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Droit pénal général
Légitime défense d’un gendarme : caractérisation
Mots-clefs : Légitime défense, Gendarme, Proportion, Détenu, Mort
N’est pas pénalement responsable le gendarme qui a fait usage de son arme envers un détenu qui menaçait de mort sa collègue, dès lors que son acte était nécessaire et qu’il n’existait aucune disproportion entre la gravité de l’atteinte et les moyens de défense employés.
Le 26 août 2014, deux gendarmes ont assuré le transfèrement judiciaire par la route d’un détenu depuis la maison d’arrêt de Strasbourg-Elsau jusqu’à Colmar, en vue de son audition par le juge d’instruction. Au cours du trajet, le détenu, qui réussit à détacher sa ceinture de sécurité, se jeta sur le gendarme qui était assis à ses côtés, le frappant et tentant de s’emparer de son arme. L’autre gendarme, qui était au volant, arrêta alors le véhicule et en sortit pour sommer l’intéressé de stopper ses violences. Il sortit puis rengaina son arme puis tenta, sans succès, d’extraire le détenu agrippé sur son collègue ; ce dernier, tentant de protéger son arme, se mit à crier « Il va me tuer ». Après une nouvelle sommation, le gendarme tira un coup de feu sur le détenu qui décéda peu après.
Une information judiciaire fut ouverte pour violences volontaires ayant entrainé la mort sans intention de la donner. Le juge d’instruction rendit une ordonnance de non-lieu, estimant que la légitime défense était caractérisée. La cour d’appel confirma ce non-lieu, retenant notamment que « le risque imminent de l’usage de cette arme à feu en direction des deux gendarmes [était] établi, en sorte que l'unique coup de feu tiré par le gendarme X… a été́ commandé par la nécessité́ de protéger l'intégrité́ physique de la gendarme Y…, après l'échec des autres moyens mis en œuvre pour la sauver ». La chambre criminelle était ici saisie du pourvoi formé par la partie civile qui contestait, sur le fondement notamment des articles 122-5 du Code pénal et 2 de la Convention européenne des droits de l’homme (droit à la vie), l’existence d’un danger imminent (en particulier, était invoquée l’absence de trace papillaire appartenant au détenu sur l’arme de la gendarme) et le caractère proportionné de l’acte de défense (prétendument le gendarme aurait pu, au lieu de tirer à une distance d’environ un mètre et en visant une zone comprise entre le haut du thorax et la cou, tenter à nouveau de maîtriser le détenu menotté ou utiliser sa matraque télescopique).
La Haute Cour estime que la chambre de l'instruction a caractérisé l'existence de la légitime défense dès lors qu’il résulte de ses motifs que le gendarme « a été contraint d'accomplir un acte nécessaire à la protection de sa collègue, […], en danger de mort, et qu'il n'existait aucune disproportion entre la gravité de l'atteinte commise par l'agresseur et les moyens de défense employés pour l'interrompre, l'empêcher ou y mettre fin ».
La légitime défense peut être définie comme la commission d’une infraction en riposte à une atteinte injustifiée. L’article 122-5 du Code pénal dispose à cet effet que « n’est pénalement responsable la personne qui, devant une atteinte injustifiée envers elle-même ou autrui, accomplit, dans le même temps, un acte commandé par la nécessité de la légitime défense d’elle-même ou d’autrui, sauf s’il y a disproportion entre les moyens de défense employés et la gravité de l’atteinte ». Pour être caractérisé et produire son effet exonératoire de responsabilité, ce fait justificatif exige la réunion de plusieurs conditions tenant à l’atteinte et à la riposte. L’atteinte, d’abord, doit être réelle (créer un danger fortement probable), actuelle et injuste (sur ces caractères, V. Rép. pén. Dalloz, nos 39 s.). La riposte, ensuite, doit être concomitante à l’atteinte, nécessaire à la sauvegarde de l’intérêt menacé et proportionnée (pour des exemples de ripostes mesurées, V. Rép. pén. préc., n° 144).
Concernant l'intervention des forces de l'ordre et l'utilisation de leurs armes, on rappellera que depuis la loi n° 2017-258 du 28 février 2017 relative à la sécurité publique l'article L. 435-1 du Code de la sécurité intérieure encadre l’usage de leurs armes à feu par les policiers et gendarmes, « dans l'exercice de leurs fonctions et revêtus de leur uniforme ou des insignes extérieurs et apparents de leur qualité », en permettant celui-ci uniquement « en cas d'absolue nécessité et de manière strictement proportionnée » (pour la genèse de ces dispositions et leur articulation avec le droit commun de la légitime défense, V. Rép. pén. préc., n° 167 s.).
Crim. 9 janv. 2018, n° 16-86.55
Références
■ Fiche d’orientation Dalloz : Légitime défense.
■ Convention européenne des droits de l’homme
Article 2
« Droit à la vie. 1. Le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi. La mort ne peut être infligée à quiconque intentionnellement, sauf en exécution d'une sentence capitale prononcée par un tribunal au cas où le délit est puni de cette peine par la loi.
2. La mort n'est pas considérée comme infligée en violation de cet article dans les cas où elle résulterait d'un recours à la force rendu absolument nécessaire:
a) pour assurer la défense de toute personne contre la violence illégale;
b) pour effectuer une arrestation régulière ou pour empêcher l'évasion d'une personne régulièrement détenue;
c) pour réprimer, conformément à la loi, une émeute ou une insurrection. »
■ R. Bernardini, vo Légitime défense, Rép. pén. Dalloz, oct. 2017.
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