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Droit constitutionnel
Le vote blanc ?
Mots-clefs : Droit de vote, Vote blanc, Modes de scrutin, Vote nul, Suffrages exprimés, Élections, Comptabilisation
Le vote blanc se distingue de l’absence de vote et du vote nul, il exprime de la part du citoyen le refus des options proposées.
Avant la loi n° 2014-172 du 21 février 2014 visant à reconnaitre le vote blanc aux élections, celui-ci était assimilé au vote nul.
Depuis le 1er avril 2014, « les bulletins blancs sont décomptés séparément et annexés au procès-verbal. Ils n'entrent pas en compte pour la détermination des suffrages exprimés, mais il en est fait spécialement mention dans les résultats des scrutins. Une enveloppe ne contenant aucun bulletin est assimilée à un bulletin blanc » (C. élect., art. L. 65, al. 3). Ainsi, une enveloppe vide ne peut plus être considérée comme un vote nul (V. par ex. : CE 24 oct. 2008, n° 317548 : « Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que six enveloppes ont été trouvées vides dans l'urne ; que ces enveloppes ont à bon droit été regardées comme des suffrages nuls »).
La loi du 21 février 2014 a eu pour objectif de reconnaître le vote blanc comme un acte citoyen qui se distingue de l'abstention et exprime au contraire un choix, une volonté politique de participer au scrutin pour dire son refus de choisir entre les candidats en lice.
Ainsi, selon les résultats officiels du premier tour de scrutin de l’élection du Président de la République donnés par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 26 avril 2017, n° 2017-169 PDR, le nombre de bulletins blancs (mentionné pour la première fois pour une élection présidentielle) correspond à un total de 659 997. En conséquence, on constate un nombre plus important de bulletins blancs que de bulletins en faveur de Mme Nathalie Arthaud (232 384), de M. Philippe Poutou (394 505), de M. Jacques Cheminade (65 586), de M. Jean Lassalle (435 301) ou encore de M. François Asselineau (332 547). Sur les onze candidats à la présidentielle, six ont des résultats bien supérieurs au nombre de bulletins blancs.
Le 6 mai 2012, jour du second tour de l’élection présidentielle, plus de 2,1 millions de bulletins blancs et nuls avaient été décomptés (Rapport visant à reconnaitre le vote blanc aux élections, Assemblée Nationale, par F. Sauvadet, 14 nov. 2012). « En valeur absolue, c’est-à-dire en nombre de bulletins, il s’agit d’un record, toutes votations confondues, sous la Ve République. En pourcentage des votants, le vote blanc et nul a atteint 5,82 %, aboutissant à ce que le nouveau Président de la République ait été élu sans réunir la majorité absolue des votants : seulement 48,6 % des citoyens ayant déposé un bulletin dans l’urne ont choisi M. François Hollande – qui a, en revanche, obtenu 51,6 % des suffrages exprimés. Un tel cas de figure s’était déjà produit en 1995 : M. Jacques Chirac avait été élu avec 52,6 % des suffrages exprimés, mais sans obtenir la majorité absolue des votants (49,5 %, en raison du haut niveau des bulletins blancs et nuls) (V. Rapport préc.).
■ Pourquoi ne pas comptabiliser les bulletins blancs pour la détermination des suffrages exprimés ?
L'auteur du texte sur la reconnaissance du vote blanc, le député François Sauvadet, souhaitait que les bulletins blancs soient décomptés et entrent dans le compte des suffrages exprimés. Il aurait alors fallu modifier les règles de calcul de la majorité absolue (plus de 50 % des suffrages exprimés).
La seule élection en France qui exige la majorité absolue des suffrages concerne l’élection du Président de la République (Const. 58, art. 7, al. 1er : « Le Président de la République est élu à la majorité absolue des suffrages exprimés »). Ainsi, s’il avait été décidé d’intégrer les votes blancs aux suffrages exprimés, il aurait été possible que le candidat arrivé en tête au second tour ne dispose pas de la majorité absolue.
La seule solution reviendrait alors à organiser une nouvelle élection…
Et en poussant le raisonnement à l’extrême, il en irait de même si, lors d’élections se déroulant à la majorité simple, les bulletins blancs devaient être les plus nombreux (pour l’examen romanesque d’une situation de ce type, on pourra lire avec intérêt : « La Lucidité » (Ensaio sobre a lucidez), roman de l'écrivain portugais José Saramago (prix Nobel de littérature 1998), paru en 2004.
■ Conséquences de la comptabilisation des bulletins blancs parmi les exprimés
TYPE D'ÉLECTIONS |
CONSÉQUENCES |
Élections à la représentation proportionnelle (régionales, en partie sénatoriales, municipales dans les villes de plus de 1000 habitants) |
Compliquerait les calculs (modification du quotient électoral) |
Élections au scrutin majoritaire à deux tours (législatives, départementales, municipales en dessous de 1000 habitants) |
1) Élévation du chiffre de la majorité absolue rendant l'élection au premier tour plus difficile, sans grand risque de modification du résultat final (donc : complication inutile). 2) Impasse dans l'hypothèse où les bulletins blancs auraient obtenu la majorité relative au second tour : personne ne peut être élu. |
Élection présidentielle |
Cf. Art. 7 de la Constitution : « le Président est élu à la majorité absolue des suffrages exprimés ». D'où deux effets possibles de l'assimilation des bulletins blancs aux suffrages exprimés : - Rendrait plus difficile une élection au premier tour. - Empêcherait l'élection au second tour si le candidat arrivé en tête ne rassemblait pas plus de voix que celles de son adversaire augmentées des bulletins blancs. |
Référendums |
Le projet ne pourrait être adopté que si le nombre de bulletins « oui » était supérieur à celui des « non » et des « blancs » réunis. |
Source : Dossier thématique du Conseil constitutionnel sur le référendum. 2005, et actualisé par C. G.
Références
■ Code constitutionnel et des droits fondamentaux 2017, M. Lascombe, Dalloz.
■ CE 24 oct. 2008, n° 317548, Lebon ; AJDA 2008. 2036 ; ibid. 2009. 1302, chron. S.-J. Liéber et D. Botteghi.
■ La loi « reconnaissant » le vote blanc : l’art de prendre les électeurs pour des pions, Revue générale du droit on line, 2014, numéro 14748 par C.-É. Sénac.
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