il était censé encaisser au profit de son employeur. Sans doute, la qualification de vol (art. 311-1 C. pén.) aurait pu trouver à s’appliquer (est notamment analysé comme un vol le fait pour une vendeuse d’emporter, sans les payer, des marchandises en provenance de son magasin : Crim. 6 mars 1968). Quoi qu’il en soit, la solution est bien amère pour les clients concernés, que l’on pourrait potentiellement poursuivre pour recel (art. 321-1 C. pén.) !
Crim. 5 oct. 2011, no 10-88.722, F-P+B
Références
[Droit pénal]
« Fait par une personne de détourner, au préjudice d’autrui, des fonds, des valeurs, ou un bien quelconque qui lui ont été remis et qu’elle a acceptés à charge de les rendre, de les représenter ou d’en faire un usage déterminé. »
[Droit pénal]
« Crime ou délit consistant à dissimuler, détenir, transmettre directement ou indirectement une chose en sachant qu’elle provient d’un crime ou d’un délit, à bénéficier en connaissance de cause du produit d’un crime ou d’un délit ou encore à soustraire à la justice des personnes responsables d’infraction ou le cadavre de la victime d’un homicide ou décédée à la suite de violences. »
Source : Lexique des termes juridiques 2012, 19e éd., Dalloz, 2011.
■ M. Véron, Droit pénal spécial, 13e éd., Sirey, coll. « Université », 2010.
■ Crim. 12 juin 1978, 76-91.932, Bull. crim. no 188.
■ Crim. 10 mai 1989, n°88-85.144, Dr. pénal 1989. 17.
■ Crim. 6 mars 1968, n°67-92.490, Bull. crim. n°79 ; D. 1968. 395.
■ Code pénal
« Le vol est la soustraction frauduleuse de la chose d'autrui. »
« L'abus de confiance est le fait par une personne de détourner, au préjudice d'autrui, des fonds, des valeurs ou un bien quelconque qui lui ont été remis et qu'elle a acceptés à charge de les rendre, de les représenter ou d'en faire un usage déterminé.
L'abus de confiance est puni de trois ans d'emprisonnement et de 375000 euros d'amende. »
« Le recel est le fait de dissimuler, de détenir ou de transmettre une chose, ou de faire office d'intermédiaire afin de la transmettre, en sachant que cette chose provient d'un crime ou d'un délit.
Constitue également un recel le fait, en connaissance de cause, de bénéficier, par tout moyen, du produit d'un crime ou d'un délit.
Le recel est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 375000 euros d'amende. »
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